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Cinéma – Mode d’emploi : Corinne Giguère & Maxime Vanasse, agents d’artistes

Crédit photo : Guillaume Boucher

Qu’on les appelle à l’italienne impresario ou, à l’anglaise, manager, les agents d’artistes ont un petit côté mystérieux… Quand on pense à agents d’artistes, on a en tête des noms connus, comme René Angélil ou encore le fameux Colonel Tom Parker. Mais en réalité, le métier est loin d’être glamour ! Parlez-en à Maxime Vanasse, président de l’agence artistique MVA, ou à Corinne Giguère, de l’agence artistique du même nom.

« Ce n’est pas glamour du tout, au contraire ! C’est très terre à terre, on ne se laisse pas distraire par les paillettes et les tapis rouges. Je n’ai jamais eu ça, le culte de la vedette, je vois l’humain avant tout. Je suis surtout leur meilleur public ! Il ne faut pas faire ce métier pour la reconnaissance parce qu’il n’y en a pas beaucoup. On est des joueurs de l’ombre », nous mentionne Maxime Vanasse. « Il y a longtemps eu une perception de l’agent qui en mène large », ajoute Corinne Giguère. « Les agents que je côtoie sont plutôt des gens très travaillants, honnêtes, à l’écoute, même plutôt discrets. Le modèle type impresario, ça appartient au passé. »

L’agent d’artiste, c’est généralement le premier contact entre le projet et l’artiste. C’est lui qui a le flair pour vanter un projet, le vendre à un artiste ou à un producteur, et c’est aussi lui qui peut avoir la tâche ingrate de le refuser. « Quand je vois qu’un projet n’est pas bon, je dis pourquoi. Il y a plusieurs façons de dire les choses et il faut le dire. On ne veut pas que nos scénaristes, par exemple, travaillent pour rien. Je pense que j’ai assez d’expérience pour dire les vraies choses. On a un but commun, c’est que nos artistes travaillent ! » précise Maxime Vanasse. « Il faut aussi tenir compte de l’artiste à qui on s’adresse, chacun est à un moment différent de sa carrière », ajoute Corinne Giguère.

Pour trouver du travail aux artistes qu’il représente, l’agent doit avoir un bon réseau et plusieurs contacts dans le milieu ainsi qu’un sens aiguisé des affaires. Par contre, il doit aussi composer avec plusieurs variables et certains artistes peuvent avoir le sentiment que son agent ne lui trouve pas assez de boulot. « Il y a plus d’artistes que de rôles, donc déjà c’est un défi. Il y a la réalité des budgets et l’accessibilité aux auditions qui est un enjeu, ce n’est pas évident. C’est important que l’artiste sente qu’il a derrière lui une équipe proactive. On travaille ensemble, on établit des stratégies, on se fixe des objectifs. On se doit d’être créatifs nous aussi ! » nous dit Corinne Giguère. « Il faut, en quelque sorte, leur apprendre à doser. Il m’arrive d’avoir à dire à un artiste que s’il fait quatre pièces de théâtre cette année, par exemple, il n’aura plus de place pour faire des tournages. Il faut beaucoup conseiller les artistes et on essaie que chaque rôle devienne un peu plus marquant pour établir leur image de marque », ajoute Maxime Vanasse.

Le métier d’agent d’artiste reste dans l’ombre, mais soutient chaque pas sous les projecteurs.

Si celui ou celle qui exerce le métier reste dans l’ombre, il doit, au contraire, gérer des gens qui, eux, aiment la lumière ! À Hollywood, certaines demandes ont déjà fait la manchette. Par exemple, Will Smith aurait demandé une roulotte à deux étages juste pour lui, incluant plusieurs chambres et salles de bain, lors du tournage de Men in Black III. Ou on entend d’autres acteurs qui, souvent, vivent dans la peau de leur personnage continuellement (method acting), comme Daniel Day-Lewis sur le plateau du film Lincoln, qui voulait qu’on l’appelle « Monsieur le Président » en tout temps. Au Québec, le milieu est plus petit, donc les demandes et les attitudes plutôt extravagantes, c’est moins courant. « Je les casse vite quand ça arrive », explique Maxime Vanasse. « Parfois, c’est une méconnaissance du milieu. Avec le temps, certains ont des privilèges sur des plateaux et aimeraient que ça se répète, c’est normal. C’est surtout des demandes pour des conditions de travail plus avantageuses, de confort, de logistique que l’on reçoit. C’est l’exception à la règle et si ça ne fait pas de sens, j’essaie de comprendre pourquoi et on en discute. »

C’est le cas aussi pour les différences artistiques ! Si ça n’arrive pas souvent, les deux agents d’artistes ont dû en gérer quelques-unes : « J’ai eu des projets qui m’ont beaucoup occupé, où j’ai dû me rendre sur le plateau régulièrement. Il y a parfois un manque de confiance entre la production et l’artiste et il faut gérer ça. On met parfois le plateau en pause ou on doit aller provoquer une discussion à la fin d’une journée pour trouver des solutions et des compromis. Souvent, ça part d’une mauvaise vision des choses ou d’une incompréhension mutuelle », nous dit Maxime Vanasse. De son côté, Corinne Giguère a aussi dû faire face à quelques situations malheureuses par le passé : « Idéalement, on détecte les différends en amont. On veut que ça se passe bien rendu sur le plateau, les journées sont tellement serrées. Mais oui, ça arrive, et il faut être là ! »

Comme on peut le constater, le métier d’agent d’artiste est un métier où il faut être plus qu’un bon négociateur pour les différents contrats. Selon Maxime Vanasse, la première qualité doit être l’écoute : « On accompagne les artistes, on doit être des confidents, presque des psychologues, en plus d’être un stratège. C’est un amalgame entre le sens des affaires et celui des relations humaines. Les artistes ont besoin de quelqu’un de plus cartésien qu’eux. »

S’il n’y a pas d’école pour devenir agent au Québec, il y a donc plusieurs parcours selon les agents, mais tous ont un point en commun : l’amour des artistes et des arts. Pour mettre un code et une structure au métier au Québec, Maxime Vanasse fut un des fondateurs de l’Association québécoise des agents artistiques (AQAA). L’APRAQ (Association professionnelle des représentants d’artistes du Québec) est l’autre association, dont Corinne Giguère est membre : « Ça amène un sceau de qualité et crée des normes. Pour les agents, ça nous permet d’échanger entre nous pour améliorer nos pratiques et, ultimement, mieux servir les artistes », nous dit-elle en terminant. |