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Entrevue avec Vincent Perez, réalisateur, pour la sortie du film Une affaire d’honneur.
Durant la décennie 1990, Vincent Perez est l’un des acteurs les plus populaires du cinéma français alors qu’il enchaîne les succès tels que Cyrano de Bergerac (1990), Indochine (1992), Fanfan (1993), La Reine Margot (1994) et Le Bossu (1997). En 1997, il prend même la relève de Brandon Lee dans la suite The Crow: City of Angels, tournée aux États-Unis. En 2002, Perez passe à l’écriture et à la réalisation de son premier film : Peau d’ange. Drame historique sur l’art du duel, Une affaire d’honneur est son quatrième long métrage.
Quel a été le point de départ d’Une affaire d’honneur ?
J’ai fait beaucoup de duels en tant qu’acteur au cinéma. J’ai travaillé avec les plus grands maîtres d’armes. Donc j’ai eu l’envie de faire quelque chose avec cette expérience. J’ai commencé à faire des recherches. Puis, je suis tombé sur cette période fascinante de la fin du 19e siècle qui parle d’un monde qui change. Un peu comme aujourd’hui d’ailleurs. Je trouvais qu’il y avait une résonance avec notre époque, comme les changements technologiques. Dans le film, il y a l’électricité et la presse écrite et, de nos jours, on a l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux. Et, d’une certaine manière, le féminisme aussi. À la fin du 19e siècle, nous sommes au début du féminisme. Aujourd’hui encore, nous sommes dans un monde qui change à cet égard. Au départ, je voulais faire un film sur le duel, puis finalement, je me rends compte que les combats sont multiples (rire)!
L’angle du film est assez original, alors que c’est un personnage féminin qui cherche à venger son honneur en duel avec un homme.
Mon idée de départ était d’explorer la virilité et le patriarcat. Puis, ce personnage féminin est arrivé et il a un peu bousculé ces idées-là. Elle a vraiment existé, cette Marie-Rose Astié de Valsayre. Ce qui parlait à Karine Silla, mon épouse et coscénariste, et moi, c’est que Marie-Rose était moderne, en avance sur son temps.
Le ton du film se veut plus réaliste, s’éloignant du style « capes et épées ». Était-ce voulu dès le départ ?
Le style « mousquetaires » où il faut des capes (rire). Oui, il y avait un souci de réalisme de ma part. J’ai fait plus d’un an de recherches à partir de documents historiques. Tout est basé sur des personnages qui ont réellement existé. Par contre, le maître d’armes (Roschdy Zem) est un amalgame de plusieurs personnages et il porte le nom de mon premier maître d’armes quand j’étais au conservatoire. Il incarne l’image du superhéros Marvel de l’époque. Ils étaient des héros. Par contre, Marie-Rose ne s’est jamais battue en duel contre des hommes, seulement des femmes. Ça, c’est le film qui lui permet ça. La presse parlait beaucoup d’elle à l’époque. On la prenait pour une folle. Il y avait cette ambiance machiste dans la presse. Je trouvais qu’il y avait quelque chose d’héroïque en Marie-Rose, qui était poétesse et chantait aussi.
Est-ce que les choix de Roschdy Zem et Doria Tillier se sont imposés à l’écriture du scénario ?
Oui. Le choix de Roschdy Zem est arrivé assez vite parce qu’il incarnait beaucoup de choses comme un homme blessé, mais aussi déraciné. Cet aspect me plaisait et parlait beaucoup. Je suis moi-même déraciné : de l’Espagne, de l’Allemagne et de la Suisse. C’est donc un personnage dans lequel je pouvais me projeter. Pour Doria Tillier, j’ai également pensé à elle rapidement. Elle a un côté libre. Elle est contre les conventions et elle dit ce qu’elle pense. Aussi, elle ressemble physiquement à Marie-Rose Astié de Valsayre.
Est-ce que vous avez eu du plaisir à jouer le « méchant » ?
Oui. En fait, il incarne le sujet qui concerne tous les personnages du film, qui est la guerre. Il incarne l’orgueil, le monde d’avant très patriarcal. C’était un personnage très jouissif où je pouvais me lâcher. Je me servais de mon autorité en tant que réalisateur pour nourrir le personnage (rire). Au moins, je savais qu’un acteur pouvait réaliser les combats tels que je les imaginais (rire)! Les autres ont beaucoup travaillé pour y arriver (rire). C’était génial de voir combien ils se sont appliqués, ont bossé et même souffert (rire).
C’était la première fois que vous vous dirigiez dans un film. Comment s’est déroulée cette expérience ?
C’était une expérience tout à fait vertigineuse. Comme je suis aussi photographe, j’aime avoir le contrôle sur les images. Puisque le film s’est fait en seulement 39 jours, je n’avais pas le temps de voir ce que je tournais pour moi. À un moment donné, j’ai perdu le contrôle du film (rire). Je faisais une ou deux prises sans regarder le résultat. Je faisais confiance à Karine qui était sur le plateau. Il y avait donc un sentiment d’urgence quand je jouais. Il fallait directement y aller quand les caméras tournaient. Par contre, il s’est produit quelque chose d’intéressant. Souvent, le metteur en scène se sent isolé des acteurs. Il souffre parfois de cette distance avec les comédiens. Mais grâce au fait d’être avec eux, j’ai senti que nous étions plus proches. On pouvait pester contre le metteur en scène tous ensemble (rire)!
Le drame historique Une affaire d’honneur prend l’affiche le 26 janvier.