Crédit photo : Jack Davison. Denis Villeneuve Copyright © 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.
Juste avant de retourner dans les déserts de l’œuvre phare de l’auteur Frank Herbert à travers le point de vue de Denis Villeneuve dans Dune : Deuxième partie, attardons-nous à l’impressionnant parcours professionnel du cinéaste québécois. Dans sa filmographie, il semble y avoir une progression naturelle, tant dans sa démarche que dans les œuvres qu’il nous a proposées depuis sa participation à La Course Europe-Asie sur les ondes de Radio-Canada en 1990-1991. À cette époque, il a parcouru le monde avec l’équipement fourni par la télévision d’État, réalisant chaque semaine de courts reportages diffusés devant plus de 300 000 téléspectateurs et un jury de l’industrie. Aujourd’hui, ce sont ses longs métrages qui séduisent des millions de cinéphiles dans des cinémas partout sur la planète.
En remportant haut la main La Course Europe-Asie, Denis Villeneuve a eu droit à une année de réalisation à l’Office national du film. Le résultat sera son court métrage REW-FFWD, tourné en Jamaïque, avec lequel il entame déjà sa carrière internationale (au Festival international du film de Locarno), en plus de démontrer sa maîtrise précoce du langage cinématographique. Durant son séjour à l’ONF, il aura aussi la chance d’accompagner le réputé documentariste Pierre Perrault en Arctique, lors du tournage de son ultime film Cornouailles. Après avoir réalisé quelques vidéoclips, entre autres Ensorcelée de Daniel Bélanger et Tout simplement jaloux de Beau Dommage, Denis Villeneuve participe ensuite au film collectif Cosmos, présenté à la Quinzaine des réalisateurs (désormais la Quinzaine des cinéastes) au prestigieux Festival de Cannes. Le film sera aussi sélectionné comme représentant du Canada pour l’obtention d’une nomination aux Oscars, dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. C’est l’année suivante que Denis Villeneuve nous propose son premier long métrage en solo, Un 32 août sur Terre, mettant en vedette Pascal Bussières et Alexis Martin. Déjà dans ce film, il y a la présence d’un désert, celui de Bonneville Salt Flats en Utah, aux États-Unis. Avec cette comédie dramatique, le réalisateur est invité à nouveau au Festival de Cannes, cette fois-ci dans la section Un certain regard, en plus d’être à nouveau le candidat national dans la course à la statuette dorée américaine. Même chose avec Maëlstrom, son second long métrage sorti en 2000, qui gagne en plus le Prix de la Critique Internationale (FISPRESCI) au Festival de Berlin ainsi que les prix Genie (désormais les prix Écrans canadiens) et Jutra (désormais les prix Iris) du meilleur film et de la meilleure réalisation.
Pendant quelques années, Denis Villeneuve s’éloigne de la réalisation de longs métrages, se consacrant à la publicité et au perfectionnement de ses connaissances en scénarisation. C’est avec le court métrage Next Floor en 2008 qu’il revient en force au cinéma, souhaitant uniquement faire des projets significatifs à ses yeux. Imaginée et financée par la mécène Phoebe Greenberg, cette métaphore sur la surconsommation sera projetée dans plus de 120 festivals dans le monde, dont la Semaine de la critique à Cannes, et le court métrage accumulera plus d’une cinquantaine de prix. À titre de productrice, Karine Vanasse approche ensuite Villeneuve pour qu’il dirige un long métrage sur la tragédie de l’école Polytechnique, en hommage aux quatorze femmes sauvagement abattues. Denis Villeneuve accepte, avec l’accord des familles des victimes, et il choisit le noir et blanc pour nous replonger dans cette tuerie qui a marqué l’histoire du Québec. Encore une fois, le cinéaste s’envole pour le Festival de Cannes, dans la section de la Quinzaine des réalisateurs. Son film suivant, le puissant Incendies adapté de la populaire pièce de Wajdi Mouawad, a transformé la vie de Denis Villeneuve à tout jamais. À sa quatrième tentative, il obtient enfin en 2011 une nomination pour le convoité Oscar du meilleur film en langue étrangère, permettant ainsi aux studios hollywoodiens de remarquer son talent indéniable pour la réalisation.
Au Québec, Denis Villeneuve a scénarisé tous ses films et il aura trouvé en André Turpin, à la direction photo, un précieux et fidèle collaborateur. Durant ses premières années en sol américain, le Québécois met en scène des scénarios écrits par d’autres, mais il tentera de s’entourer des mêmes personnes pour les postes clés, soit à la photographie (surtout Roger Deakins, ensuite Greig Fraser), à la direction artistique (avec son complice Patrice Vermette) et à la musique (Jóhann Jóhannsson jusqu’à sa mort prématurée, suivi de Hans Zimmer). L’exception sera le surréaliste Enemy, tourné avant l’implacable Prisoners, mais sorti quelques mois après en 2013. Pour cette fascinante adaptation du roman L’autre comme moi de José Saramago, avec deux Jake Gyllenhaal pour le prix d’un, Nicolas Bolduc est alors responsable des images, et le duo formé de Danny Bensi et Saunder Jurriaans s’assure des compositions musicales. Avec Sicario en 2015, Denis Villeneuve concourt pour la première fois pour la Palme d’or au Festival de Cannes. Le film obtient également un succès en salle, en plus de trois nominations aux Oscars, et surtout il prouve hors de tout doute que le réalisateur québécois peut orchestrer des scènes d’action époustouflantes.
Denis Villeneuve entame en 2016 un nouveau volet à sa carrière, en se concentrant uniquement à des projets de science-fiction. Son premier film de ce genre, L’arrivée (Arrival), a la particularité d’avoir été tourné principalement au Québec, dans la région montréalaise et dans le Bas-Saint-Laurent. Viendra la suite d’un des grands classiques de la sci-fi, Blade Runner 2049, qui donne l’occasion au réalisateur de travailler avec l’icône Harrison Ford et un budget faramineux de 185 millions de dollars américains. Ayant fait ses preuves avec une énorme équipe de production, Denis Villeneuve peut enfin se dédier totalement à son rêve d’adolescence, l’adaptation de Dune de Frank Herbert, qu’il coscénarise avec Jon Spaihts et Eric Roth. Contrairement au projet interrompu d’Alejandro Jodorowsky et à la version incomprise de David Lynch, Denis Villeneuve séduit autant le public que les critiques avec Dune : Première partie, remportant également six Oscars techniques en 2022. La deuxième partie des aventures du héros Paul Atréides promet d’être encore plus spectaculaire et de confirmer que Denis Villeneuve est l’un des plus importants cinéastes du 21e siècle. |