Crédit photo : Marlène Gélineau-Payette

Après plusieurs mois d’attente, Tu te souviendras de moi sort sur nos écrans le 4 novembre après avoir ouvert le Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Drame empathique adapté de la pièce de François Archambault, ce nouveau long métrage d’Éric Tessier met en vedette, entre autres, Karelle Tremblay, Julie Le Breton, France Castel et David Boutin. À leurs côtés, nous retrouvons Rémy Girard dans la peau d’un professeur d’histoire atteint de troubles de mémoire dont l’univers change du tout au tout au contact d’une jeune femme rebelle et un peu perdue. L’occasion est idéale pour revisiter les 50 ans de métier de celui qui est devenu le chouchou des spectateurs québécois.

Né en 1950, à Jonquière, Rémy Girard abandonne ses études de droit pour entrer au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Sa passion pour le théâtre – qu’il pratique en amateur depuis l’adolescence – l’amène à s’impliquer dans la création du Théâtre Parminou et du Théâtre du Vieux-Québec et lui ouvre les portes d’un parcours impressionnant, ponctué d’interprétations significatives dans un répertoire des plus éclectiques, allant des Fridolinades à Don Quichotte, en passant par En attendant Godot, Le Malade imaginaire ou Ubu roi.

« C’est nuageux, mais la lumière est magnifique »

C’est d’ailleurs sur les planches que sa carrière au grand écran décolle. Tandis qu’il joue dans une pièce de Denys Arcand, ce dernier le remarque et lui confie un rôle de soutien dans Le Crime d’Ovide Plouffe (1984). Commence alors une longue collaboration entre les deux hommes qui permettra à Rémy, le comédien, et Rémy, le prof du Déclin de l’empire américain, d’entrer dans l’histoire du cinéma québécois. Le succès local et international de cet intellectuel névrosé de l’Université de Montréal le propulse sur le devant de la scène. Il retrouvera Arcand trois ans plus tard dans Jésus de Montréal après avoir enchaîné plusieurs prestations comiques savoureuses dans lesquelles il manie le verbe comme personne et fait souvent la part belle à l’improvisation. On se souvient de son Litwin, cocasse propriétaire de salle et bonimenteur de films muets dans Les Portes tournantes (1988, Francis Mankiewicz), qui lui vaut son premier prix Génie d’interprétation. On n’oublie pas non plus le blondinet botaniste Cotnoir dans Kalamazoo (1988, André Forcier), l’un de ses rôles préférés. Et que dire de l’impayable trio de camelots qu’il forme avec Michel Côté et David La Haye dans le film Dans le ventre du dragon (1989, Yves Simoneau). Celui pour qui divertir les gens est une priorité brillera par la suite sous les traits du mémorable Léo Lespérance (La Florida, 1993, Louis Saïa), dont le « envoye dans l’litte maudite chanceuse » restera à jamais dans les répliques cultes de l’imaginaire québécois. Il se signalera tout autant en devenant le débonnaire Stan (Les Boys, 1996, Louis Saïa), entraîneur d’une ligue de garage inspirant dans une comédie légendaire, dont les valeurs positives sur l’amitié, la solidarité ou l’engagement, alliées à des dialogues finement ciselés, ont marqué plusieurs générations.

En 2003, il reprend et réinvente son mâle alpha du Déclin dans Les Invasions barbares et est cité dans le New York Times parmi les meilleurs interprètes de l’année. Ce rôle, qu’il considère comme l’une de ses plus belles aventures cinématographiques, marque un tournant dans sa carrière. Avec l’âge, l’acteur, qui a souvent dit qu’il avait un plaisir particulier à incarner des personnages dramatiques, affirme sa grande polyvalence dans un registre plus sensible, plus profond, dont il sait si bien faire ressortir les côtés humains et empathiques. Devant la caméra, on le redécouvre sous les traits de paternels fragiles, aimants, proches de la « vraie vie ». Lui-même père d’un garçon lourdement handicapé, il incarne Charles, l’avocat véreux dans De père en flic (Émile Gaudreault, 2009), où la scène de l’étron présenté par son fils (Patrick Drolet) résonne encore dans nos mémoires. Il nous surprend de nouveau dans Il pleuvait des oiseaux (Louise Archambault), où on peut l’apprécier à la guitare, chantant du Tom Waits. Une facette moins connue de son talent, issue de la passion pour la musique qui l’habite depuis sa plus tendre enfance.

« C’est nuageux, mais la lumière est magnifique ». À l’instar de cette réplique extraite du film d’Éric Tessier, les personnages que Rémy Girard choisit sont toujours vrais et généreux et reposent sur un délicat équilibre entre rires francs et larmes sincères. Au fil des ans, notre cher papa Bougon a réussi à forger un art subtil de la mesure qui a fait sa marque de commerce en plus de lui rapporter plusieurs récompenses prestigieuses. Dans son livre à lui, Rémy Girard se verrait bien pratiquer son métier encore longtemps. Pour notre plus grand bonheur, c’est tout le mal qu’on lui souhaite. |

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