Image tirée du film Les Trois Mousquetaires : Milady (2023)

Le métier de directeur de la photographie est assez méconnu, mais il est un élément essentiel à la production d’un film. Le directeur photo a énormément de responsabilités sur un plateau : durant le tournage d’un film, il est chargé de la prise de vues. Il collabore étroitement avec le réalisateur pour concevoir l’esthétique de l’éclairage. Il dirige également une grande équipe d’électriciens-éclairagistes tout en supervisant aussi le personnel qui s’occupe d’opérer les caméras, comme les cadreurs.

Depuis la naissance du cinéma, les films ont longtemps été tournés sur pellicule. Le directeur photo était donc responsable de la luminosité de l’image. Il devait choisir quels types d’éclairages et de lentilles utiliser afin non seulement de capter ce qui devait être filmé devant l’objectif, mais aussi de créer la vision artistique du réalisateur.

Aujourd’hui, il est plutôt rare de tourner avec de la pellicule, puisque le numérique s’est imposé. Mais le directeur photo a toujours sa place. Le magazine MonCiné s’est entretenu avec le directeur photo québécois Nicolas Bolduc, qui travaille souvent en France. Pour son travail, Bolduc a remporté plusieurs prix dont des Canadian Screen Awards et prix Iris pour les films Rebelle (2012) et Hochelaga, terre des âmes (2017).

Comment définirais-tu le métier de directeur photo?

Je dirais que c’est la personne qui conçoit le visuel d’un film et l’ambiance voulue par le réalisateur en utilisant la lumière.

À quel moment rejoins-tu la production d’un film?

Ça peut varier selon l’ampleur du projet, mais généralement, je suis présent quelques mois avant le tournage. Je travaille en amont avec les producteurs et le réalisateur en étudiant son découpage, question de bien cerner ses besoins et ses attentes. Je vais également sur les lieux prévus de tournage, en premier lieu avec le réalisateur et souvent une autre fois avec mon équipe technique afin d’être prêt quand viendra le moment de filmer sur place.

Est-ce que c’était un métier que tu rêvais de pratiquer?

Pas du tout (rire). Je me suis retrouvé à faire ce métier par hasard. Plus jeune, j’aimais le cinéma et je rêvais plutôt d’être réalisateur. J’avais envie de raconter des histoires. Puis, à l’école, je me suis fait prendre au jeu! J’ai commencé à faire les images des films de mes collègues et je me suis trouvé à beaucoup aimer ça. J’ai donc continué dans cette voie.

Comment devient-on directeur photo? Existe-t-il des études?

Honnêtement, c’est quelque chose de dur à enseigner. Il existe des études spécifiques dans certains pays, mais pas au Canada. Je dirais que c’est un métier qui s’apprend sur le tas. C’est très technique. Je dis souvent aux étudiants que c’est en essayant qu’on apprend. Et, avec le temps, on apprend à gérer une équipe et, parfois, des égos (rire).

Est-ce plus facile ou plus dur de travailler avec un plus grand budget?

Je dirais qu’on y retrouve sensiblement les mêmes enjeux. Ça dépend du degré d’aisance de la personne pour gérer les attentes avec un plus gros budget. Dans les deux cas, on a le même souci de perfection, mais avec plus d’argent vient nécessairement plus de politique. C’est aussi technologiquement plus lourd. Une décision peut avoir un immense impact sur le budget et l’horaire de tournage. On gère aussi plus de monde. Le stress n’est pas le même (rire).

« J’aime un directeur photo qui réussit à créer des images élégantes dans des situations simples. »

Comment s’est présentée l’opportunité de travailler en France?

J’ai travaillé avec Denis Villeneuve sur son film Ennemi où j’ai fait la rencontre de la comédienne (et également réalisatrice) Mélanie Laurent. Celle-ci est amie avec Nicolas Bedos qui, à l’époque, ne trouvait pas de directeur photo pour son premier long métrage, Monsieur et Madame Adelman. C’est Mélanie qui m’a recommandé à Nicolas. Puis, j’ai eu également le bonheur de faire son deuxième film : La Belle Époque. Les deux films ont connu un succès en plus d’être en nomination pour des Césars.

Quels étaient les défis d’un projet comme Les Trois Mousquetaires?

Il y en avait plusieurs et ils étaient énormes (rire). Tout d’abord, il y avait la durée de production. On parle ici de deux films tournés simultanément. Je savais donc que je partais pour un an! J’embarquais dans un long marathon. Puisqu’on tournait les deux films en même temps et dans le désordre, ça nécessitait une grande logistique. Je gérais plus d’une équipe en même temps. Pendant qu’on filmait à un endroit, une autre équipe allait préparer un autre lieu. On a eu le bonheur de tourner beaucoup en extérieur et dans des endroits qui ne sont pas toujours accessibles. Tout ça est un gros casse-tête (rire). Malgré tout, la clé est de toujours travailler dans le plaisir. Mais vu les attentes, c’est certain que le réalisateur Martin Bourboulon, les producteurs et le monde de la distribution sentaient beaucoup de stress. Les Trois Mousquetaires est tout de même un monstre français (rire). L’avantage de travailler avec un énorme budget de la sorte, c’est qu’on a les moyens de nos ambitions (rire).

Selon toi, qu’est-ce qu’il faut posséder pour être un bon directeur photo?

Je dirais qu’il faut savoir bien déceler un scénario en plus d’être capable de sceller un pacte avec le réalisateur afin de porter sa vision à l’écran. Il faut savoir développer une complicité avec le réalisateur et pouvoir communiquer avec lui ou elle. Je crois aussi qu’il faut tenter de livrer le film d’une manière originale. C’est ce qui me plaît le plus : de voir du jamais-vu (rire).

Avec quel cinéaste aimerais-tu un jour travailler?

Il y en a beaucoup (rire)! J’adorerais collaborer avec Paul Thomas Anderson, mais il fait lui-même sa direction photo, donc mes chances sont minces (rire).

On peut voir le travail de Nicolas Bolduc dans Les Trois Mousquetaires : Milady, deuxième partie du diptyque, qui prend l’affiche en décembre. Son prochain projet est l’adaptation d’un autre classique, Le Comte de Monte-Cristo, qui sera porté à l’écran par les réalisateurs Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (Le Meilleur reste à venir, 2019). |

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