Image tirée du film Arrête avec tes mensonges (2023)

Entrevue avec le réalisateur Olivier Peyon et l’acteur Guillaume de Tonquédec pour la sortie du film Arrête avec tes mensonges

Arrête avec tes mensonges est un film à ne pas manquer ce printemps. Réalisé avec justesse, ce drame intimiste s’avère par moments bouleversant. Adaptée du roman du même titre de Philippe Besson paru en 2017, l’histoire est celle d’un auteur, Stéphane Belcourt (Guillaume de Tonquédec), qui accepte de parrainer les festivités entourant le 200e anniversaire d’une grande maison de Cognac basée dans la ville où il a grandi. Sur place, il fait la rencontre de Lucas (Victor Belmondo) qui s’avère le fils de son premier amant, Thomas. Les secrets du passé ne pourront alors demeurer cachés bien longtemps. L’acteur Guillaume de Tonquédec et le réalisateur Olivier Peyon se livrent « sans mensonges » sur ce film dont ils sont très fiers.

Hormis Son frère adapté par Patrice Chéreau, Philippe Besson, pourtant auteur prolifique, n’avait jamais vu un autre de ses romans être transposé au cinéma. Le travail en ce sens a-t-il été important?

Olivier : Oui, on a adapté énormément de choses, mais il y avait une force émotive dans le roman qu’on a réussi à bien retranscrire à l’écran, je crois. Précisons que Philippe, dès le départ, nous a donné beaucoup de liberté. Il a dit : « les plus grandes trahisons font les meilleures adaptations ». À la base, mon producteur m’avait approché pour adapter le roman, donc j’avoue que c’est une commande. Je devrai arrêter de dire ce mot, car au cinéma ça paraît péjoratif alors qu’Arrête avec tes mensonges est devenu mon film le plus personnel.

Philippe Besson a un style fort personnel, très intimiste dans sa forme d’écriture, c’est la clé de son succès, mais ça n’en fait pas un cas évident de transposition au cinéma pour autant?

Olivier : Effectivement, l’univers de Besson n’est pas évident à mettre en images. Chéreau l’a fait pour Son frère et nous. On s’attaquait à ce qui est devenu son plus grand succès en librairie, 200 000 exemplaires vendus juste en France. Arrête avec tes mensonges, c’est une histoire universelle, celle d’un homme qui passe à côté de sa vie, qui garde en lui un secret d’adolescent. Et ça, ça touche tout le monde. L’homosexualité de Stéphane est anecdotique là-dedans, car c’est l’histoire d’amour qui importe et le fait qu’il soit peut-être passé à côté de sa vie. Donc, pour l’adaptation, j’ai lu le livre puis entamé l’écriture du scénario. Le livre se passe majoritairement en 1984, lorsque Stéphane vit son coup de foudre pour Thomas. Nous, on ramène davantage le tout au présent avec cet écrivain qui découvre l’existence du fils de ce premier amant. Leur rencontre apporte un apaisement commun et une réparation pour Stéphane vis-à-vis cette relation amoureuse qui s’était mal terminée.

« Arrête avec tes mensonges, c’est une histoire universelle, celle d’un homme qui passe à côté de sa vie »

Olivier Peyon

Guillaume de Tonquédec

Crédit photo : Michael Crotto – TS Productions

Olivier Payon

Crédit photo : Matias Injic UniFrance

Guillaume, on vous connaît beaucoup pour avoir joué dans une pléthore de comédies comme Le Prénom, Barbecue et Les Blagues de Toto, dont la suite sortira bientôt au Québec. Ici, en incarnant Stéphane, sauf erreur, vous trouvez le plus beau rôle de votre carrière. On vous découvre plus sensible, à fleur de peau. Est-ce juste ou j’erre complètement dans ma façon de vous percevoir à l’écran?

Guillaume : J’adore cette expression et vous n’errez pas du tout. Je pense que pour jouer la comédie, il faut utiliser des ressorts dramatiques. Après, tout est question de point de vue et de rythme. Soit on rit, soit on pleure. Les acteurs de comédie portent en eux du drame, c’est du moins ce que je crois. Et du coup, j’avais vraiment envie d’aller vers des personnages plus profonds, voire sombres. On a tous des secrets, des bouleversements intérieurs qui peuvent s’exprimer à travers ce type de rôle. En tombant sur un tel scénario, j’ai pu mesurer la chance que j’avais. J’étais au bon moment et au bon endroit pour pouvoir incarner le personnage de Stéphane.


Olivier : Vous savez, ce rôle est très proche de Guillaume, de ce qu’il est dans la vie, un grand comédien de théâtre, mais aussi un être humain capable de tout faire passer par son regard. Et ce, même s’il est un acteur de parole à la base comme on l’a vu dans plusieurs comédies à succès.

Restons avec cet écrivain au cœur du film. Guillaume, parlez-moi de votre personnage.

Guillaume : Stéphane, c’est Philippe Besson en fait, un écrivain qui dans la vie est quelqu’un de très expansif, qui parle très vite, brillant, drôle et qui peut être très méchant. Vous riez, mais c’est vrai, il revendique le tout d’ailleurs. Cet homme se fait demander par le fils de son premier amant : « Vous avez bien connu mon père, qui était-il? ». Et là, comment peut-il parler à ce jeune homme sans avouer leur histoire d’amour passionnée. Il se sent obligé de se taire. Par contre, les sentiments, il les vit de l’intérieur. C’est un film organique pour les acteurs, car la marmite va finir par exploser. La situation devient intenable pour Lucas et Stéphane qui devra se livrer avec franchise.

De jouer cet homme mélancolique, de nous faire réaliser le désir qu’il avait pour un autre homme, est-ce difficile de bien faire passer le tout à l’écran?

Guillaume : Il se trouve que dans le scénario, le personnage est dans ses souvenirs de désirs et sans rien projeter sur le fils. Je n’avais donc pas à jouer promptement le désir. Ce qui me plaisait, c’était ce rendez-vous avec un être humain qui fait le bilan de sa vie, qui se ment un peu, et qui ne connaît rien au cognac (rire). 50 ans, c’est un âge où l’on sent le besoin de regarder dans le rétroviseur, de faire le point et c’est très motivant pour un acteur d’aller dans cette zone de gris. Après, faire la paix avec son passé, ça devient de l’inattendu. Moi, je suis ordonné dans la vie, mais quand ça vole en éclats, comme c’est le cas ici, c’est là que l’émotion sort et que ça touche tout le monde.

C’est au bout du compte un long métrage très touchant, certes, mais aussi, par moments, très drôle il faut l’avouer.

Olivier : Oui. Les romans de Besson sont très sérieux mais moi, j’adore mêler comédie et drame. Passer du rire aux larmes, c’est ce qu’on voulait avec ce film. On est loin du drame sombre. La scène de malaise où Stéphane raconte une histoire tordue avec les invités américains en est le plus bel exemple. Mon influence première pour parvenir à ce juste partage entre le rire et les larmes, c’est La Garçonnière de Billy Wilder avec Jack Lemmon et Shirley MacLaine, un chef-d’œuvre aussi touchant qu’amusant. J’espère avoir fait un film qui s’en rapproche ne serait-ce qu’un tout petit peu. |

Cette entrevue a été réalisée dans le cadre des Rendez-vous du cinéma 2023 d’UniFrance.

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