Image tirée du film Les Cyclades (2023)
Entrevue avec Marc Fitoussi pour la sortie du film Les Cyclades
Depuis que le grand public a fait sa connaissance dans la série Dix pour cent, réintitulée au Québec Appelez mon agent, la comédienne française Laure Calamy ne cesse d’enchaîner les projets de longs métrages et est littéralement devenue la coqueluche du cinéma français. Vue notamment dans la comédie Antoinette dans les Cévennes et dans le drame À plein temps, Laure Calamy connaît un gros début d’année puisque son nom est en tête d’affiche des films L’Origine du mal et Annie Colère. Et voilà qu’on la retrouve en plus au générique de la comédie Les Cyclades, une œuvre qui nous permet d’admirer tout autant son talent que les paysages paradisiaques des îles grecques qui ont servi de décors au film réalisé par Marc Fitoussi. L’histoire des Cyclades relate les retrouvailles de deux anciennes copines, totalement à l’opposé l’une de l’autre côté personnalité, entamant un voyage qui ravivera plusieurs tensions oubliées. Le cinéaste, aussi à l’origine du scénario, revient sur les dessous d’un tournage qui, malgré sa facture ensoleillée, n’a pas été de tout repos.
Marc, votre nouveau film a pris l’affiche en France en janvier dernier et a connu un fort beau succès. Est-ce juste de dire que la comédie est le propre de toutes vos réalisations jusqu’ici comme Copacabana et La Ritournelle (toutes deux avec Isabelle Huppert)?
Oui, de façon générale, c’est vrai. Même si plusieurs journalistes estiment que le contexte de mes films change chaque fois – et c’est tant mieux – j’ai quand même l’impression de creuser le même sillon de fois en fois et d’aimer apposer un côté… disons mordant, dans tout ce que j’ai envie de raconter.
Ce septième long métrage vous permet de retrouver Laure Calamy qui est omniprésente au grand écran actuellement. C’est drôle, car dans votre film précédent, Les Apparences, Karin Viard était la vedette et je trouve que ces deux actrices ont la même énergie et la même capacité d’alterner avec aisance les drames et les comédies.
Complètement! D’ailleurs, une amie actrice me disait récemment qu’en regardant Les Cyclades, tout au long, elle voyait Karin Viard. Elles ont le même nez un peu retroussé et des yeux qui parlent. Il faut vraiment qu’elles jouent des sœurs dans un film. Je rêve de ce duo de sœurs fâchées parce que je pense qu’elles ont l’énergie qu’il faut pour s’affronter et pour ne pas se voler la vedette. Dans La Nouvelle Ève qui marqua le début de carrière de Karin, elle tenait un rôle qui me rappelle beaucoup celui de Magalie, le personnage qu’interprète Laure dans Les Cyclades, c’est-à-dire une femme fatigante d’énergie, exaspérante d’enthousiasme.
Dans Antoinette dans les Cévennes, Laure partageait l’écran avec Olivia Côte qui, ici, joue son amie Blandine, une femme qui tente de se remettre d’une douloureuse séparation, alors que Magalie, elle, ne voit toujours que le bon côté des choses de la vie.
Oui, c’est à la suggestion de Laure que j’ai rencontré Olivia pour ce rôle. Il faut également savoir qu’Olivia, dans la vie, est à l’opposé de son personnage. Elle a dû user de beaucoup de retenue dans ce contre-emploi de femme vaincue, résignée. Tout le contraire de Magalie jouée par Laure, car c’est le moteur d’une comédie de mettre en scène deux êtres totalement différents de par leur nature, mais liés par une réelle amitié. Ça prend la forme d’un buddy movie au féminin.
Vos personnages sont en voyage et ils se déplacent continuellement, d’une île à l’autre, d’un hôtel ou d’un restaurant à un autre, ça en devient presque un road movie, non?
Oui et en voyant le film et ses images de la Grèce qui font rêver, là où a été tourné Le Grand Bleu, on se dit que le tournage automnal a dû être une partie de plaisir. Je passe pour un râleur, mais je dois vous confier que les dieux grecs n’étaient pas de notre côté. Il y a eu la grève des ferries (traversiers), un vent d’été appelé le Meltem, inopiné pour cette saison. Il a soufflé tellement fort qu’il emportait les chaises de notre hôtel et il faisait tanguer notre bateau qui devait demeurer amarré par sécurité. Et le jour où Olivia et Laure devaient se baigner, il y avait trop de méduses. On doit alors improviser et modifier la mise en scène. Il faut savoir rebondir en permanence.
Le cinéma français, depuis des lustres, démontre une réelle expertise dans la prise de son directe. Malgré le vent, votre film, du point de vue du son, m’apparaît fort réussi. On accompagne vos personnages dans toutes les scènes comme si nous étions sur place avec elles.
Merci et pourtant, ça a été un réel enjeu. Mon preneur de son et mon perchiste nous ont sauvé la vie. Il y a tellement de dialogues et de déplacements dans le scénario, en bougeant, mes personnages donnent du rythme aux textes. Hormis le vent, on n’avait pas non plus prévu le bruit que font les roulettes des valises (rire)!
Les Cyclades prouve à nouveau que vous aimez, principalement, mettre en scène des personnages féminins au grand écran. C’est votre marque de commerce.
Ce n’est pas une volonté réelle, mais une préférence. Ma culture cinéphilique s’est forgée avec Belle de jour de Buñuel, Adèle H de Truffaut, Le Sauvage avec Deneuve et Tout feu, tout flamme avec Adjani, ou encore les comédies de De Broca avec Annie Girardot. Ce sont ces films que j’ai aimés. Puis, en exerçant le métier de réalisateur, j’ai remarqué chez les actrices un grand sens de l’autodérision et la capacité d’ajouter de la fantaisie dans leur jeu. Je les trouve libres, audacieuses. En travaillant sur la série Dix pour cent, j’ai été témoin du talent de Monica Bellucci, Sigourney Weaver et Isabelle Huppert pour jouer avec le scénario et ajouter des éléments surprenants. Au contraire des acteurs, elles s’en donnaient à cœur joie. Exemple : Charlotte Gainsbourg, je lui disais qu’elle avait une toute petite voix dans tous ses films et elle a aussitôt accepté de rire de ça dans l’épisode et c’est une chose qui fait très plaisir à un réalisateur.
Les Cyclades : archipel grec formant un cercle qui comprend près de 250 îles, dont six très prisées des touristes.
Cette entrevue a été réalisée dans le cadre des Rendez-vous du cinéma 2023 d’UniFrance. |