CrĂ©dit photo : Philippe Quaisse – Unifrance
Entrevue avec le réalisateur Guillaume Maidatchevsky pour la sortie du film Kina et Yuk : Renards de la banquise
Biologiste de formation, Guillaume Maidatchevsky sâintĂ©resse au cinĂ©ma par la rĂ©alisation de films Ă portĂ©e Ă©cologique. Il tourne plusieurs documentaires animaliers pour diffĂ©rentes chaĂźnes comme Arte, la BBC et National Geographic. En 2019, il rĂ©alise sa premiĂšre fiction animaliĂšreâ: AĂŻloâ: une odyssĂ©e en Laponie. Kina et Yukâ: renards de la banquise est son troisiĂšme long mĂ©trage de fiction.
Comment est venue lâidĂ©e du film Kina et Yukâ?
Le point de dĂ©part est un article que jâai vu dans un journal canadien. Sur une photo, on voyait un petit renard polaire sur un iceberg qui partait Ă la dĂ©rive. Lâarticle racontait que des pĂȘcheurs lâavaient rĂ©cupĂ©rĂ© et ramenĂ© sur la banquise. Je me suis alors ditâ: «âQui est ce renardâ? DâoĂč est-ce quâil vient et oĂč est-ce quâil vaâ?â» Ensuite, il y a un petit lien avec AĂŻloâ: une odyssĂ©e en Laponie, car Ă la fin du film, il y avait un petit renard polaire noir et un autre blanc qui partaient au loin. Quand je parlais aux enfants du film, ils mentionnaient les renards (rire). Jâen ai pris note (rire). Jâai donc commencĂ© Ă Ă©crire cette histoire avec mes «âRomĂ©o et Julietteâ» de lâArctique (rire).
Comment produit-on un film dont les personnages ne sont que des animauxâ?
Il faut prĂ©ciser que le film nâest pas un documentaire, mais bien une fiction. Jâai donc procĂ©dĂ© comme si jâĂ©crivais une fiction. Jâai dâabord Ă©crit le scĂ©nario aprĂšs mâĂȘtre beaucoup documentĂ©. AprĂšs, je suis allĂ© en repĂ©rage pour trouver les dĂ©cors. Quand on tourne avec des animaux sauvages, ils ne cessent dâĂ©voluer, alors je passe mon temps Ă rĂ©Ă©crire le scĂ©nario par rapport Ă ce que lâanimal nous donne. Je ne contrains pas un animal. Câest hyper important. On travaille avec lâanimal. On place les animaux dans un environnement dans lequel on a plusieurs camĂ©ras qui tournent en simultanĂ© pour ne rien rater. Par exemple, le plan A câest que Kina doit aller Ă gauche, mais elle va Ă droite. Ăa nous permet donc de rĂ©agir sans couper la camĂ©ra. La base de mon travail est que lâanimal nous oublie. Par exemple, dâavoir deux renards qui dorment devant la camĂ©ra est, pour moi, trĂšs dur Ă faire. Ăa veut dire quâils te font confiance. On a vraiment pleurĂ© en tournant cette scĂšne. Câest plus facile de filmer des grandes poursuites de loups (rire).
Comment avez-vous choisi vos deux renardsâ?
Ăvidemment, on nâa pas le droit de les prĂ©lever dans la nature. Ce sont des animaux qui sont nĂ©s en captivitĂ©. Ils sont issus dâun sanctuaire, de parents qui ne pouvaient pas ĂȘtre relĂąchĂ©s en nature. Quand on les a vus, ils avaient quelques semaines. CâĂ©tait important pour moi de passer beaucoup de temps avec eux, de les observer.
Est-ce que le film a beaucoup changĂ© par rapport au scĂ©nario initialâ?
Quand on fait ce genre de film, il y a deux mots-clĂ©sâ: la patience et lâadaptabilitĂ© (rire). Je ne peux pas me direâ: «âjâĂ©cris ça, je veux çaâ». Ăa marche avec des comĂ©diens, mais pas dans mon cas (rire). JâĂ©cris «âje veux ça, jâespĂšre avoir çaâ». Lâhistoire Ă©volue avec le quotidien du tournage. Par exemple, il y a une scĂšne qui se dĂ©roule avec des loups noirs qui viennent chopper des chiens errants dans la ville. Ăa, je ne lâavais pas Ă©crit. Pendant que nous tournions des scĂšnes avec Kina et Yuk, on nous a prĂ©venus quâun loup Ă©tait entrĂ© dans la ville, avait tuĂ© un chien et lâavait ramenĂ© Ă sa meute sur les hauteurs de Dawson City. Je me suis dit «âwowâ», mĂȘme si on avait un peu peur au dĂ©part (rire). Pas pour nous, mais pour les animaux (rire). Je me suis dit : «âCâest gĂ©nial. Ăa existe.â» Jâai donc ajoutĂ© cette scĂšne au scĂ©nario.
Quelle scĂšne a Ă©tĂ© la plus compliquĂ©e Ă tournerâ?
DĂ©jĂ , de tourner Ă -40 degrĂ©s posait tout un dĂ©fi (rire). Vous connaissez ça, ici, au Canada (rire)â! Quand on arrive Ă Dawson City, au Yukon, il y a un pot dâaccueil dans lequel tu dois boire un alcool qui contient deux doigts gelĂ©s. De vrais doigts (rire)â! Câest pour te signifier quâĂ cette tempĂ©rature, on ne doit vraiment pas rigoler. Tu peux perdre des doigts en seulement quelques minutes. Quand tu sors dehors, tu y penses (rire)â! Tâoublies pas tes quatre paires de mitaines (rire)â! Sinon, le duel entre Yuk et les loups nâĂ©tait pas Ă©vident Ă filmer. Je voulais vraiment donner Ă la scĂšne un ton Ă la Sergio Leone et il fallait sâassurer que les animaux restent bien en place. Dâailleurs, le film emprunte beaucoup aux codes du western. Pour moi, câĂ©tait important de montrer des gros plans des animaux, car ce sont des personnages. LâĂ©motion est dans ces petits dĂ©tails.
Combien de temps a durĂ© le tournageâ?
Douze semaines au total, mais au quotidien, on tournait quand mĂȘme peu dâheures. Les animaux se fatiguent vite.
Quâest-ce qui te rend le plus fier dans ton filmâ?
Je pense quâon a poussĂ© les codes de la fiction animaliĂšre trĂšs loin, tout en respectant lâanimal, ce qui est trĂšs important. Je voulais vraiment crĂ©er un film dâaventure dynamique pour intĂ©resser les familles Ă aller le voir sur grand Ă©cran. |