Crédit photo : Juan Carlos Garcia

Simon Lavoie n’a pas chômé dans les derniers mois, nous présentant l’automne dernier son sixième long métrage, Nulle trace, en plus de scénariser le récent Norbourg, réalisé par Maxime Giroux. Depuis qu’il a remporté, en 2006, le Jutra du meilleur court ou moyen métrage de fiction avec Une chapelle blanche, le quarantenaire originaire de Charlevoix n’a pas arrêté de peaufiner son art, comme s’il cherchait une certaine forme d’aboutissement dans ses explorations cinématographiques.

La quête de Simon Lavoie a débuté dans sa jeunesse, alors qu’il utilisait les pinceaux pour s’exprimer. Des panoramas de son village de Petite-Rivière-Saint-François à des toiles plus près de l’abstraction, le jeune peintre troque son chevalet contre une caméra à la suite de ses études collégiales. Après quelques années à l’UQAM, Simon Lavoie raffine ses façons de faire, comme ses courts métrages en témoignent, tant par leur rythme que par leur dépouillement. Déjà, certaines thématiques s’installent, entre autres le questionnement et l’isolement de ses personnages, confrontés à leur propre existence et à la place qu’ils ou elles occupent dans la société.

En s’attardant à la filmographie de Simon Lavoie, force est de constater que le scénariste et réalisateur ne manque pas de courage et d’audace. Depuis Le Déserteur, sorti en 2008, Lavoie construit des œuvres qui nous confrontent comme Québécois, à propos de notre passé, mais aussi, et peut-être surtout, à propos de notre avenir. À travers ses deux coréalisations avec son complice Mathieu Denis (Laurentie, en 2011, Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau, en 2016), Simon Lavoie s’interroge sur notre rapport à l’autre, qu’il soit un voisin anglophone ou une personne en position d’autorité. Le cinéaste, discret et légèrement timide, exprime avec doigté ce mal-être que bien des jeunes ressentent face à l’échec du collectif et du bien commun. Il y a dans ces deux films un réel désir de bousculer le spectateur, de le pousser à réfléchir au-delà du discours convenu, et l’audace de mettre en images et en sons une colère trop souvent refoulée.

« … force est de constater que le
scénariste et réalisateur ne manque pas de courage et d’audace. Depuis Le Déserteur, sorti en 2008, Lavoie construit des œuvres qui nous confrontent comme Québécois, à propos de notre passé, mais aussi, et peut-être surtout, à propos de notre avenir. »

Dans ses projets plus personnels, Simon Lavoie installe ses histoires loin du bruit de la grande ville, souvent dans des lieux reclus, là où les repères viennent à manquer. En adaptant pour le cinéma la nouvelle d’Anne Hébert (Le Torrent, en 2012) et le roman de Gaétan Soucy (La Petite Fille qui aimait trop les allumettes, en 2017), le cinéaste a prouvé qu’il pouvait rendre justice à ces chefs-d’œuvre littéraires, jugés inadaptables. À l’aide du savoir-faire de Mathieu Laverdière (Le Torrent) et de Nicolas Canniccioni (La Petite Fille…), deux de nos directeurs photo les plus accomplis, Simon Lavoie traduit les mots en de sombres et magnifiques poèmes visuels, tirant profit de chaque inflexion de la lumière. Les phrases de ces textes deviennent un espace-temps malléable, laissant toute la place aux déploiements de ces récits et à leurs composantes métaphoriques. Ces longs métrages, autant Le Torrent que La Petite Fille…, continuent de vivre en nous longtemps après avoir quitté la salle de cinéma, comme des braises ardentes.

Avec ses deux plus récents projets, nous pourrions croire que Simon Lavoie tente de faire dévier la trajectoire de sa démarche artistique. Pourtant, il y a dans Nulle trace et dans Norbourg des éléments communs aux autres composantes de sa filmographie. Ses protagonistes se retrouvent encore en situation d’opposition, soit de leur plein gré ou par un nébuleux concours de circonstances. Le futur pas trop lointain et incertain de Nulle trace fait écho à celui du Torrent, tout comme Norbourg tente d’échapper aux lois, un peu comme Le Déserteur. Il y a aussi beaucoup de menaces, qui prennent différentes formes, dans l’univers de Simon Lavoie. Comme une nation prisonnière de ses vieux démons, le seul moyen de s’affranchir de son passé, c’est de le revisiter, de le comprendre, de l’embrasser.

Plus à l’aise quand il écrit que lorsqu’il dirige, le scénariste Simon sait ce dont le réalisateur Lavoie a besoin pour mener à bien ses nouvelles créations. Il semble en être de même avec Norbourg. Maxime Giroux propulse les didascalies et les dialogues de Simon Lavoie dans la bonne direction. En passant le flambeau de son texte à un autre cinéaste, Lavoie a compris qu’il a encore de nombreuses histoires à nous raconter, mais qu’il réservera son travail d’orfèvre réalisateur à celles qui lui ressemblent le plus, à mi-chemin entre l’ombre et la lumière. |

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