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Entrevue avec Emmanuel Courcol et Pierre Lottin

CrĂ©dit photo : Unifrance / Philippe Quaisse

Entrevue avec le rĂ©alisateur Emmanuel Courcol et l’acteur Pierre Lottin pour la sortie du film En fanfare.

Depuis qu’il a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© en avant-premiĂšre au Festival de Cannes 2024, En fanfare, le nouveau film d’Emmanuel Courcol, sĂ©duit tant les critiques que les spectateurs. Sorti fin novembre en France, il a cumulĂ© 2 millions d’entrĂ©es au box-office en plus d’avoir rĂ©coltĂ© 7 nominations aux CĂ©sar, dont celui du meilleur film. MonCinĂ© s’est entretenu avec le coscĂ©nariste et rĂ©alisateur Emmanuel Courcol et le comĂ©dien Pierre Lottin.

En fanfare s’inspire d’un autre scĂ©nario qui Ă©tait passĂ© entre vos mains. En quoi avez-vous fait Ă©voluer son intrigue pour en arriver Ă  votre film ?

Emmanuel Courcol : C’était un scĂ©nario qui racontait l’histoire d’une jeune femme qui voulait devenir majorette. Voyez que ç’a beaucoup bougĂ© (rire). Ce qui m’intĂ©ressait, c’était la partie musicale avec les orchestres. J’étais allĂ© une journĂ©e rencontrer des membres d’une fanfare en rĂ©gion et ça m’avait vraiment beaucoup touchĂ©, moi venant du monde du cinĂ©ma de Paris. Je m’étais donc dit qu’il pourrait ĂȘtre intĂ©ressant de confronter ces univers-lĂ , mais en restant dans le milieu musical et son opposĂ© avec les grands orchestres et l’élite musicale. C’est comme ça que l’idĂ©e a fait son chemin jusqu’à la rencontre entre deux frĂšres, l’un issu d’un milieu modeste avec peu d’horizon et l’autre inconnu qui a eu toute la chance de son cĂŽtĂ©. Le choc des contrastes est toujours intĂ©ressant pour faire de la comĂ©die. Par goĂ»t, j’avais envie de parler de musique, car elle fait partie de ma vie, mĂȘme si je ne suis pas musicien. La musique permet aussi d’exprimer des Ă©motions en se passant de mots.

Votre film mĂ©lange la comĂ©die et le drame. C’était important pour vous d’aborder des thĂšmes plus sĂ©rieux ?

Emmanuel : À priori, c’est une figure de comĂ©die assez classique entre deux personnages qui n’ont rien Ă  voir ensemble. LĂ , effectivement, l’ambition Ă©tait de parler de choses plus profondes, notamment de ce dĂ©terminisme social.

Le rĂŽle de Jimmy a Ă©tĂ© Ă©crit pour Pierre Lottin. Il s’agit de votre deuxiĂšme collaboration aprĂšs Un triomphe (2020). Qu’aimez-vous chez lui en tant qu’acteur ?

Emmanuel : J’ai dĂ©couvert Pierre sur Un triomphe et j’aime sa façon d’incarner un personnage avec toujours de l’originalitĂ©. DĂšs l’écriture, ma coscĂ©nariste, IrĂšne, et moi avons pensĂ© Ă  lui. Il inspirait vraiment l’écriture du rĂŽle. Benjamin est arrivĂ© plus tard quand on a cherchĂ© le frĂšre, ce qui a Ă©tĂ© assez compliquĂ© d’ailleurs. Au dĂ©part, c’était le petit frĂšre, le chef d’orchestre. Il devait ĂȘtre plus jeune que Pierre, mais on n’arrivait pas Ă  trouver l’acteur qui cadrait avec ce que l’on cherchait. On a donc fait le changement et c’est comme ça que je suis tombĂ© sur Benjamin (rire). Il Ă©tait tellement Ă©vident dans le rĂŽle (rire) ! En plus, il y a eu cette chance que la chimie se fasse entre les deux sur le plan humain, oĂč tout d’un coup j’avais l’impression de reproduire en vrai ce qui se passait dans le film. Ils sont deux types qui viennent d’écoles et de milieux totalement diffĂ©rents sur le plan social, mais ils avaient un plaisir fou Ă  travailler ensemble. C’était trĂšs agrĂ©able Ă  voir.

Et vous, Pierre ? Qu’apprĂ©ciez-vous chez Emmanuel comme rĂ©alisateur ?

Pierre Lottin : Il ne laisse rien au hasard, mais tout en laissant vivre les choses. Ça demande une certaine habiletĂ©. Il n’y a pas d’égo. C’est ce que j’aime bien chez lui.

Vous jouez encore une fois un marginal. Ça vous plaüt comme rîle ?

Pierre : Je suis marginal (rire) ! Je dois dĂ©gager quelque chose comme ça, mĂȘme si, au fond, je suis un petit poĂšte sensible (rire). Je pense que si je joue souvent les marginaux, c’est Ă  cause d’un court mĂ©trage dans lequel je me suis fais remarquer il y a une dizaine d’annĂ©es et, du coup, on m’appelle pour ça (rire).

Comment s’est passĂ©e pour vous cette rencontre avec Benjamin ?

Pierre : On se comprenait. On se renvoyait la balle. Il n’y avait pas d’égo. Nous Ă©tions vraiment complices.

« D’abord, il y a eu un dĂ©fi d’écriture d’éviter les clichĂ©s. Le second dĂ©fi Ă©tait sur le plan musical : comment choisir les Ɠuvres afin qu’elles aient du sens, qu’elles viennent nous raconter quelque chose. »

– Emmanuel Courcol

Emmanuel, quels Ă©taient les dĂ©fis comme rĂ©alisateur sur ce film ?

Emmanuel : D’abord, il y a eu un dĂ©fi d’écriture d’éviter les clichĂ©s. Je voulais toujours surprendre et ne pas foncer dans les facilitĂ©s. Le second dĂ©fi Ă©tait sur le plan musical : comment choisir les Ɠuvres afin qu’elles aient du sens, qu’elles viennent nous raconter quelque chose. Et, sur le tournage, comment faire vivre cette musique de façon trĂšs crĂ©dible. Benjamin a travaillĂ© de façon trĂšs prĂ©cise avec un chef d’orchestre. Il dirigeait vraiment ! En ce qui concerne la fanfare, on a travaillĂ© rapidement avec une harmonie. Je voulais que ce soit authentique, avec un cĂŽtĂ© presque documentaire. Dans le film, il n’y a donc que huit rĂŽles d’acteurs professionnels qui se sont intĂ©grĂ©s Ă  la fanfare, qui sont tous musiciens et qui jouent rĂ©ellement avec eux. Le casting a Ă©tĂ© fait en fonction des capacitĂ©s musicales des acteurs.

Pierre, vous ĂȘtes musicien. Était-ce difficile d’apprendre le trombone ?

Pierre : À maĂźtriser, non. Mais pour faire une belle note, oui. J’ai pris trois mois. J’ai quand mĂȘme Ă©tĂ© doublĂ© le quart du temps. Quand ce sont les plans de la fanfare, ça va, mais pour la partie plus classique, c’était plus galĂšre. Je le jouais, mais ce n’était pas pareil (rire) !

Emmanuel, vous rĂ©alisez vos propres scĂ©narios. Sur le plateau, Ă  quel point ĂȘtes-vous mĂ©ticuleux quant au respect de votre Ă©criture ?

Emmanuel : Je suis trĂšs perfectionniste dans l’écriture, mais, par contre, je laisse toujours place Ă  un espace d’improvisation, ou plutĂŽt Ă  une appropriation du texte par les acteurs. Ce que je cherche, c’est la vĂ©ritĂ©, la spontanĂ©itĂ©.

Pour l’émouvante sĂ©quence finale, avez-vous tournĂ© la scĂšne avec la musique jouĂ©e en direct ou c’est la magie du cinĂ©ma ?

Emmanuel : Ç’a Ă©tĂ© trĂšs compliquĂ© Ă  faire. Il a fallu trois jours de tournage avec l’orchestre et le public qui se dĂ©plaçait, parce qu’on n’avait pas rempli la salle au complet Ă©videmment. Tout a Ă©tĂ© fait en fonction des axes de la camĂ©ra. On a enregistrĂ© en direct, mais il y a un mĂ©lange qui a Ă©tĂ© fait en postproduction dont je ne pourrais plus vous dire le cocktail (rire).

Votre film reçoit un accueil chaleureux, avec 7 nominations aux CĂ©sar et 2 millions d’entrĂ©es aux guichets en France. Comment recevez-vous ça en tant que cinĂ©aste ?

Emmanuel : C’est trĂšs touchant Ă  plein de points de vue. D’abord, sur le plan de la rĂ©ussite et de la reconnaissance, mais aussi des retours trĂšs personnels et Ă©mouvants de gens qui me disent que ce film leur a fait du bien. Il y a aussi une fonction sociale au film qui dĂ©passe la reconnaissance des CĂ©sar. Quand un film est utile, ça, c’est une grande satisfaction.

Pierre : On a vraiment fait un film sans prĂ©tention et on n’y a mis que de belles choses. |

La comĂ©die dramatique En fanfare est prĂ©sentement Ă  l’affiche.