Crédit photo : Steven C. Smith

L’œuvre de Max Steiner est d’une importance capitale dans l’histoire du cinéma. À Hollywood, l’oscar qu’il a reçu pour avoir composé la musique du Mouchard (The Informer), en 1935, est d’ailleurs le tout premier à avoir été remis à un compositeur pour honorer la meilleure musique originale d’un film. Encore trop peu connu aujourd’hui, son travail porté à l’écran mérite qu’on y jette un œil puisque le nom de Steiner brille au firmament des plus grands compositeurs de musique pour le 7e art.

Né à Vienne, en 1888, Max Steiner se révèle rapidement très doué pour la musique, lui qui a comme parrain Richard Strauss, et qui aura comme influences principales Brahms et surtout Gustav Mahler. À douze ans seulement, il démontre déjà un talent certain en orchestrant et en dirigeant sa première opérette. En 1914, âgé d’à peine 26 ans, il met fin à un séjour en Angleterre et migre vers les États-Unis, à New York plus précisément, où il travaillera comme chef d’orchestre sur Broadway durant de nombreuses années. C’est en 1929 que Steiner fait son entrée dans l’univers d’Hollywood. Fort d’une formation de pianiste, de violoncelliste et de trompettiste, le musicien développe ses talents de compositeur dans un milieu où l’image règne encore sur le son.

Il faut d’ailleurs rappeler le contexte de l’époque pour le cinéma. Depuis le début des projections publiques, en 1895, les films sont muets, mais leurs projections sont très souvent accompagnées d’une musique jouée en direct par un pianiste. Des musiques enregistrées et diffusées sur disque en public sans être synchronisées aux images seront utilisées dès le début du XXe siècle. Ensuite, des compositeurs seront appelés à écrire des partitions spécifiquement pour certaines œuvres. L’ensemble a permis de camoufler le bruit du projecteur et d’insuffler une émotion à une action.

« Steiner fera partie d’une génération de compositeurs brillants qui marqueront le cinéma. »

C’est en 1927, avec l’arrivée du son optique, qui se retrouve sur la même bande que l’image, que naissent le cinéma parlant et l’utilisation synchrone de la musique au cinéma. Le Chanteur de jazz fait la manchette en devenant le premier long métrage parlant de l’histoire et Edmund Meisel, d’origine autrichienne comme Steiner, est considéré comme le premier compositeur de musiques pour le cinéma avec Berlin, symphonie d’une grande ville. Bref, ces avancées technologiques amèneront Hollywood, deux ans plus tard, à se lancer intensivement dans la réalisation de comédies musicales, comme Hallelujah et Broadway qui danse.

Dès 1929, Max Steiner suit les traces de Meisel en composant les trames d’une quarantaine de productions, jusqu’en 1933 où la consécration survient avec King Kong. Le succès est fulgurant, les effets spéciaux épatent la galerie et la musique de l’artiste donne une touche romanesque au film. Dès lors, l’aura de Kong permet à Steiner de devenir un incontournable à Hollywood. Reconnu pour ses leitmotivs et sa rapidité à répondre aux nombreuses commandes, l’Autrichien appose à ses créations sa signature, caractérisée par des orchestrations chargées qui deviendront sa marque de commerce, se collant aux ambiances de nombreuses productions à grand déploiement. Il est littéralement à l’origine de la musique symphonique au grand écran grâce à ses partitions pour Les Quatre Filles du docteur March (1933), Le Mouchard (oscar 1935), Une étoile est née (1937), Autant en emporte le vent (1939), Casablanca (1942), Depuis ton départ (oscar 1942), Une femme cherche son destin (oscar 1944), Le Roman de Mildred Pierce (1945), Le Grand Sommeil (1946), Le Trésor de la Sierra Madre (1948), La Ménagerie de verre (1950) et La Prisonnière du désert (1956).

Façonnant un style qui lui est propre et qui collera au cinéma de divertissement typiquement hollywoodien, Steiner verra son travail parfois dénigré par quelques confrères qui déplore sa tendance au spectaculaire et au mélodramatique. Cela dit, il est incroyablement actif des années 30 aux années 60, concoctant avec un rythme soutenu les trames sonores de dix films par an, pour un total d’environ 300 musiques de films selon le site IMDB.com. Pour la majeure partie de sa carrière, le compositeur a principalement collaboré avec deux studios de production à Hollywood, RKO et Warner. Surnommé « le père de la musique de film », Steiner fera partie d’une génération de compositeurs brillants qui marqueront le cinéma des années 30 et 40, comme E.W. Korngold, Miklós Rózsa, Bernard Herrmann, Franz Waxman, Alfred Newman et Dimitri Tiomkin.

On retiendra de l’œuvre symphonique de ce défricheur, son efficacité pour associer images et musique afin de provoquer des émotions et du grandiose. Sa grande fidélité à quelques cinéastes, dont John Ford, Michael Curtiz et William Wyler, est aussi à souligner, tout comme l’influence certaine qu’il aura sur des compositeurs qui suivront ses traces, de John Barry (James Bond) à James Newton Howard (The Dark Knight), en passant par John Williams (Star Wars). Max Steiner s’est éteint en 1971, à l’âge vénérable de 83 ans, fort de trois oscars remportés et de 24 nominations au total. Il laisse une marque indélébile sur l’imaginaire si puissant du cinéma grand public américain du XXe siècle. |

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