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Entrevue avec Tahar Rahim

CrĂ©dit photo : Thomas LainsĂ© / Unifrance

Entrevue avec l’acteur Tahar Rahim pour la sortie du film Monsieur Aznavour.

Acteur franco-algĂ©rien, Tahar Rahim s’est fait dĂ©couvrir par le grand public avec le film Un prophĂšte de Jacques Audiard, pour lequel il s’est vu dĂ©cerner le CĂ©sar du meilleur acteur en 2010. Depuis, il enchaĂźne des rĂŽles en France comme Ă  l’international. En 2021, il incarne le gourou Charles Sobhraj dans la minisĂ©rie Le Serpent qui remporte un succĂšs planĂ©taire. Pour son plus rĂ©cent rĂŽle, celui du lĂ©gendaire Charles Aznavour, Rahim a dĂ» apprendre Ă  chanter alors qu’il interprĂšte les chansons de l’artiste Ă  l’écran. À l’occasion de la sortie du film Monsieur Aznavour, MonCinĂ© a eu l’occasion de s’entretenir avec le prolifique comĂ©dien.

Comment avez-vous reçu la proposition d’incarner ce monument qu’est Charles Aznavour ?

D’abord, il faut dire que j’ai un rapport quasi fraternel avec Jean-Rachid Kallouche, le producteur du film. Je connais aussi trĂšs bien les chansons de Grand Corps Malade et les films de Mehdi Idir (aussi les rĂ©alisateurs du film). On parle souvent de nos mĂ©tiers ensemble. Je savais trĂšs bien qu’ils prĂ©paraient ce film sur la vie d’Aznavour. Il faut savoir que sans Fabien (Grand Corps Malade), il n’y a pas de film. Son producteur musical est Jean-Rachid Kallouche, le gendre d’Aznavour. C’est donc Charles lui-mĂȘme qui avait choisi Fabien pour s’occuper du film de sa vie, si jamais ça se faisait un jour. En discutant du projet, je leur ai suggĂ©rĂ© d’aller peut-ĂȘtre en ArmĂ©nie trouver un acteur pour jouer Aznavour ou d’aller au conservatoire prendre un inconnu. On jasait entre copains qui Ă©voluent dans le mĂ©tier. Puis un jour, le directeur de casting annonce Ă  Fabien et Mehdi qu’il croit bien avoir trouvĂ© qui allait interprĂ©ter Charles. Il leur parle de moi et ils acceptent de m’offrir le rĂŽle. Quand j’ai reçu la proposition, la surprise Ă©tait telle qu’elle m’a presque poussĂ© Ă  dire non (rire). En premier, je n’ai aucun point en commun avec lui. Si eux n’y avaient pas pensĂ©, moi encore moins (rire) ! Mais j’ai quand mĂȘme passĂ© le week-end Ă  considĂ©rer la question. DĂ©jĂ , ce sont mes amis et je les connais bien. J’ai donc regardĂ© beaucoup de choses Ă  propos d’Aznavour, et, Ă  un moment, je suis tombĂ© sous son charme. Puis, le goĂ»t du challenge a pris le dessus. Je les ai donc appelĂ©s le lundi en leur disant que je pourrais peut-ĂȘtre le faire, mais qu’il faudrait travailler Ă©normĂ©ment. Soudainement, j’ai vu l’Himalaya devant moi (rire). Je me suis dit que j’avais six mois pour le gravir. C’est lĂ  que j’ai travaillĂ© profondĂ©ment.

« Quand j’ai reçu la proposition du rĂŽle, la surprise Ă©tait telle qu’elle m’a presque poussĂ© Ă  dire non (rire). En premier, je n’ai aucun point en commun avec lui. Si eux (les rĂ©alisateurs) n’y avaient pas pensĂ©, moi encore moins (rire) ! »

Justement, quel a Ă©tĂ© pour vous tout ce processus de prĂ©paration ? Chantiez-vous dĂ©jĂ  Ă  l’origine ?

En fait, au dĂ©but, je disais non pendant les interviews. C’est clair que je ne suis pas chanteur, mais j’avais oubliĂ© que j’avais dĂ©jĂ  eu des expĂ©riences musicales auparavant au cinĂ©ma. Ma premiĂšre expĂ©rience avait Ă©tĂ© sur le film RĂ©parer les vivants (2016) de Katherine QuillĂ©vĂ©rĂ©. Je devais chanter un morceau lyrique, mais j’étais tellement naze que ce n’est pas restĂ© dans le film (rire). Ensuite, avec le film Don Juan (2022), le rĂ©alisateur Serge Bozon m’a dit que ce serait un film musical dans lequel j’aurais Ă  chanter a capella trois chansons en direct sur le plateau. Donc, je n’avais pas un bagage vide. Mais de lĂ  Ă  chanter des passages des chansons d’Aznavour, non. Par contre, je voulais absolument les chanter pour une raison de vĂ©ritĂ©. Je veux que toutes les rĂ©actions physiologiques d’un chanteur qui s’enchaĂźnent sur scĂšne se voient, parce que s’il y a du playback, ça se voit Ă  l’image. Ensuite, quand on chante Charles, il faut sentir le rythme dans son corps parce que sa gestuelle ne s’invente pas. Donc je voulais ça. On avait quand mĂȘme un sosie vocal, mais mon coach m’a dit : « Je pense que tu peux le faire. » On en a donc parlĂ© avec Fabien et Mehdi qui, eux, espĂ©raient en secret que je le tente. Je mets donc les bouchĂ©es doubles et je m’entraĂźne vocalement pendant six mois Ă  raison de huit heures par semaine. Et pendant le tournage aussi, les soirs, je continue le piano et le chant. À la fin du tournage, on me dit qu’il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. « La bonne est que tout est bon, que c’est toi qui chanteras dans le film. La mauvaise est que tu t’es tellement amĂ©liorĂ© que maintenant il va falloir rechanter tout (rire). » Donc, aprĂšs le tournage, je refais un passage en studio. C’est lĂ  que je ne suis pas un chanteur. C’est un tout autre mĂ©tier pour lequel j’ai encore plus de respect maintenant. Il faut arrĂȘter de croire que parce qu’on a chantĂ© dans un film, on est chanteur (rire). Le travail que j’ai dĂ» abattre pour seulement faire ça, c’est beaucoup trop titanesque pour que j’y retourne (rire) ! Pour le reste, je peux rĂ©sumer ça Ă  ĂȘtre dans un laboratoire avec un microscope oĂč j’observe toutes les vidĂ©os possibles et les documents Ă©crits sur Charles. Parfois, pour mes rĂŽles, je vais travailler avec une psy. Avec l’accord de Fabien et Mehdi, j’ai travaillĂ© avec elle sur le scĂ©nario, ce qui nous a permis de prendre des dĂ©cisions sur comment crĂ©er le Charles intime. Quand sa famille nous a donnĂ© accĂšs Ă  des documents inĂ©dits et des tĂ©moignages de sa part, nous avons compris que nous allions dans la bonne direction. Ç’a Ă©tĂ© capital, car sans ça, on ne peut pas faire le film avec le Charles comme on le voit.

Quelle a Ă©tĂ© la clĂ© physique pour trouver l’essence du personnage ?

Les coudes (rire) ! Chez lui, tout part des coudes. Mais c’est de l’observation. C’est de trouver la position physique qu’il avait avec ses Ă©paules un peu par en avant et les coudes en l’air.

Vous partagez une belle chimie avec la comĂ©dienne Marie-Julie Baup qui interprĂšte Édith Piaf. Comment s’est dĂ©roulĂ©e cette complicitĂ© sur le tournage ?

Elle est super ! D’abord, Marie-Julie est une grande actrice de thĂ©Ăątre que je ne trouve pas assez exploitĂ©e au cinĂ©ma. J’espĂšre que ça va changer. Ça s’est trĂšs bien passĂ© parce qu’elle faisait son boulot concentrĂ© comme moi. Donc tout de suite la relation s’est bien installĂ©e. Elle avait tout compris de son personnage. Il faut vraiment ĂȘtre courageuse pour passer derriĂšre Marion Cotillard et ramener une Piaf qui soit diffĂ©rente. Je ne les compare pas, mais elle a rĂ©ussi Ă  amener quelque chose qui est sien et qui est inspirĂ© de la Piaf de Charles.

À quel point est-ce impressionnant pour un comĂ©dien d’évoluer dans ces diffĂ©rents dĂ©cors historiques ? Lequel vous a le plus impressionné ?

Je dirais la scĂšne de la libĂ©ration. C’était un plan sĂ©quence extrĂȘmement difficile Ă  construire. La camĂ©ra dĂ©marre avec nous dans l’appartement et elle descend avec nous dans la rue pour ensuite passer dans une grue pour continuer Ă  nous suivre tout en rĂ©vĂ©lant les chars et les drapeaux avec l’effervescence de la libĂ©ration jouĂ©e par plusieurs centaines de figurants en habits d’époque. Ça, c’était un moment trĂšs fou !

Pour terminer, quelle scĂšne a Ă©tĂ© la plus Ă©mouvante Ă  jouer ?

C’est le moment oĂč Charles marche avec son pĂšre et qu’il lui remet une enveloppe avec de l’argent dans la poche. C’est un moment trĂšs beau et, pour moi, trĂšs important qui raconte qui Charles Ă©tait et son rapport Ă  sa famille. |

Le drame biographique Monsieur Aznavour est prĂ©sentement Ă  l’affiche.