Image tirée de l’affiche du film Joker (2019)
Depuis quelques années, les compositeurs de musique de film provenant des pays scandinaves ont la cote à Hollywood. Ólafur Arnalds (Gimme Shelter), Ludwig Göransson (Black Panther) et le défunt Jóhann Jóhannsson (Arrival, ou L’Arrivée) sont quelques exemples de cette vague talentueuse de compositeurs qui illustre bien la capacité d’Hollywood de capitaliser sur des talents étrangers.
On peut ajouter à cette liste la compositrice Hildur Guðnadóttir, rare femme dans un milieu majoritairement masculin, qui multiplie les projets depuis qu’elle a remporté en 2020 l’Oscar de la meilleure musique originale pour le film Joker. Elle sera d’ailleurs amenée à composer la musique de la suite très attendue de ce film sombre qui a marqué les esprits. Il faudra cependant s’armer de patience, puisque la sortie de Joker : Folie à deux n’est prévue que pour l’automne 2024.
Heureusement, la sortie de A Haunting in Venice (Mystère à Venise), le tout nouveau film mettant en vedette Kenneth Branagh dans le rôle du célèbre détective Hercule Poirot, saura apaiser les admirateurs que cette musicienne hors pair s’est attirés. À titre de compositrice, elle remplace le Britannique Patrick Doyle qui a signé la musique des deux volets précédents : Murder on the Orient Express (Le Crime de l’Orient-Express) et Death on the Nile (Mort sur le Nil). Les cinéphiles assoiffés de suspense et les enthousiastes admirateurs d’Agatha Christie ne voudront pas manquer ce rendez-vous. Parions que la musique d’Hildur Guðnadóttir saura apporter un vent de fraîcheur à ce nouveau volet dont l’intrigue semble teintée de fantastique.
Hildur Guðnadóttir est née en 1982 à Reykjavik dans une famille largement composée de musiciens. Son père était clarinettiste et sa mère, chanteuse d’opéra. La musique s’est donc imposée naturellement et, dès l’âge de cinq ans, Hildur Guðnadóttir apprenait à jouer du violoncelle comme instrument principal. Elle a également poursuivi des études en composition et aujourd’hui, elle travaille surtout dans son studio situé à Berlin. À travers sa carrière éclectique, elle a multiplié les collaborations avec de nombreux artistes de la scène musicale européenne et a réalisé quatre albums solos.
En 2019, la carrière de Hildur Guðnadóttir prend son envol et atteint des sommets qu’elle-même n’aurait jamais pu penser atteindre.
En tant que violoncelliste, elle a joué pour de nombreux films très populaires, ce qui lui a permis de se faire connaître davantage dans le milieu du cinéma. Vous avez pu l’entendre dans le film The Revenant (Le Revenant) d’Alejandro G. Iñárritu, ainsi que dans Prisoners (Prisonniers), Sicario et Arrival (L’Arrivée), trois films du cinéaste québécois Denis Villeneuve. D’ailleurs, le compositeur de ces trois films, Jóhann Jóhannsson, était un collaborateur régulier de Hildur Guðnadóttir. Ensemble, ils ont composé la musique du film Mary Magdalene (Marie Madeleine) de Garth Davis sorti en 2018. Cette année marque malheureusement la fin de leur précieuse collaboration puisque le talentueux Jóhann Jóhannsson a été retrouvé mort dans son appartement. Hildur Guðnadóttir affirme avoir perdu un collègue, une âme sœur et une paire d’oreilles supplémentaire.
En 2019, la carrière de Hildur Guðnadóttir prend son envol et atteint des sommets qu’elle-même n’aurait jamais pu penser atteindre. Pour la chaîne de télévision payante HBO, elle compose la musique de la minisérie acclamée Chernobyl, une dramatisation des conséquences de la catastrophe nucléaire survenue en 1986. Pour s’y prendre, Hildur Guðnadóttir a choisi d’emprunter un chemin peu orthodoxe pour atteindre ses objectifs. Peu orthodoxe, mais pas surprenant pour cette compositrice-interprète dont la musique est souvent qualifiée d’expérimentale. Voilà : Hildur Guðnadóttir s’est empressée de visiter une centrale nucléaire afin d’y enregistrer des sons pour ensuite les manipuler dans son studio. Il n’y a donc, dans la bande sonore finale, aucun instrument utilisé. Vous êtes curieux du résultat? La bande sonore est disponible sur Spotify et Apple Music et son écoute vaut amplement le détour. Ses expérimentations seront saluées et recevront plusieurs prix, dont un Emmy et un Grammy.
Hildur Guðnadóttir était le premier choix du cinéaste Todd Phillips pour la musique de son film Joker. Dès le scénario terminé, il lui a envoyé une copie pour voir si elle se sentait inspirée par le projet. Très touchée par le désespoir du personnage, Hildur Guðnadóttir a immédiatement accepté le défi. Avant même que le tournage commence, elle s’est mise à la composition avec son instrument de prédilection : le violoncelle. Todd Phillips a tellement été impressionné par son travail qu’il a insisté pour faire jouer sa musique sans cesse sur le plateau de tournage. La musique a même contribué à changer un moment crucial du film. Dans la scène où le Joker se rend dans une toilette publique à la suite d’un incident brutal, le célèbre personnage, interprété par Joaquin Phoenix, devait réciter un monologue devant le miroir. Cependant, le comédien, visiblement inspiré par la musique de Hildur Guðnadóttir, s’est plutôt mis à improviser une danse langoureuse, créant une des scènes les plus mémorables du film. La bande sonore du film Joker s’est attiré de nombreux éloges et prix; Hildur Guðnadóttir est ainsi devenue la première femme à récolter un BAFTA, un Golden Globe et un Oscar pour la musique d’un seul film.
Outre le violoncelle, Hildur Guðnadóttir utilise régulièrement le son de l’halldorophone, un instrument créé par Halldór Úlfarsson, un compatriote. Peu de musiciens maîtrisent aussi bien cet instrument méconnu que Hildur Guðnadóttir. Il s’agit principalement d’un violoncelle électroacoustique qui possède la capacité de jouer des notes en utilisant le retour de son des vibrations des cordes capté par un micro. Certains décrivent l’instrument comme un croisement entre le violoncelle et le thérémine, un des plus anciens instruments électroniques. Ultimement, le halldorophone est un instrument à l’image de Hildur Guðnadóttir, c’est-à-dire unique et innovant. |
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