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Entrevue avec le réalisateur Julien Rambaldi et l’actrice Eye Haïdara

Image tirée de l’affiche du film Les Femmes du square (2023)

Entrevue avec le réalisateur Julien Rambaldi et l’actrice Eye Haïdara pour la sortie du film Les Femmes du square

Découverte par le grand public dans le rôle de l’assistante de Jean-Pierre Bacri dans la comédie Le Sens de la fête, Eye Haïdara enchaîne les rôles depuis cette prestation qui lui a valu une nomination comme meilleur espoir féminin aux César. En 2023, elle devient Angèle dans Les Femmes du square qui raconte le quotidien d’une jeune immigrante ivoirienne tentant de joindre les deux bouts à Paris en devenant la nounou du jeune Arthur. Cette comédie sociale pas piquée des vers est réalisée par Julien Rambaldi, aussi auteur du film choral C’est la vie sorti ici voilà un an. Rencontre avec deux artistes qui ont eu à cœur de faire connaître le travail méconnu de nombreuses immigrantes qui s’occupent à longueur de semaine d’enfants dont les parents passent beaucoup, voire trop, d’heures au boulot.

Julien, Eye (prononcer Éyé) s’est imposée de quelle façon pour le premier rôle, celui d’Angèle?

Julien Rambaldi : J’étais en train d’écrire le scénario et j’ai eu l’occasion de voir Le Sens de la fête. Et là, j’ai vu que le personnage d’Angèle pouvait exister et vraiment prendre forme comme une femme de caractère avec Eye. Une fois l’écriture terminée, on lui a envoyé le scénario sans savoir si ça lui plairait, mais ce fut le cas heureusement.

Et vous Eye, comment l’avez-vous perçu ce personnage?

Eye Haïdara : C’est un personnage haut en couleur et ça c’est rare au cinéma. Donc pour une actrice, c’est un cadeau même si c’est vrai qu’on me voit souvent comme une actrice capable de jouer des femmes au caractère bien trempé. J’ai quelque chose de ça en moi, comme un fantôme. Jeune, c’était évident dans tous mes rôles, maintenant, c’est moins présent, mais un réalisateur comme Julien est là pour ranimer tout ça.

Julien, tout le contexte dans lequel se déroule Les Femmes du square, c’est quelque chose que vous connaissiez bien?

Julien : Le square du film, c’est celui d’Anvers dans le 9e arrondissement. Là-bas, à 16 h 30, il n’y a pas de parents, mais que des femmes qui gardent les enfants des autres et, en les observant, on se demande qui sont-elles, quelle est leur vie quand elles repartent en banlieue parisienne à la fin de leur journée de travail? Puis, il faut dire que l’histoire est aussi venue de mon fils qui vivait une relation très forte avec sa nounou. Ce qui me plaisait, c’était de raconter cette fusion intime et émotionnelle entre Angèle et Arthur. Ces femmes deviennent rapidement une sorte de repère pour plusieurs enfants dont les parents sont séparés ou encore qui sont peu présents à la maison à cause du boulot.

Julien Rambaldi

Crédit photo : Philippe Quaisse – Unifrance

Eye Haïdara

Crédit photo : Henri Coutant – Unifrance

Et vous Eye, vous étiez au fait de ce phénomène?

Eye : J’en avais entendu parler évidemment et j’avais moi-même emmené mon enfant dans un de ces petits clubs de nounous. J’ai été témoin de tout cet amour et de cette solidarité qui s’en dégagent, et de tous leurs soucis personnels qu’on passe sous silence. J’avais été touchée par ça et quelques mois après, je recevais le scénario de Julien. Derrière tout ça il y a des histoires de sacrifice, de gens qui quittent leur pays et qui doivent survivre avec « la débrouille » et souvent envoyer de l’argent à leurs proches à l’étranger.

Vous êtes d’origine malienne et vous jouez dans le film une Ivoirienne. Est-ce qu’on se pose des questions reliées à ça au moment du tournage?

Eye : (Rire) Moi, non, je ne me suis pas posé de question et ça ne m’a créé aucun problème.

Julien : Vous savez, les acteurs français peuvent jouer des Québécois, les Belges peuvent jouer des Français et les Anglais interprètent souvent des Américains.

Je vous confirme que les Français qui tentent de prendre l’accent québécois au cinéma, ça vire à la catastrophe. Mais ma question ne visait pas que la question de l’accent…

Eye : Tout ça, ça fait partie du jeu et si on se limite à jouer que ce que l’on est, ce n’est plus du tout amusant.

Vidal Arzoni a été choisi pour être le jeune Arthur, cet enfant qui tombe sous le charme d’Angèle. C’est toujours étonnant de constater tout ce naturel chez les enfants acteurs.

Julien : Oui, aux États-Unis et en Angleterre, ils sont extraordinaires et possèdent une confiance en eux incroyable sur grand écran. En France, c’est moins évident de tomber sur des enfants convaincants. Vidal, lui, est Suisse et son père est artiste. Il avait déjà une certaine expérience devant la caméra pour avoir joué dans Pearl, un film réalisé par l’acteur Peter Mullan.

Julien, un réalisateur doit bien s’entourer et celle qui joue Hélène, la mère d’Arthur, c’est l’excellente Léa Drucker. En lisant sur elle, on s’aperçoit que vous la connaissez un peu et que le compositeur de la musique de votre long métrage, c’est Emmanuel Rambaldi qui ne vous est pas étranger? (NDLR : Léa est la compagne de Julien et Emmanuel, son frère).

Eye : On a travaillé en famille comme vous le constatez (rire).

Julien : Emmanuel a fait la musique de tous mes films et de façon générale, il vaut mieux s’entourer de gens en qui on a confiance. Et Léa travaille beaucoup, alors ce film nous donnait la chance de nous voir un peu plus, disons-le.

« Ces femmes deviennent rapidement une sorte de repère pour plusieurs enfants dont les parents sont séparés ou encore qui sont peu présents à la maison à cause du boulot. »

Hormis la musique instrumentale signée par votre frère, on peut entendre lors du générique de fin l’émouvante chanson La Tendresse de Bourvil. Expliquez-moi ce choix?

Julien : Parce que cette chanson symbolise à elle seule tout le film, soit cette tendresse qui lie Angèle et le petit Arthur. De cette tendresse qui devrait exister entre les parents et ces femmes qui s’occupent de leurs enfants, plutôt que de voir naître une relation employeur/employée.

En terminant, Eye, vous portez le film sur vos épaules, vous êtes presque de toutes les scènes, mais le titre Les Femmes du square est au pluriel. Ça m’apparaît important qu’il le soit.

Eye : Oui, c’est plus inclusif au pluriel et ça met en relief cette histoire de solidarité qui prend naissance dans ce film. Angèle, elle va réveiller ces femmes et puis le square, c’est un lieu de rendez-vous unique qu’on doit un peu sacraliser. Et donc le pluriel était de mise pour souligner tout ça. |

Cette entrevue a été réalisée dans le cadre des Rendez-vous du cinéma 2023 d’UniFrance.