Crédit photo : Lou Scramble
Qu’est-ce qui fait le succès d’un film ? Certes, il y a la vision créative du réalisateur, le jeu impeccable des acteurs, un scénario captivant, bien écrit… Mais, dans l’ombre, il y a aussi le travail du distributeur de films, qui se charge de sa diffusion et de sa promotion. Sans que vous vous en aperceviez, c’est parfois grâce à lui que vous découvrez quelques bijoux cinématographiques !
Le travail du distributeur va de l’achat des droits de commercialisation et d’exploitation jusqu’à la promotion et la diffusion. Un métier loin de la routine. « Ce n’est jamais la même chose d’une journée à l’autre ! Il peut y avoir des activités de représentation auprès de gens de l’industrie, des rencontres clients pour des négociations, des tempêtes d’idées pour déterminer une campagne, de la négociation pour acquérir des films et beaucoup plus », nous raconte Yoann Sauvageau, directeur chez TVA Films.
Si le succès ne dépend pas seulement du distributeur, il y a quand même une certaine pression sur ses épaules ! Selon Chantale Pagé, présidente et fondatrice de la compagnie de distribution Maison4tiers, ça fait partie du métier : « D’un côté, il y a ce que le réalisateur et le producteur vont nous livrer et, de notre côté, on doit mettre ça en marché et s’assurer de placer les éléments les plus vendeurs du film de l’avant. » « Il y a une blague dans le métier qui dit : “Si le film fonctionne, c’est parce que le film est bon, si le film ne fonctionne pas, c’est le distributeur qui a mal fait son travail !” » ajoute Yoann Sauvageau. « Sans blague, on ne vend pas Titanic et Avatar tous les jours. Pour chaque film, il faut évaluer le public et on doit choisir la publicité et faire nos démarches promotionnelles en fonction de ce public. »
Le succès d’un film se joue autant sur l’écran que dans les stratégies du distributeur.
Pour le distributeur, tout est pensé dans le moindre détail, jusqu’au choix de la date de sortie d’un film. Ce moment peut aller jusqu’à détruire un film ! « C’est une décision majeure pour un distributeur. Il faut regarder tout ce qui entre en jeu : la compétition des autres films, les événements culturels, événementiels, sportifs. Si les Canadiens ne font pas les séries, les gens sont plus disponibles. La météo joue aussi : une tempête de neige, c’est catastrophique ! L’hiver peut parfois être un problème. Il y a aussi le temps des fêtes, la relâche, où les gens sont plus disponibles, mais les cinémas, ils sont ouverts 365 jours par année. Parfois, des distributeurs osent des dates, et ça fonctionne », nous raconte Yoann Sauvageau. « On peut choisir une date et il n’y a pas de compétition, et lors de la sortie, plusieurs autres l’ont aussi choisie », ajoute Chantale Pagé. « Il y a beaucoup plus de films qui prennent l’affiche au Québec. On fait parfois des analyses approfondies sur quel type de film est sorti à quelle période, ceux qui ont le mieux performé. Mais, malgré toutes les analyses, on peut perdre notre weekend d’ouverture simplement à cause de la météo ! »
Lorsque vient le temps de choisir un film qu’il mettra dans son portfolio, chaque distributeur a sa ligne directrice et sa ligne éditoriale, nous explique Chantale Pagé : « Dans mon cas, on est plus dans une lignée où on veut faire découvrir des films au public. Il y a des films que je vois, je sais que ça peut intéresser un public, mais si ça ne me touche pas, ou ne touche pas mon équipe, je le laisse à d’autres. » Mais il y a quand même des incontournables à négocier : de grosses superproductions que plusieurs distributeurs veulent avoir et la concurrence est féroce ! Si c’est moins le mandat de Maison4tiers, ça fait partie du travail chez TVA Films : « Les agents de vente internationaux peuvent parfois vendre en package. Ils vont essayer d’accrocher un film plus difficile à vendre à un film plus populaire. L’international, c’est vraiment un libre marché et il peut même y avoir de la surenchère. C’est comme les maisons, ceux qui ne l’ont pas vont trouver que l’autre l’a payée trop cher, mais si tu as gagné la mise, tu es content ! »
Les relations font partie des clés du succès d’un distributeur. Sans avoir de contrats d’exclusivité, il peut y avoir des ententes à long terme entre des artisans et le distributeur. « J’ai plusieurs producteurs et réalisateurs avec qui je travaille depuis longtemps. Avoir des relations stables fait partie de la stratégie de la compagnie. Je pense par exemple à la relation que j’ai avec Sophie Deraspe. On a sorti son film Antigone en 2019, on a travaillé avec elle pour Berger l’an dernier, on va avoir un documentaire avec elle l’an prochain et on a un film qui est en financement en ce moment. On peut voir l’évolution en termes de création de l’auteur, mais aussi en termes de sortie. On évolue vraiment avec les créateurs », nous dit Chantale Pagé.
On parle beaucoup des sorties en salle de cinéma, mais le distributeur doit s’assurer que le film est vu par un maximum de gens, peu importe l’endroit. Bref, tout visionnement passe par les distributeurs. « Le travail du distributeur est de s’assurer qu’un maximum de gens voient le film, dans un maximum d’endroits possible. Ça commence par la salle de cinéma, mais aussi les plateformes de films en ligne, la télé… Même quand vous regardez un film dans un avion, dans un parc, ça passe par les distributeurs. Dans les écoles, les extraits dans les musées, les parcs l’été, c’est nous ! » précise Yoann Sauvageau.
Être distributeur, c’est aussi penser aux moindres détails, nous explique Yoann Sauvageau : « Le choix des acteurs sur une affiche est même pensé par les distributeurs. On se fait offrir ce qui existe, mais on a une latitude. Prenons, par exemple, le film C.R.A.Z.Y. Selon le pays, le look de l’affiche change. Ici, on pourrait aussi décider qu’un acteur québécois, qui a un rôle dans un film français, soit sur l’affiche lors de sa sortie au Québec. »
Les distributeurs réinventent toujours leurs pratiques et le métier évolue avec le 7e art et c’est tant mieux. Grâce à leur instinct, on peut continuer à faire de belles découvertes cinématographiques ! |

