Crédit photo : Stéphane Bourgeois
Plusieurs compositeurs québécois se sont spécialisés dans la musique de films ou de séries télé au fil des années. À l’occasion, certains chanteurs ont aussi sauté la clôture et travaillé pour le grand écran. C’est le cas de Daniel Bélanger qui, en 2005, a composé les partitions musicales de L’Audition, première réalisation de l’acteur Luc Picard. Dix-sept ans plus tard, Bélanger fait un retour dans le domaine en signant les musiques du film Confessions du même réalisateur.
Fort remarqué au moment de la sortie du film, obtenant même le prix Jutra pour la meilleure musique lors du gala en 2006, son travail sur L’Audition n’a pourtant pas amené d’autres cinéastes d’ici à faire appel à ses services. Si cela peut paraître étonnant, ce qui l’est moins, c’est d’apprendre que Luc Picard a de nouveau invité le chanteur pour concevoir la musique de Confessions, son cinquième long métrage en carrière, dont la sortie est prévue dans les prochains mois. Ce drame de gangsters, scénarisé par Sylvain Guy, tire son origine de l’essai biographique Gallant : confessions d’un tueur à gages écrit par les journalistes Éric Thibault et Félix Séguin.
Daniel Bélanger a aussi œuvré dans d’autres sphères que la chanson et le cinéma. À preuve, on lui doit la musique du spectacle Paradis perdu de Dominic Champagne et Jean Lemire, les musiques de deux pièces de Michel Tremblay adaptées en théâtre musical, soit Les Belles-sœurs et Sainte Carmen de la Main, en plus de celle de la série Chaos diffusée à TVA et l’écriture du récit intime Auto-stop. Après la sortie de huit albums studio, il a récidivé à l’automne 2020 avec Travelling, un album instrumental, aux effluves des musiques de westerns d’Ennio Morricone, marqué en outre par les atmosphères musicales du cinéma québécois, italien et français des années 60 et 70. Daniel Bélanger a construit cet album comme une véritable bande sonore de film.
C’est en avril 2020 que Luc Picard contacte Daniel Bélanger pour l’inviter à écrire les musiques de son nouveau long métrage. L’artiste se souvient qu’à ce moment, le tournage était terminé. N’ayant pas lu le scénario, il a pu voir en privé le long métrage et a été littéralement fasciné par le personnage central de Gallant, joué par Picard lui-même. Dans cette version non finalisée, des musiques avaient été mises çà et là à titre d’exemples pour enrober les scènes. Malgré cette apparente compétition, la chose n’a pas effrayé l’auteur-compositeur-interprète qui, au contraire, a été emballé et poussé dans son élan créatif.
Selon les dires du chanteur, le cinéaste savait exactement ce qu’il désirait en matière de musique. Picard a rapidement cerné les scènes qui devaient être illustrées par de la musique et quelle énergie sonore devait y être associée. « Très avide de propositions, Luc m’a laissé explorer des avenues avec beaucoup de liberté », de relater Bélanger. « J’ai alors tenté de créer, quand c’était possible, des anti-thèmes, comme d’insérer une musique plus lente sur une scène d’action. Luc, lui, a su doser ces effets avec beaucoup de sensibilité, car les textures et la personnalité d’un instrument créent une signature au cinéma. Et cette signature, une fois trouvée, ouvre la voie pour la suite des choses. »
Luc Picard interprète lui-même le rôle de Gérald Gallant, un tueur à gages au tableau de chasse inimaginable et dont les victimes étaient toutes reliées à la mafia montréalaise et aux Hells Angels. Pour son entourage autant que pour la police et le milieu du crime organisé de l’époque, rien ne laissait présager que Gallant, quidam inoffensif résidant dans un quartier tranquille de Donnacona avec son épouse, pouvait être à l’origine de près de 30 meurtres et de 15 attentats. Échappant aux policiers durant 25 ans, il est finalement arrêté en Suisse en 2006, puis condamné ici à une peine de prison à vie en 2009 alors qu’il est âgé de 58 ans.
Dans ce film qui nous transporte dans plusieurs régions du Québec des années 80 et 90, dans un contexte d’enquête policière autour du monde interlope et de la guerre des motards, la musique instrumentale s’avère donc essentielle pour créer les bonnes atmosphères et instaurer le climat propice sur grand écran. Mais Daniel Bélanger a aussi voulu accoler à Confessions une véritable chanson thème. Il a façonné la chose avec l’objectif de faire un clin d’œil à cette époque où les chansons thèmes étaient fréquentes au grand écran, comme dans chacune des aventures de James Bond. Cet aspect lui permettait également de donner une saveur locale à ce clin d’œil pouvant rappeler le cinéma québécois des années 70 et 80, avec les musiques signées par François Cousineau ou François Dompierre, et qui ont inévitablement marqué le compositeur émérite qu’il est aujourd’hui devenu.
Daniel Bélanger estime que son travail de création auprès de différents artistes issus du milieu du cinéma, du théâtre, de la scène ou de la télé s’opère toujours de façon similaire. « Il faut trouver la route en parallèle de l’œuvre afin de l’accompagner, sans jamais la précéder ou encore l’étouffer », dira-t-il. Et pour conclure, le chanteur ajoutera poétiquement que « les silences sont également très importants, car le silence est aussi une musique en soi ». On ne saurait mieux dire! |