Image tirée du film Dumbo (2019)

Elles sont plutôt rares, les actrices qui peuvent jouer dans deux langues différentes, avec aisance et le bon accent. La comédienne française Eva Green est l’une d’entre elles, enchaînant depuis plus d’une vingtaine d’années les projets en anglais tout aussi bien que ceux en français. Fille de la comédienne Marlène Jobert (Masculin féminin de Jean-Luc Godard, Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat) et du chirurgien-dentiste suédois Walter Green (qui tenait le rôle de Jacques dans Au hasard Balthazar de Robert Bresson), Eva a grandi avec sa sœur jumelle Joy à Paris, fréquentant des écoles bilingues. C’est dans la langue de Molière que vous pourrez la retrouver sur grand écran prochainement dans Les Trois Mousquetaires : Milady, deuxième volet du diptyque réalisé par Martin Bourboulon (après Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan, sorti en avril dernier au Québec) consacré au chef-d’œuvre littéraire d’Alexandre Dumas père.

Le premier rôle que la jeune Eva a tenu, c’est au théâtre dans la pièce Jalousie en trois fax d’Esther Vilar en 2001. En plus d’être nommée pour le prestigieux Molière de la révélation théâtrale féminine, sa performance attire l’attention du réputé cinéaste italien Bernardo Bertolucci (Ultimo tango a Parigi, The Last Emperor). Elle sera alors sa Isabelle dans le provocateur Innocents, où elle partage la vedette avec deux autres jeunes acteurs prometteurs, Michael Pitt et Louis Garrel. Par son assurance et son interprétation sans pudeur, Eva Green se fait rapidement remarquer, et son ascension dans les hautes sphères hollywoodiennes sera fulgurante. Après avoir donné la réplique à Romain Duris dans Arsène Lupin de Jean-Paul Salomé, elle tourne dans la mégaproduction Kingdom of Heaven (Le Royaume des cieux) de l’incontournable Ridley Scott. Pour son premier rôle anglophone, l’actrice devient Sibylle de Jérusalem au côté de Balian d’Ibelin campé par l’acteur britannique Orlando Bloom. C’est au Maroc et en Espagne que sera recréé ce récit des croisades au 12e siècle, aidé d’un budget pharaonique de 130 millions de dollars américains. Si le film est un échec au box-office américain, il réussit à séduire un certain public sur le reste de la planète. Mais c’est vraiment avec son prochain rôle que l’actrice française deviendra une vedette internationale.

En 2006, il y a un nouvel acteur en possession du permis de tuer du célèbre agent secret britannique James Bond, un dénommé Daniel Craig. Casino Royale relance avec panache les aventures de 007, et Eva Green y joue Vesper Lynd, la Bond girl dans le 21e opus de cette populaire série de films. Le succès est retentissant aux quatre coins du globe, les critiques sont excellentes, le pari de rajeunir cette franchise est gagné. Eva Green confirme son aisance et son élégance devant la caméra du réalisateur Martin Campbell, capable d’enchaîner aussi bien les scènes d’action que les moments d’intimité. Dès lors, l’intensité de son regard, capable de vous séduire ou de vous transpercer le corps, deviendra sa marque de commerce. L’année suivante, elle l’utilisera à profusion dans le conte fantastique The Golden Compass (À la croisée des mondes : La Boussole d’or) de Chris Weitz, où elle incarne Serafina Pekkala, la reine du clan des sorcières. À nouveau aux côtés de Daniel Craig, Eva Green partage aussi la vedette avec Nicole Kidman et Sam Elliott. Malgré la popularité des livres et un budget colossal (180 millions de dollars américains), le succès du film n’est pas au rendez-vous, annulant ainsi la possibilité d’en faire une trilogie.

Entre grâce et intensité, Eva Green illumine le cinéma de son regard envoûtant. Une étoile insaisissable, un mystère captivant.

Eva Green choisira davantage ses prochains projets, se consacrant à quelques longs métrages plus modestes en sol britannique où elle réside alors, dont Perfect Sense de David Mackenzie et Womb de Benedek Fliegauf. L’année 2012 a été importante dans la carrière de la jeune trentenaire, car elle a collaboré pour la première fois avec le cinéaste américain Tim Burton dans Dark Shadows (Ombres et Ténèbres). Avec son allure gothique, ses longs cheveux noirs et ses grands yeux bleus sidérants, Eva Green deviendra la nouvelle muse du réalisateur d’Edward Scissorhands (Edward aux mains d’argent). Elle le retrouvera ensuite dans le rôle-titre de Miss Peregrine’s Home for Peculiar Children (Miss Peregrine et les Enfants particuliers, 2016) et dans l’adaptation en prises de vues réelles du classique de Disney, Dumbo (2019).

Entre-temps, Eva Green tourne dans plusieurs genres cinématographiques différents en 2014, dont le western The Salvation (La Terre promise) du danois Kristian Levring, le péplum 300: Rise of an Empire (300 : La naissance d’un empire) de Noam Murro (suite du succès 300 de Zack Snyder) et l’adaptation de la série de comics du même nom Sin City: A Dame to Kill For (Sin City : J’ai tué pour elle) des réalisateurs Frank Miller et Robert Rodriguez. Particulièrement dans ce dernier, Eva Green maniait à merveille tous les atouts de la femme fatale, arborant un rouge à lèvres d’un rouge sang, annonçant son désir de vengeance. Eva Green a aussi eu quelques rôles dans des séries, entre autres dans la coproduction canado-irlandaise Camelot en 2013, dans l’adaptation de contes et d’histoires d’horreur Penny Dreadful diffusée de 2014 à 2016 et, plus récemment, dans Liaison en 2023 au côté de Vincent Cassel.

Elle effectue un retour en France remarqué en 2019, dans le drame Proxima de la cinéaste Alice Winocour, film pour lequel elle a suivi un entraînement exigeant afin d’être à la hauteur de son personnage d’astronaute. Tous ses efforts seront récompensés par sa première nomination au César de la meilleure actrice. Poursuivant sa carrière dans l’Hexagone, pour donner vie et force à son personnage de Milady de Winter dans les deux films de mousquetaires de Martin Bourboulon, Eva Green combine tous les talents qu’elle a su développer durant son impressionnante carrière. Aussi habile à l’épée qu’avec une arme à feu, usant de son charme et de sa ruse, l’actrice le démontre bien dans Les Trois Mousquetaires : Milady. Entourée d’un carré d’as d’acteur français, soit François Civil (d’Artagnan), Romain Duris (Aramis), Pio Marmaï (Porthos) et Vincent Cassel (Athos), elle n’est pas du genre à se laisser impressionner. C’est plutôt l’inverse, chaque fois que nous la voyons, Eva Green a ce don de toujours capter notre attention, conservant son aura de mystère qui la rend si unique. |

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