Crédit photo : Cyril Perrot-Botella
Sécurité, sécurité, sécurité ! C’est ce qu’un armurier de plateau a en tête constamment. Lorsque nous, les spectateurs, apprécions une scène d’action au grand écran, en amont, il y a un armurier qui s’est assuré que la scène soit filmée en toute sécurité.
« Que ce soit pour un figurant, l’acteur principal ou l’équipe de caméramans, s’il y a des coups de feu à filmer, il y a toujours un risque potentiel. Il faut s’assurer que les gens disposent des armes correctement. Lorsque l’on filme, on doit, entre autres, s’assurer que personne n’est dans la trajectoire de l’arme. C’est beaucoup un travail de logistique », nous mentionne Brent Radford, armurier principal de plateau, qui a travaillé autant sur des productions à Los Angeles qu’ici au Québec.
Il travaille d’ailleurs avec une équipe en qui il a une confiance absolue quant à sa vigilance et ses connaissances et il ne laisse jamais une arme sans surveillance sur un plateau. « On s’assure que, lorsque la scène est filmée, tout fonctionne comme le veut le réalisateur et que personne ne peut être blessé. Une fois la scène terminée, on ne laisse pas les acteurs partir comme ça en pause. On leur mentionne qu’après leur scène, ils doivent rester en place, on doit prendre l’arme, la nettoyer et la mettre dans un endroit sécuritaire. Mon équipe et moi nous assurons qu’en tout temps, personne ne puisse partir avec une arme chargée. » Avec un armurier, on se rend vite compte que, lorsqu’il travaille, il n’y a jamais de pause ! Son équipe et lui s’assurent qu’il y a constamment quelqu’un qui a les yeux sur les armes de plateau. Si l’armurier principal doit aller aux toilettes, ou doit parler de la logistique de la scène au réalisateur, un autre armurier s’assure de les avoir toujours à vue.
Lors de notre discussion, il a été difficile de ne pas aborder la tragédie du film Rust, où l’acteur Alec Baldwin a accidentellement atteint mortellement la directrice de la photographie, Halyna Hutchins, et blessé le réalisateur Joel Souza lors du tournage. Un drame qui a malheureusement terni la profession d’armurier. « C’est un emploi dangereux, mais si les réalisateurs engagent les bonnes personnes, c’est sécuritaire. Les réalisateurs ont maintenant très peur d’aller en prison en cas d’accident ! Peu de temps après mes débuts dans le métier, il y a eu l’incident du film The Crow qui a tué l’acteur Brandon Lee. J’ai plus de vingt ans d’expérience, j’ai travaillé sur des plateaux à Los Angeles, Vancouver et au Québec, et des professionnels comme moi, nous nous assurons que personne ne soit en danger. »
Un bon armurier, c’est la garantie qu’une scène d’action ne tourne jamais au drame.
À la suite de la tragédie survenue en 2021, plusieurs personnalités du monde cinématographique et politique se sont levées pour demander à ce que les armes soient remplacées par des répliques et que les éclairs de départ soient réalisés par des effets spéciaux en postproduction. Dwayne Johnson, connu surtout pour ses films d’action, a même déclaré que sa compagnie de production n’allait plus utiliser de vraies armes à feu. Pour Brent Radford, la discussion et l’information restent la clé : « Avant le tournage, je valide les scènes avec le réalisateur et on décide si on prend une arme en plastique ou une vraie. Il m’est arrivé justement de former une actrice pour un film, on est allés dans un centre de tir, tout allait bien, mais sur le plateau, on m’a demandé de lui remettre une arme de synthèse. Elle s’est mise à faire des choses étranges avec le fusil en plastique et ça ne fonctionnait pas du tout. Pour elle, ce n’était plus dangereux, elle n’agissait plus pareil avec l’arme. Même s’il m’arrive d’utiliser des armes de plastique, parfois, les acteurs ont besoin de sentir le vrai poids. Il faut dire aussi que, lorsqu’on doit recharger un fusil à l’écran, les armes de plastique n’ont pas le même look. »
La formation d’armurier n’est pas linéaire, nous explique celui qui a étudié en production cinématographique à l’Université Concordia. « J’ai débuté en travaillant avec des équipes d’effets spéciaux, et c’est là que j’ai rencontré mon premier mentor qui m’a initié aux armes de plateau et m’a appris beaucoup sur le métier. Ma véritable première expérience fut sur le film The Jackal avec Bruce Willis, qui a été tourné en partie à Montréal. Ils avaient besoin d’un professionnel local pour travailler sur le film avec l’armurier d’Hollywood. Suite à cette expérience, j’ai eu une offre de sa part pour aller travailler à Los Angeles ! Aujourd’hui, mon partenaire de travail est un ancien cascadeur. Il comprend l’important professionnalisme à avoir sur un plateau, la façon dont on doit manipuler les armes pour, justement, éviter un accident comme celui du film Rust. On doit en tout temps faire attention à l’environnement où on travaille, que ce soit dans un studio ou un tournage de rue. »
Une chose qui distingue les plateaux américains de ceux canadiens, c’est le rapport face aux armes à feu. Au Canada, la possession est réglementée par la Loi sur les armes à feu et le Code criminel et, aux chez nos voisins, c’est une autre histoire ! « Comme aux États-Unis, les gens peuvent avoir des armes et connaissent les armes, on doit avertir tous les travailleurs de plateau de laisser leurs armes dans leur voiture. On ne veut pas que leurs fusils puissent se mélanger aux nôtres. C’est le genre de chose que je ne vois pas sur un plateau au Canada ! Mais il y a toujours un côté intrigant à notre métier. J’ai déjà averti Channing Tatum, Bruce Willis et d’autres acteurs de renom de ne pas toucher aux armes, que c’est moi qui allais leur remettre, une fois que je me serais assuré de leur sécurité », nous précise Brent Radford. « La force de la poudre noire, même avec une munition à blanc, c’est assez pour blesser quelqu’un qui est trop près. On doit toujours être vigilant et s’assurer que personne ne soit blessé. »
Comme vous pouvez le constater, la sécurité, c’est ce qui est toujours prioritaire. Parce qu’en fin de compte, on veut que le réalisateur ait la scène qu’il désire et qu’ensuite, les spectateurs aient le meilleur film possible ! |