Crédit photo : Stéphanie Lefebvres

On dit souvent qu’une image vaut mille mots. C’est vrai pour le cinéma, mais pour ceux qui exercent le métier de scénariste, c’est une tout autre histoire. Pour ces derniers, chaque mot compte et rien ne doit être laissé au hasard. Une chose est certaine, les scénaristes jouent un rôle crucial au sein de l’industrie cinématographique, celui d’écrire des histoires destinées à se rendre dans un cinéma près de chez vous. Grâce à leur curiosité et leur imagination débordantes, les scénaristes nous permettent de voyager partout à travers le monde, de découvrir des univers inconnus, ainsi que de vivre des expériences qui nous rejoignent et nous sortent de l’ordinaire. Afin d’en apprendre davantage sur ce métier et ses réalités, le magazine Monciné s’est entretenu avec l’autrice India Desjardins, qui a accepté avec enthousiasme de nous faire part de son expérience en tant que scénariste pour ses propres romans jeunesse, ainsi que pour 23 décembre, film d’ici pour le moins très attendu. À noter que la créatrice d’Aurélie Laflamme est une grande amatrice de cinéma, ayant d’ailleurs fait des études dans ce domaine.

L’écriture scénaristique
Si les idées peuvent tomber du ciel, les histoires, elles, se doivent d’être réfléchies et structurées avant d’être racontées ou écrites. Heureusement pour les scénaristes, l’art de bien raconter une histoire n’est pas donné à tout le monde! Un scénariste, comme un romancier, doit structurer son récit afin de maximiser son efficacité et son impact. Avant même le début de l’écriture, un travail de recherche s’impose. Si le personnage principal est un chirurgien, il vaut mieux se renseigner minimalement sur cette profession par souci de vraisemblance et de crédibilité.

Le format de l’écriture scénaristique est bien spécifique. On est loin du roman. India Desjardins, qui a participé à la scénarisation de deux adaptations cinématographiques basées sur sa série Le Journal d’Aurélie Laflamme, est bien placée pour en parler. En effet, selon elle, un roman laisse plus de place à la psychologie, aux états d’âme des protagonistes, tandis que dans un scénario, ce sont les actions qui comptent. Elle précise : « Il faut que chaque scène fasse avancer l’action et tu n’as pas nécessairement autant accès à l’intériorité des personnages que dans un roman. Il faut donc que tu puisses révéler cette intériorité par des actions. » Elle souligne que « le plus gros défi, c’est de concrétiser son imaginaire », de le rendre visible et intelligible. Enfin, elle fait remarquer, à juste titre, qu’il n’y a pas de règles absolues en écriture scénaristique. Effectivement, tout peut être construit et déconstruit par le scénariste selon les contraintes du projet, selon ce qui est souhaité. Cette souplesse est d’autant plus vraie pour celles et ceux qui réalisent leur propre scénario.

« Il faut que chaque scène fasse avancer l’action et tu n’as pas nécessairement autant accès à l’intériorité des personnages que dans un roman. »
– India Desjardins

Des petits deuils
Les scénaristes se concentrent davantage sur ce qui est vu et entendu. Ils vont nécessairement créer par défaut des images mentales de ce à quoi le film pourrait ressembler en bout de piste. Cela étant dit, un scénariste qui ne réalise pas son film doit être prêt à vivre des petits deuils une fois le tournage commencé. Souvent, des contraintes budgétaires ou de temps vont forcer la réécriture, voire même la coupure de certaines scènes. Aussi, il arrive de réaliser au montage que ce qui marchait à l’écrit ne fonctionne pas à l’écran. C’est parfois déstabilisant, crève-cœur même, mais cela fait partie du jeu.

Cette dure réalité, India Desjardins l’a vécue pendant le tournage de 23 décembre, un film choral qui se déroule pendant la période des fêtes. Il faut le mentionner, elle a pris plus de dix ans pour compléter la version définitive du scénario. C’est beaucoup de temps et d’amour investis, ça. Mais elle insiste sur le fait que le cinéma est d’abord et avant tout un travail d’équipe et qu’il est important de rester ouvert d’esprit : « Oui, par moments, il y a des deuils, renchérit-elle. Oui, parfois, il y a des périodes de lâcher-prise, mais il y a aussi de belles surprises, un beau souffle qu’une équipe peut apporter, comme un comédien qui improvise une ligne [humoristique]. Et c’est meilleur que mon gag! »

Patience et persévérance
On ne devient pas scénariste professionnel du jour au lendemain, au cinéma comme à la télévision. Les scénaristes doivent souvent essuyer plusieurs refus et être renvoyés à leur table d’écriture avant qu’un de leurs projets n’aboutisse. India Desjardins ne fait pas exception. À cet égard, on peut comparer cela aux comédiens qui doivent passer plusieurs auditions avant de décrocher enfin un rôle. Il faut être déterminé et malgré les obstacles, croire que son histoire mérite d’être racontée. Lorsque l’on demande à India Desjardins, en conclusion, quel conseil elle donnerait à un étudiant qui aspire à devenir scénariste, elle suggère fortement d’écrire une histoire avec laquelle il pourra « vivre longtemps ». Elle s’explique avec une mise garde traduisant les réalités du cinéma d’ici : « Au Québec, on vit longtemps avec nos histoires parce que ce sont des projets de longue haleine. Il y a beaucoup de projets et ce n’est pas nécessairement facile d’être financé et de se rendre au bout. Il faut se préparer, s’armer de patience et de persévérance. » À bon entendeur, salut. |

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