Crédit photo : Tzara Maud
Entrevue avec les comédiennes Laurence Lebœuf et Karine Gonthier-Hyndman pour la sortie du film Deux femmes en or.
La provocante comédie de mœurs Deux femmes en or de Claude Fournier avait fait jaser à sa sortie en 1970. Descendu par la critique, le film a néanmoins récolté un énorme succès aux guichets, marquant la culture populaire québécoise. Cette relecture s’inspire de la pièce de théâtre de 2023 par Catherine Léger (Babysitter), qui signe également le scénario, et elle est réalisée par Chloé Robichaud (Les Jours heureux). MonCiné a eu le privilège de s’entretenir avec les comédiennes Karine Gonthier-Hyndman et Laurence Lebœuf, qui interprètent ces deux nouvelles femmes en or.
Tout d’abord, bravo pour ce prestigieux prix récolté au Festival du film de Sundance. Étiez-vous sur place ?
Karine Gonthier-Hyndman : Chloé et moi avons appris la nouvelle par courriel en descendant de l’avion à notre retour. On a crié fort (rire) !
Laurence Lebœuf : Chloé m’a ensuite appelée et j’ai crié à mon tour chez nous (rire) !
Karine, à 40 ans, vous héritez enfin d’un premier rôle au cinéma. Était-ce un souhait qui se réalisait ?
Karine : Oui, vraiment. C’est un rêve de travailler en cinéma parce qu’on a du temps et souvent les moyens. Ça m’a fait vraiment du bien ce projet-là après énormément de tournages télévisuels.
Laurence, vous avez moins touché à la comédie dans votre carrière cinématographique, est-ce que ça vous intimidait un peu ? Ou, au contraire, vous vous sentiez en confiance avec Karine, qui est une pro de la comédie ?
Laurence : Oui, je me sentais bien entourée, mais le défi était de trouver le bon ton. Je faisais vraiment confiance aux gens autour de moi sur le plateau, dont Chloé, afin de bien me guider. L’humour, c’est une fine ligne. Je ne voulais pas être à côté.
Karine : Tu étais tellement bonne ! Laurence, c’est une naturelle et toute une actrice. Je n’ai pas vu que c’était un défi pour elle.
Laurence : Parfois, on a peur de ce qu’on a fait moins souvent. Mais je fais confiance et je plonge. Merci Karine (rire) !
« Quand je regarde le film, je vois toute la sensualité et la féminité dans nos scènes. »
– Laurence Lebœuf
Quel a été le processus d’audition ?
Karine : On a auditionné, mais l’histoire est quand même drôle. On l’a fait individuellement, puis à la fin des auditions, Chloé a fait un montage de Laurence et moi comme si on se répondait. Ça marchait vraiment très bien. C’était tellement étonnant ! On avait l’impression que nous étions dans la même pièce. Chloé cherchait différents groupes d’âge aussi. Elle est une réalisatrice qui est dans la démarche et je pense que, pour elle, le processus d’audition était intrinsèque à sa démarche.
Avez-vous ressenti une certaine appréhension en acceptant quand même les rôles ?
Laurence : Je dois avouer qu’au début, quand je disais à mes proches que j’allais faire le film, les réactions étaient très particulières (rire). Je pense que, pour une certaine génération, le film original a marqué l’imaginaire. On me disait « Oh là là ! », « Ah oui, hein? » ou « Ah, bin ! » (rire).
Karine : Moi aussi, j’ai quand même eu ce type de réaction. Mon père et mes oncles m’ont dit : « On ne viendra pas voir le film, parce qu’on ne veut pas te voir nue ! » (rire) Moi-même, j’étais intimidée, parce qu’à cette étape-là, on ne savait pas trop à quel point il allait y avoir de la nudité. Tu vas auditionner sans trop connaître la vision du réalisateur. Même avant l’audition, mon agente m’avait demandé si j’étais à l’aise avec la nudité et ça m’a fait pomper un peu le cœur. Je me suis dit : « On verra si je le décroche et on en reparlera à ce moment-là. » Puis là, je l’ai décroché et je me disais : « Mon Dieu, qu’est-ce que je vais faire avec ça ? » (rire) Finalement, la nudité est smooth et il n’y en a pas beaucoup. C’est vraiment une infime portion du film.
Est-ce que le fait que ce soit une réalisatrice a été facilitant ? Auriez-vous participé au film s’il avait été tourné par un homme ?
Laurence : Quand je regarde le film, je vois toute la sensualité et la féminité dans nos scènes. J’en ai fait beaucoup, de scènes de sexe, et c’était la première fois que je voyais l’érotisme d’un point de vue féminin. Je trouve ça vraiment beau et je pense que ce regard féminin apporte cette délicatesse-là. Je ne dis pas que je ne l’aurais pas fait si le film avait été tourné par un homme, parce qu’il y en a beaucoup de supersensibles. Mais c’est certain que de le faire avec une femme, c’est une douceur.
Karine : En plus, sur le plateau, Chloé avait constitué son équipe principalement de femmes. Ç’a aussi contribué à cette douceur et à l’abandon dont on avait besoin pour tourner ces scènes-là.
Avez-vous travaillé avec une coordonnatrice d’intimité ?
Laurence : Oui, on a travaillé avec une coordonnatrice d’intimité. J’avoue que c’est la première fois que je travaillais avec quelqu’un comme ça et je trouve que ça change tout. Ça vient vraiment créer un dialogue entre tout le monde.
Karine : Pour moi, l’affaire la plus délicate, ce n’était pas tant les scènes que je devais tourner, mais le fait que je porte une perruque pubienne dans le film. Et ça prenait quelqu’un pour l’installer. Je te dirais que c’était formidable d’avoir la coordonnatrice d’intimité pour ça (rire) ! Tu n’as pas toujours envie que ce soit le maquilleur avec qui tu travailles depuis longtemps qui fasse ça. Ce n’est pas simplement pour nous qu’elle est là, mais aussi pour les rôles des gars qui venaient une journée tourner leur scène de sexe. Ils devaient sauter dans cet environnement qui n’était pas le leur, mais dans lequel nous on avait déjà tissé un lien de confiance.
« C’est vraiment un film le fun, léger et feel good. J’espère que les gens vont ressentir ça. »
– Karine Gonthier-Hyndman
Justement, le film contient énormément de caméos surprenants, dont des humoristes qui excellent en improvisation. Comment Chloé gérait-elle son plateau ?
Karine : Elle ne laissait pas beaucoup de place à l’impro, hein, Laurence (rire) ?
Laurence : Pas tant, non (rire).
Karine : Chloé sait où elle s’en va. Quand le tournage a commencé, elle avait déjà une image très précise de ce qu’elle voulait et du ton aussi. C’est facile quand on fait de l’humour d’en faire un peu trop. Elle était donc la gardienne du ton. Quand les humoristes étaient là, sa job était de bien les contenir. Ce qui est drôle dans le film, je pense, c’est que l’humour est justement contenu. Il n’est pas grotesque. C’est un humour de situation qui passe par le réalisme. Pour l’improvisation, il y a des contextes où c’est le fun. Moi, j’adore ça et j’aimerais toujours en faire un peu. Mais Chloé était bonne pour s’assurer que ça ne déborde pas. Aussi, on tournait en 35 mm et la pellicule est comptée, car ça coûte cher. Chloé ne pouvait pas se permettre dans ce contexte-là de nous voir flyer avec nos impros.
Quelles scènes ont été les plus drôles à tourner ?
Laurence : Les scènes dans lesquelles j’imite la corneille (rire). J’ai aussi eu beaucoup de fous rires avec Maxime Le Flaguais.
Qu’espérez-vous que le public retienne en voyant cette nouvelle version ?
Karine : J’espère que les gens ne seront pas trop dans la comparaison. C’est vraiment une nouvelle œuvre qui rend hommage à celle qui a marqué le Québec à cette époque-là. C’est une relecture de comment ça serait aujourd’hui. J’espère aussi que les gens iront dans les salles de cinéma, car c’est un film le fun, léger et feel good. J’espère que les gens vont ressentir ça.
Laurence : Je suis d’accord. J’espère que le public va aller s’amuser et rire. On y retrouve l’humour un peu absurde à la Claude Meunier. Catherine Léger écrit avec brio. C’est vraiment un beau film à voir au cinéma. |
La comédie dramatique Deux femmes en or prend l’affiche le 30 mai.