Image tirée de l’affiche du film Alien, le huitième passager (1979)

Si, selon l’affiche promotionnelle d’Alien, « dans l’espace, personne ne vous entend crier », on le peut assurément dans une salle de cinéma, si l’on se fie aux réactions du public à l’époque de la sortie du film en mai 1979. Ce long métrage d’horreur de science-fiction du Britannique Ridley Scott a marqué à jamais le cinéma par son esthétisme troublant et une scène particulièrement choquante.

Curieusement, personne à Hollywood ne voulait vraiment d’Alien (Alien, le huitième passager) quelques années auparavant, alors que le genre est considéré sur le déclin. Toutefois, les scénaristes Dan O’Bannon et Ronald Shusett réussissent à vendre le concept de leur scénario aux producteurs Gordon Carroll, David Giler et Walter Hill en le décrivant comme « Jaws dans l’espace » ! L’idée d’Alien est du scénariste O’Bannon, qui venait de collaborer avec un collègue d’école de USC (University of Southern California), un certain John Carpenter, sur une comédie de science- fiction intitulée Dark Star, financée indépendamment en dehors des studios hollywoodiens. À la suite de la sortie du film, O’Bannon a le désir de raconter une histoire avec un « vrai » monstre terrifiant. Pour l’aider à concrétiser sa vision, le scénariste vient à collaborer avec un autre auteur : Ronald Shusett.

Une rencontre déterminante d’O’Bannon vient marquer profondément la trajectoire d’Alien. Alors qu’il participe à l’adaptation de Dune par le cinéaste chilien Alejandro Jodorowsky, le scénariste fait la connaissance de l’artiste suisse H. R. Giger, qui fait partie de l’équipe de concepteurs visuels. Si le projet ne voit finalement pas le jour, O’Bannon, troublé par l’imaginaire de Giger, fera éventuellement appel à ses services. Pour l’instant, O’Bannon et Shusett terminent enfin leur scénario de Star Beast qui change finalement de nom pour Alien, plus simple et évocateur. La Fox, qui en a acheté les droits, est toujours réticente à financer le film. Mais, en 1977, grâce à l’immense succès d’un petit space opera, Star Wars, le studio donne finalement son aval à la production d’Alien. Toutefois, le budget de 4,2 millions de dollars américains est quand même assez dérisoire pour l’époque et, surtout, pour le genre. On doit maintenant trouver un réalisateur.

Dans les années 1970, Ridley Scott est l’un des réalisateurs de publicités les plus en vogue en Angleterre. Dès son premier long métrage, The Duellists (Les Duellistes, 1977), il se distingue en remportant le prix du meilleur premier film au prestigieux Festival de Cannes. Épatés par le visuel léché du film, les producteurs offrent Alien à Scott qui s’empresse de l’accepter. Enthousiaste, Scott participe à la conceptualisation de plusieurs éléments du film, comme le vaisseau Nostromo et les habits d’astronautes de l’équipage. Impressionnée par la qualité des visuels de Scott et de ses storyboards, la Fox décide de doubler le budget de la production. Mais, une question demeure entière : à quoi va ressembler la créature ?

Dan O’Bannon, encore hanté par les œuvres d’H. R. Giger, décide de les montrer à Ridley Scott. Le Nécronomicon IV, qui dépeint une créature biomécanique noire, servira d’inspiration au film. Au début, la Fox se montre très réticente à ce que la production embauche Giger comme concepteur visuel, mais Scott parvient à les convaincre. Il rencontre lui-même l’artiste en Suisse afin de le recruter. En plus de concevoir l’environnement de la planète et du vaisseau extra-terrestre échoué, Giger conceptualise les quatre étapes de la transformation de la créature : de l’œuf jusqu’à sa forme adulte.

Difficile de croire qu’à sa sortie au cinéma, Alien avait divisé les critiques, certains le catégorisant comme œuvre mineure de science-fiction ou le réduisant à une simple histoire de maison hantée. 

Le premier design sur lequel s’attarde Giger est le facehugger, la créature qui s’attache au visage de Kane (John Hurt). Il crée ensuite le chestburster, celle qui sort de la poitrine du même personnage plus tard dans le film, devenant du même coup l’une des séquences les plus emblématiques, et terrifiantes, du cinéma. Le tournage de la scène l’avait été tout autant pour les comédiens. Une seule prise a été tournée et c’est elle qui apparaît dans le film. Malin, Ridley Scott n’avait pas pleinement donné les détails de la scène aux acteurs. Les comédiens avaient vu la créature, mais ils ne s’attendaient pas à voir tout ce sang jaillir. La réaction terrifiée de l’actrice Veronica Cartwright (Lambert) est donc vraie. Elle ne simulait pas son effroi !

Pour la phase finale de la créature, un défi de taille s’impose à Ridley Scott : comment la montrer à l’écran ? S’inspirant de Jaws, le réalisateur décide de ne pas trop la montrer pendant une bonne partie du film. Comme le requin dans le film de Steven Spielberg, Scott préfère évoquer la créature et laisser aller l’imaginaire des spectateurs, créant un plus grand suspense. Pour la signature visuelle, c’est Giger qui sculpte le corps de la créature, mais c’est Carlo Rambaldi qui fabrique sa tête mécanique. Rambaldi avait auparavant collaboré à créer les extra-terrestres du film Close Encounters of the Third Kind (Rencontres du troisième type) de Spielberg et pour lequel il fera également son E.T. quelques années plus tard. Il utilise un système de câbles afin de permettre à la créature d’ouvrir sa bouche pour ainsi en révéler une deuxième encore plus menaçante. Pour sa salive abondante, il emploie du lubrifiant K-Y ! Pour la majorité des plans, la créature est incarnée par Bolaji Badejo, un acteur nigérien filiforme mesurant 6 pieds et 10 pouces, qui enfile un costume en latex.

À l’origine, le film devait se conclure avec le personnage de Ripley (Sigourney Weaver) s’échappant du Nostromo qui explose. Vers la conclusion du tournage, Scott conçoit l’idée d’une nouvelle séquence supplémentaire qui verrait la créature, maintenant à bord de la capsule, combattre Ripley, la seule survivante. Le réalisateur convainc le studio d’allonger un montant de plus pour la tourner, mais celui-ci s’oppose à une de ses idées : celle de la créature qui décapite Ripley et qui imite ensuite sa voix pour un enregistrement de données. La Fox voulait que Ripley l’emporte et que la créature soit tuée, une conclusion justifiée et un peu plus logique…

Dès sa sortie en salle, le film remporte immédiatement un grand succès aux guichets. Si aujourd’hui Alien est considéré comme un incontournable du 7e art, il avait toutefois divisé les critiques, certains le catégorisant comme œuvre mineure de science-fiction ou le réduisant à une simple histoire de maison hantée. Le film est maintenant cité parmi les plus importants et influents du cinéma populaire en plus d’être à l’origine d’une franchise qui contient non seulement plusieurs productions, mais aussi des romans, des bandes dessinées, des jeux vidéo, des jeux de société et plusieurs autres produits dérivés. |

Alien : Romulus sortira en salle au mois d’août.

Trending