Image tirée de l’affiche du film Histoire de jouets 4 (2019)

« Vers l’infini et plus loin encore! » Cette fameuse phrase de Buzz Lightyear fait désormais partie de la culture populaire. Mais en 1995, Histoire de jouets représentait un énorme pari pour la compagnie Pixar. Cette production était le premier long métrage entièrement réalisé en images de synthèse. Porté par l’animateur John Lasseter, le chemin parcouru pour mener le film à terme a été très ardu.

Lasseter et ses collègues, Andrew Stanton (Trouver Nemo, Wall*E) et Pete Docter (Monstres, inc., Sens dessus dessous), proposent plusieurs versions de l’histoire que Disney refuse, préférant donner au film un ton plus mordant. La première version du scénario mettait en scène Tinny – le jouet du court-métrage Tin Toy gagnant d’un Oscar –, qui est oublié à une station-service. Il fait la connaissance d’une poupée ventriloque avec qui, après une série d’aventures, il se retrouve finalement dans une garderie. Jeffrey Katzenberg (futur partenaire de Dreamworks avec Steven Spielberg et le magnat de la musique David Geffen) propose plutôt que l’histoire soit écrite comme un buddy movie avec des protagonistes aux personnalités opposées qui deviennent amis après avoir été forcés à travailler ensemble. Le genre était populaire avec le succès des comédies policières 48 Heures et L’Arme fatale.

C’est dans une version datée de septembre 1991 que la structure de l’histoire actuelle du film est enfin trouvée. Par contre, les personnages ne sont pas encore ceux que l’on va connaître. Lasseter trouve finalement que Tinny a trop l’air d’un vieux jouet d’une autre époque. Il le modernise donc en astronaute qu’il prénomme Buzz Lightyear en hommage à Buzz Aldrin. Les couleurs vertes et mauves qui lui sont attribuées sont choisies par Lasseter et sa conjointe. La poupée porte le nom de Woody, inspiré de Casper, un fantôme en bois que Lasseter possédait enfant. C’est le concepteur visuel du film, Bud Luckey, qui suggère non seulement d’en faire un cow-boy, mais aussi de modifier son apparence un peu terrifiante en le transformant en poupée à ficelle.

« Si la gestation d’Histoire de jouets s’est avérée compliquée, sa production l’a été encore plus alors qu’une guerre interne se dessinait entre Pixar et Disney. »

En ce qui a trait au scénario, Joss Whedon, qui connaîtra un succès monstre quelques années plus tard avec Buffy contre les vampires, apporte les dernières modifications et non les moindres. Il introduit le personnage du dinosaure Rex et de Bo Peep, après que Mattel ait refusé l’utilisation de Barbie! C’est aussi lui qui a transformé la personnalité de Buzz qui ne fonctionnait pas tout à fait. Il a proposé que Buzz se voit comme un vrai héros et non un simple jouet pour enfant.

Tom Hanks était le premier choix de John Lasseter pour le rôle de Woody. Des essais concluants sont effectués avec les dialogues de Hanks tirés du film Turner et Hooch. L’acteur accepte. Pour incarner Buzz, le comédien pressenti rejette l’offre. En voyant l’animation, Billy Cristal ne croit pas au succès du film. Il regrettera sa décision, mais il aura la chance de se reprendre avec le rôle de Mike Wazowski dans Monstres, inc. Lasseter se tourne donc vers l’humoriste Tim Allen qui jouait dans Home Improvement, une sitcom très populaire sur la chaîne ABC, propriété de Disney.

Le 19 novembre 1993, une projection test du film à moitié complété tourne au cauchemar. Retravaillé constamment suivant les notes de Katzenberg, le film finit par perdre son âme. Même Hanks éprouve des doutes sur la direction que prend Woody qui s’avère trop méchant. Peter Schneider, président de Disney Animation, milite pour que la production soit arrêtée. Il faut dire qu’il n’avait jamais vraiment donné son aval au projet qui était soutenu par son patron Katzenberg. Finalement, on accorde trois mois à Lasseter afin qu’il redresse la situation. Des séquences seront donc réécrites à la satisfaction de tout le monde. La situation laisse toutefois un goût amer à Steve Jobs qui, face à un manque de liquidités chez Pixar, songe sérieusement à se départir de la compagnie. Microsoft démontre un intérêt, mais la projection du résultat final amène Jobs à changer d’avis. Il croit désormais qu’il a un succès entre les mains et il décide d’attendre la sortie du film afin d’inscrire la compagnie à la Bourse, ce qui lui procurera une grosse somme d’argent. Il a du flair ce Jobs!

Sorti en salle le 22 novembre, Histoire de jouets devient le film le plus populaire de 1995. Au box-office, il devance même Apollo 13, avec un certain Tom Hanks en tête d’affiche. Doté d’un budget final d’environ 30 millions de dollars, il en récolte 350 millions en cumulant les recettes mondiales. Après quatre films et plusieurs courts-métrages, l’univers d’Histoire de jouets s’élargit une fois de plus avec Lightyear, un autre pari audacieux de la part de Pixar qui désire montrer le film d’où provient le jouet de Buzz. |

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