Crédit photo : Julie Delsile
RKSS sont les initiales de Roadkill Superstars, un collectif de cinĂ©astes quĂ©bĂ©cois qui se spĂ©cialisent dans le cinĂ©ma de genre. Amis depuis leur jeunesse, François Simard et le duo frĂšre et sĆur de Yohann-Karl et dâAnouk Whissell forment un trio qui a laissĂ© sa marque dans le milieu du court mĂ©trage au cours des annĂ©es 2000. En 2015, ils signent leur premier long mĂ©trage, Turbo Kid, qui se distingue au prestigieux festival du film de Sundance. AprĂšs Summer of 84 (LâĂ©tĂ© de 84) en 2018, la comĂ©die dâhorreur We Are Zombies (Nous, les zombies) est leur troisiĂšme long mĂ©trage.
Comment en ĂȘtes-vous venus Ă travailler sur ce projet? Connaissiez-vous la BD Les Zombies qui ont mangĂ© le monde avant dây ĂȘtre impliquĂ©s?
Yoann-Karl : Ce sont les producteurs du film qui nous ont approchĂ©s. Nous sommes fans de BD, mais nous ne connaissions pas celle-lĂ . Quand on a appris quâelle Ă©tait Ă©crite par Jerry Frissen et dessinĂ©e par le lĂ©gendaire Guy Davis, ça nous a intĂ©ressĂ©s en partant. DĂšs quâon lâa enfin lue, on a vu que ça fittait avec nous. On est tombĂ©s en amour avec la BD et câest certain quâon a voulu embarquer dans le projet.
François : Il faut dire quâon a Ă©tĂ© contactĂ©s en 2014 pendant que nous Ă©tions en postproduction de notre film Turbo Kid. Contrairement Ă ce dernier, oĂč tout sâest dĂ©roulĂ© rapidement, We Are Zombies a pris pratiquement dix ans Ă faire. On a donc eu la BD avec nous pendant dix ans (rire)!
Comment les producteurs vous avaient-ils dĂ©couverts Ă lâĂ©poque si votre premier long mĂ©trage nâĂ©tait pas encore sorti en salle?
Anouk : Ils étaient familiers avec nos courts métrages. Ils avaient remarqué notre parcours dans les festivals.
François : Ils nous avaient demandĂ© un lien pour voir Turbo Kid juste pour sâassurer que nous Ă©tions capables de faire le film (rire).
Quâest-ce qui a Ă©tĂ© lâorigine de ce si long dĂ©lai pour produire We Are Zombies?
Yoann-Karl : Un concours de circonstances. En fait, on a eu le feu vert pour tourner Summer of 84 juste avant dâobtenir celui de We Are Zombies, qui a donc Ă©tĂ© repoussĂ©. Par contre, cette situation a fait que le financement du film a dĂ» ĂȘtre recommencĂ©. Tout ça est un processus assez compliquĂ© et, finalement, chaque film indĂ©pendant est un petit miracle (rire). Câest vraiment un mĂ©lange de chance et de timing, câest ĂȘtre Ă la bonne place au bon moment.
Quels Ă©taient les dĂ©fis dâadapter la BD en scĂ©nario de film?
Yoann-Karl : Ce qui Ă©tait important pour nous, câest que les crĂ©ateurs de la BD, Jerry Frissen et Guy Davis, soient contents de notre scĂ©nario, mĂȘme sâils nous avaient donnĂ© carte blanche. On a gardĂ© des Ă©lĂ©ments de la BD, mais on a aussi amenĂ© beaucoup de nous. Câest donc un bon mĂ©lange des deux. Jerry Frissen Ă©tait vraiment content du scĂ©nario. Il Ă©tait mĂȘme jaloux de certains de nos gags (rire).
François : On voulait trouver le bon Ă©quilibre entre [respecter] la « source dâorigine » et nous approprier le film et y mettre notre style. La BD comporte plein de petites histoires, donc on a pigĂ© un peu dans chacune dâelles pour en faire une seule cohĂ©rente. Aussi, dans la BD, les personnages sont assez trash. On a fait un petit travail pour les rendre plus aimables (rire). Oui, ça demeure des losers, mais sympathiques (rire). On a mis beaucoup de nous dans ces personnages-lĂ (rire)!
Anouk : Un autre aspect qui a Ă©tĂ© complexe Ă adapter, câest que lâhistoire de la BD se passe dans le futur. On peut mĂȘme y voir des voitures volantes! On devait avoir une approche plus rĂ©aliste et [on devait donner au film] un cĂŽtĂ© plus rĂ©trofuturiste. Aussi, il y a beaucoup de zombies dans la BD. Il fallait rendre cet univers faisable avec le budget quâon avait. Donc, mĂȘme au niveau de lâĂ©criture, il fallait penser à ça.
Il existe tellement de films de zombies. Comment cherche-t-on à se différencier des autres productions?
Anouk : GrĂące Ă la crĂ©ativitĂ©. Dâune part, celle de lâĂ©quipe de maquilleurs. Dâautre part, la nĂŽtre aussi, par notre mise en scĂšne. Il fallait vraiment faire en sorte que le nombre de zombies quâon avait le droit de mettre Ă lâĂ©cran avec notre budget soit le plus payant possible. On avait donc conçu diffĂ©rents niveaux de zombies avant mĂȘme de tourner : des « un », des « deux » et des « trois » avec diffĂ©rents stades de pourriture. Câest comme ça quâon a rĂ©ussi Ă Ă©quilibrer le budget. Et, visuellement, on voulait aussi rendre hommage au travail de Guy Davis dans la reprĂ©sentation des zombies.
François : Je pense que ce qui diffĂ©rencie aussi cette histoire, câest quâelle possĂšde un angle que je nâai jamais vu : les zombies ne sont pas une menace pour les humains. On trouvait cette voie vraiment unique et originale.
Le mégazombie dans la derniÚre portion du film est assez impressionnant. Quelle a été la genÚse de sa création?
Yoann-Karl : Dâabord, le comĂ©dien qui lâincarne est vraiment grand. Câest un vrai gentle giant. Pour le design, on a travaillĂ© avec Guy Davis. On a fait quelques rencontres Zoom avec lui, et câĂ©tait intense, parce que câest une de nos idoles. On essayait dâĂȘtre professionnels, mais en dedans on se disait : « Oh my God! Oh my God! Câest Guy Davis. » (rire) CâĂ©tait vraiment incroyable de travailler avec lui. Il fait aussi des designs de crĂ©atures pour Guillermo del Toro! Donc, notre collaboration avec quelquâun qui travaille avec del Toro, câĂ©tait un moment vraiment spĂ©cial et fort de notre carriĂšre. AprĂšs avoir pris des notes, il devait nous renvoyer le tout en deux jours. Nous pensions que ce serait des croquis. Mais non, câĂ©tait des dessins complets avec des personnages sous diffĂ©rents angles. CâĂ©tait tellement beau! AprĂšs nos suggestions, il a incorporĂ© des Ă©lĂ©ments des diffĂ©rents dessins pour la version finale. Il avait mĂȘme conceptualisĂ© comment le ou les comĂ©diens pourraient ĂȘtre placĂ©s Ă lâintĂ©rieur.
Anouk : Au dĂ©part, il y avait une idĂ©e de peut-ĂȘtre mettre deux comĂ©diens dans le costume, mais, finalement, on ne pouvait pas se le permettre.
Vous ĂȘtes trois Ă rĂ©aliser vos films. Comment fonctionnez-vous sur un plateau?
Karl-Yoann : En partant, on est des amis, ça aide (rire). Et, dans notre cas, câest beaucoup plus facile dâĂȘtre trois pour rĂ©gler les problĂšmes. Puisquâon fait du cinĂ©ma indĂ©pendant et Ă petit budget, nous sĂ©parer en trois nous permet de couvrir beaucoup plus de territoire si on veut (rire). On peut faire plus en moins de temps.
Anouk : On a commencĂ© comme ça dans le court mĂ©trage, Ă trois, et çâa juste Ă©voluĂ©.
François : Yohann-Karl sâoccupe plus des acteurs. Moi, du montage. Je suis donc plus derriĂšre le moniteur avec mes storyboards. Je mâassure quâon a tous les plans dont on aura besoin. Anouk aussi est avec moi. Elle sâoccupe de tous les dĂ©partements. Mais, si quelquâun nous pose une question, il va toujours recevoir la mĂȘme rĂ©ponse, peu importe qui la donne. On sâassure dâĂȘtre sur la mĂȘme longueur dâonde pour Ă©viter les confusions et la perte de temps.
Yohann-Karl : On est tous derriÚre le moniteur et on se fait des petites réunions de quelques secondes. AprÚs, chacun part dans sa direction. Mais, ça sécurise tout le monde, autant les comédiens que le directeur photo, que les équipes techniques, de savoir que tous peuvent compter sur une personne qui se consacrera à eux, qui répondra à toutes leurs interrogations.
Comment sâest dĂ©roulĂ© le casting des comĂ©diens principaux?
Yohann-Karl : On a passĂ© des auditions et les comĂ©diens quâon a choisis Ă©taient juste parfaits pour leurs rĂŽles.
François : CâĂ©tait important quâon ressente leur chimie et, depuis, ils sont devenus amis dans la vie. Ils se sont tenus ensemble durant la prĂ©production. Quand est venu le temps de tourner, on sâapercevait que leurs relations Ă©taient naturelles. On voyait quâils avaient du plaisir. Ăa se sent Ă lâĂ©cran.
On retrouve Ă©galement quelques acteurs quĂ©bĂ©cois francophones dans le film. Ătait-ce important pour vous?
Yohann-Karl : On a Ă©tĂ© trĂšs chanceux dâavoir des Guy Nadon, StĂ©phane Demers et Vincent Leclerc qui se sont laissĂ© aller dans le dĂ©lire, qui ont embarquĂ© dans notre folie.
Anouk : Oui! Ils Ă©taient vraiment heureux dâĂȘtre lĂ . Ils amenaient une belle Ă©nergie.
François : Au QuĂ©bec, le cinĂ©ma de genre est encore un peu perçu de haut, mais heureusement, câest en train de changer. Dans notre cas, je pense quâon a fait nos preuves avec Turbo Kid. Le monde a le goĂ»t dâembarquer dans notre trip. On est vraiment chanceux de faire des films de genre avec des comĂ©diens comme eux.
Anouk : CâĂ©tait vraiment agrĂ©able de travailler avec tout le monde sur lâĂ©quipe.
OĂč en ĂȘtes-vous sur votre projet de suite Ă Turbo Kid?
Yohann-Karl : On veut tous une suite, mais les projets sâempilent (rire). Mais oui, on veut le faire plus tĂŽt que plus tard.
François : En ce moment, on retravaille le scĂ©nario et, avec un peu de chance, ça sera peut-ĂȘtre le prochain! |
La comĂ©die dâhorreur We Are Zombies (Nous, les zombies) est prĂ©sentement Ă lâaffiche.