Crédit photo : Unifrance

Entrevue avec la réalisatrice Rebecca Zlotowski pour la sortie du film Les Enfants des autres

Rebecca Zlotowski est une cinéaste dont le parcours est à suivre de près au même titre que ceux de Julia Ducournau, Mia Hansen-Love et Céline Sciamma pour n’en nommer que quelques-unes. Toutes sont à l’apogée de leur carrière, faisant évoluer différemment, pour le mieux, le milieu du septième art en France.

Aujourd’hui âgée de 43 ans, Rebecca Zlotowski s’est fait connaître en lançant en 2010, à Cannes, un premier long métrage, Belle épine, qui consolidait du même coup les débuts de carrière étincelants de Léa Seydoux et d’Anaïs Demoustier. Suivront Grand central (toujours avec Léa Seydoux), Planétarium (avec Natalie Portman) et l’étonnant (et inédit au Québec) Une fille facile, avec Mina Farid dans le rôle d’une jeune femme fatale. Tout juste avant l’arrivée de l’été, son film le plus touchant, Les Enfants des autres, un long métrage qui a connu un beau succès en France lors de sa sortie, arrive maintenant sur nos écrans.

L’histoire du film nous invite à découvrir Rachel (jouée par Virginie Efira), la jeune quarantaine, célibataire active et sans enfant, qui rencontre Ali (interprété par Roschdy Zem). Entre eux, c’est le coup de foudre instantané. Cet amour fusionnel passe aussi par l’inclusion de la petite fille d’Ali, Leila, âgée de quatre ans. Au fil des jours, Rachel s’attache à cette enfant, plus qu’elle ne l’aurait cru, et découvre au quotidien tout le défi d’être une belle-mère ainsi que les risques émotifs qui découlent de cette recomposition familiale, une semaine sur deux. Rebecca Zlotowski nous explique pourquoi elle désirait aborder ce type de relation rarement exploré au grand écran.

« J’ai expérimenté moi-même ce concept de nouvelle famille. On peut devenir mère sans avoir d’enfant et avoir le désir de transmettre des choses. »

Votre film se penche sur une relation amoureuse qui démarre passionnément et qui permet ensuite d’observer le rôle de belle-mère au quotidien. Et le hasard a voulu que vous tombiez enceinte lors du tournage, c’est fascinant.

Oui, tout à fait. Je l’ai découvert alors que le processus du film était lancé. C’était vraiment un drôle de hasard. Dans le film, c’est surtout la parentalité chez un nouveau couple qui m’intéressait. Ça implique de survoler et la maternité et la paternité et surtout de revoir comment on intègre les nouveaux modèles de famille recomposée dans la société actuelle. Comment peut-on recréer un nouveau modèle autour d’une nouvelle relation amoureuse et voir les choses différemment? J’ai expérimenté moi-même ce concept de nouvelle famille. On peut devenir mère sans avoir d’enfant et avoir le désir de transmettre des choses. Je voulais aussi casser l’image de la belle-mère marâtre.

Deux classiques qui abordent la question du couple, L’Usure du temps avec Diane Keaton et Kramer contre Kramer avec Dustin Hoffman, vous ont-ils influencée?

Oui, grandement. Dans les deux cas, la cruauté de l’existence y est explorée, c’est ce qui fait leur beauté. Les parcours amoureux sont souvent cruels, comme chez Claude Sautet dont les films ont aussi eu beaucoup d’influence sur moi. J’admire les œuvres très personnelles qui abordent l’univers du couple. Cette simplicité qu’on retrouve dans le storytelling à l’américaine…quand on entre dans ce genre de cinéma, ça peut devenir gênant, presque honteux d’aborder des choses aussi intimes. C’est ce que j’ai senti même si j’avais malgré tout le désir d’y plonger pleinement.

Les Enfants des autres permet d’aller à la rencontre de Rachel qui est une femme accomplie, autonome, mais aussi solitaire. Son coup de foudre provoque à nouveau chez elle ce désir de vivre en couple et vient tout remettre en question.

Oui. Et chez moi, son cheminement a également provoqué une réflexion autant lors de l’écriture que lors de la réalisation et de la promotion du film. Il y a quelque chose de thérapeutique là-dedans. Ha! Ha! Et aussi de très romanesque dans le fait de faire un film sur la quête amoureuse avec l’ivresse qui vient avec, mais aussi le sentiment de tristesse qui s’ensuit. Cela dit, une relation amoureuse qui se termine, ce n’est pas que des remords et des regrets, mais aussi de beaux souvenirs qu’on peut chérir.

En terminant, il faut souligner à quel point Virginie Efira et Roschdy Zem, deux des meilleurs acteurs du moment en France, se complètent à merveille dans le film. Il y avait un choix à faire pour rendre crédible leur relation sinon tout s’écroulait.

Un couple magique au cinéma, c’est inestimable. Quelquefois, deux acteurs se rencontrent au bon moment. Je cite en exemple James Stewart et Kim Novak qui ont tourné ensemble Vertigo et L’Adorable Voisine alors qu’ils étaient au sommet de leur carrière. C’est notre travail à nous, réalisatrices, de créer le match parfait. Et Roschdy et Virginie, selon moi, c’était juste parfait. Déjà qu’à la base, ils n’avaient jamais joué ensemble et avaient le désir de le faire. J’avais choisi Roschdy dès le début du projet. Je savais donc qui allait tenir le rôle masculin et je devais tenir compte de ce qu’il dégageait comme libido si je puis dire. Créer de la sensualité à l’écran, ce n’est pas évident mais avec Virginie, ça a cliqué immédiatement, autant du côté de la sensualité que de l’intimité. Ça a été un tournage de plaisir. Tout le contraire de Planétarium où tout était plus compliqué. Ça m’a fait un bien fou et je leur en suis très reconnaissante. Le succès du film leur appartient. |

Cette entrevue a été réalisée dans le cadre des Rendez-vous du cinéma 2023 d’UniFrance.

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