|

Par

Entrevue avec Vincent Leclerc

CrĂ©dit photo : Tzara Maud

Vincent Leclerc a grandi dans la rĂ©gion de l’Outaouais. En 1995, il obtient un baccalaurĂ©at en théùtre de l’UniversitĂ© d’Ottawa. Il alterne des petits rĂŽles dans des productions amĂ©ricaines tournĂ©es au QuĂ©bec et des films et sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es d’ici. En 2010, il obtient son premier rĂŽle d’importance dans le long-mĂ©trage Piché : entre ciel et terre. En 2015, c’est la consĂ©cration alors qu’il incarne le cĂ©lĂšbre rĂŽle de SĂ©raphin Poudrier dans la reprise de la tĂ©lĂ©sĂ©rie Les Pays d’en haut, qui durera six saisons. RĂ©cemment, nous avons pu l’apercevoir en chef d’orchestre dans le film Les Jours heureux (2023) de ChloĂ© Robichaud. Dans Out Standing (Seule au front), il incarne le capitaine Pritchett, un tortionnaire qui fera vivre l’enfer Ă  une militaire.

À quand remonte cette envie de devenir acteur ?

Je n’ai pas de moment charniĂšre. Je dirais que c’était plutĂŽt un moment banal. J’avais fait des arts plastiques en secondaire 1. Quand je suis passĂ© de secondaire 1 Ă  la 9e annĂ©e dans une Ă©cole francophone du systĂšme ontarien, j’avais le choix d’un seul cours en option, soit arts plastiques, que j’avais adorĂ©, ou art dramatique. Je me souviens de ce moment Ă  la table de la salle Ă  dĂźner avec ma mĂšre (rire), oĂč on remplissait le formulaire au stylo. J’ai dit : « Je vais prendre arts plastiques dans le cours optionnel. » Puis, elle m’a rĂ©pondu : « Regarde, t’as pris arts plastiques en secondaire 1, pourquoi tu n’essaies pas l’art dramatique pour une session ? Si t’aimes pas ça, tu reprendras arts plastiques. » Et c’était coché ! Finalement, tout le reste a Ă©tĂ© art dramatique, théùtre, universitĂ© en théùtre (rire).

Vous avez parfois des rĂŽles dans des productions amĂ©ricaines tournĂ©es ici. Quelles impressions gardez-vous de ces expĂ©riences ?

En fait, j’aime beaucoup ça parce que, de un, les budgets sont diffĂ©rents. Mais ce n’est pas une question de salaire, c’est une question de libertĂ© et d’avoir le temps de faire les choses. J’aime aussi l’aspect « premiĂšre journĂ©e d’école ». AprĂšs 25 ans et plus de mĂ©tier, tu connais pas mal tout le monde sur les plateaux d’ici. J’exagĂšre (rire), mais tu reconnais plein de techniciens et il y a plein de collĂšgues que tu as dĂ©jĂ  croisĂ©s, que tu es content de retrouver. C’est le fun parce qu’il y a un confort, un petit sentiment de sĂ©curitĂ©. Mais, j’aime aussi le kick de « oh my God, je ne connais personne » ! Ça, c’est assez le fun. Puis, ça m’a permis de faire de la science-fiction, de l’horreur, du thriller, des films d’action. J’ai continuĂ© de pratiquer mon art et mon travail et de me dĂ©velopper Ă  travers ça. J’aimais beaucoup toujours pouvoir passer de l’un Ă  l’autre.

Quel souvenir gardez-vous de votre premier tournage au cinĂ©ma ?

Je ne me souviens pas de mon premier tournage au cinĂ©ma, mais de mon premier tournage point. C’était en Ontario. Il s’agissait d’une rĂ©trospective du théùtre franco-ontarien, une espĂšce de documentaire, mais qui Ă©tait constituĂ©e d’une scĂšne par Ɠuvre marquante du théùtre franco-ontarien, Ă  travers les annĂ©es. Puis, j’avais fait un extrait d’une piĂšce dont j’ai oubliĂ© le nom, mais je faisais un nĂ©onazi lĂ -dedans (rire). Je m’étais mĂȘme rasĂ© la tĂȘte (rire). C’était une scĂšne avec un acteur magnifique de l’Outaouais, Rock Castonguay. J’avais adorĂ© ça ! C’était vraiment mon premier tournage. J’ai dĂ©couvert les plans, la camĂ©ra, tout ça.

Votre premier rĂŽle d’importance au cinĂ©ma est arrivĂ© en 2010 pour le film Piché : entre ciel et terre. Comment Ă©tait-ce de jouer avec Michel CĂŽté ?

Je garde le souvenir d’un grand leader. Michel Ă©tait, je crois, le mĂȘme avec tout le monde. Il Ă©tait un homme hyper simple, professionnel, drĂŽle, qui mettait les gens Ă  l’aise. Ça m’a fait de la peine quand il est parti, Ă©videmment.

« Je commence Ă  avoir fait mon lot de personnages un petit peu plus durs (rire). Pritchett, on le voit comme un tortionnaire, ce qu’il a Ă©tĂ©, mais avec une dimension un peu plus grande que ça. Ça m’attire Ă©normĂ©ment ce genre de rĂŽle lĂ . »

Vous avez aussi tournĂ© dans La Chute de l’empire amĂ©ricain (2018) pour Denys Arcand. Comment avez-vous vĂ©cu cette rencontre ?

Je retiens avoir eu l’impression tout le temps d’ĂȘtre inscrit dans quelque chose qui Ă©tait un petit peu plus grand que moi (rire). Tourner avec Denys Arcand, c’est comme « OK, bucket list, cochĂ©e » ! C’est un gars super accessible. J’ai eu une grande libertĂ©. On a créé le rĂŽle ensemble. J’avais des suggestions des fois pour les scĂšnes. C’est Denys Arcand quand mĂȘme et, thĂ©oriquement, tu devrais prendre ton trou, mais ce n’est pas du tout ça. En fait, lui, je pense qu’il engage des collaborateurs. Puis de toute façon, je me suis rendu compte avec les annĂ©es que c’est un des aspects que j’aime le mieux de cet univers-lĂ , que ce soit le cinĂ©ma ou la tĂ©lé : la collaboration. Ce n’est pas une affaire d’égo, mais je n’aime pas ĂȘtre comme une marionnette vivante Ă  qui on dit « respire comme ça, dis ça, bouge là ». J’aime ça qu’on m’invite autour de la table pour prendre des dĂ©cisions artistiques sur la scĂšne. Cet aspect de collaboration lĂ , il Ă©tait trĂšs, trĂšs Ă©vident avec Denys.

Pour votre nouveau film Out Standing (Seule au front), est-ce que vous connaissiez l’histoire de Sandra Perron avant de lire le scĂ©nario ?

Absolument pas. Je me suis plongĂ© tout de suite dans le livre. J’ai Ă©tĂ© hyper touchĂ©, de un, par ce qui lui Ă©tait arrivĂ©. Ça n’a pas Ă©tĂ© facile, loin de lĂ , mais aussi par cet aspect constant qu’elle semblait avoir Ă  travers le processus : « Je suis la premiĂšre. Je le fais non seulement pour moi, mais je le fais surtout pour les autres qui vont me suivre. » Je trouvais ça trĂšs Ă©mouvant. Je me souviens d’avoir quand mĂȘme dĂ©posĂ© le livre quelques fois et d’ĂȘtre allĂ© chercher des Kleenex (rire). C’est un livre qui m’a beaucoup touchĂ©. Encore une fois, j’avais l’impression de participer Ă  quelque chose d’un petit peu plus grand. Ça m’a permis un peu de dĂ©couvrir l’armĂ©e. Il y a un sentiment de fraternitĂ©, de dĂ©fi, de dĂ©passement de soi, d’opportunitĂ© aussi dans des centaines de mĂ©tiers diffĂ©rents. Je suis content d’avoir vĂ©cu le film, oui, pour le travail d’acteur, mais je fais un peu ce mĂ©tier-lĂ  pour ça aussi. Ça nous permet de baigner dans plein de milieux diffĂ©rents. Je suis content d’ĂȘtre sorti de lĂ  avec un regard diffĂ©rent sur l’armĂ©e.

Qu’est-ce qui vous attirait dans le rîle du capitaine Pritchett ? Le plaisir de jouer quelque chose qui est complùtement loin de vous ?

Oui, effectivement, quoique je commence Ă  avoir fait mon lot de personnages un petit peu plus durs (rire). On le voit comme un tortionnaire, ce qu’il a Ă©tĂ©, mais avec une dimension un peu plus grande que ça. Ça m’attire Ă©normĂ©ment ce genre de rĂŽle lĂ , tout en demi-teintes qu’on pourrait catĂ©goriser rapidement comme Ă©tant le vilain de service, mais d’y ajouter des couches et de le rendre plus humain, pas pour l’excuser, mais bien pour l’expliquer, pour le dĂ©velopper.

Vous partagez une scĂšne trĂšs dure avec Nina Kiri, votre partenaire de jeu. Comment l’avez-vous abordĂ©e ensemble avec la rĂ©alisatrice, MĂ©lanie Charbonneau ?

Nina a eu des doublures pour certaines scĂšnes, mais celle de l’agression comme telle, le prisoner exercise, si je me souviens bien, c’était elle qui Ă©tait lĂ  tout le temps. On a montĂ© ça avec respect et comprĂ©hension, en discutant des limites de l’un et de l’autre tout en Ă©tablissant trĂšs, trĂšs clairement quels gestes nous allions faire. Il n’y a jamais d’impro lĂ -dedans. C’est une chorĂ©graphie que tu essaies de faire la plus vraie possible, mais tout en Ă©tant vraiment en contact avec ton ou ta partenaire pour que tout le monde sorte de lĂ  comme si c’était une autre journĂ©e de travail ordinaire.

Il s’agit du deuxiĂšme long-mĂ©trage de la cinĂ©aste MĂ©lanie Charbonneau. Quelles sont ses qualitĂ©s sur un plateau ?

Je l’ai trouvĂ©e hyper solide avec une joie de vivre et cette belle combinaison-lĂ  encore de prĂ©paration et d’ouverture que je trouve toujours trĂšs importante chez un rĂ©alisateur. Ç’a Ă©tĂ© un charme de travailler avec MĂ©lanie.  |

Le drame Out Standing (Seule au front) prend l’affiche le 26 septembre.