Entrevue avec le réalisateur Bishal Dutta pour la sortie du film It Lives Inside
En entrevue, tu as mentionnĂ© que pour tâaider Ă tâintĂ©grer en tant quâimmigrant, tu regardais beaucoup de films, dont les films dâhorreur que tu affectionnes. Pourquoi cet amour du cinĂ©ma?
Quand jâĂ©tais trĂšs jeune, en Inde, mon grand-pĂšre mâa montrĂ© Jaws (Les Dents de la mer) sur une vieille copie VHS et ce film mâa complĂštement obsĂ©dĂ© (rire). ArrivĂ©e en AmĂ©rique, ma famille sâest promenĂ©e un peu et jâai trouvĂ© refuge dans les films. Je me souviens encore de lâimpact Ă©motionnel de voir des films comme Alien (Alien, le huitiĂšme passager), The Terminator ou encore A Nightmare on Elm Street (Les Griffes de la nuit) qui mâont terrifiĂ© (rire). Mais jâai rapidement compris que des artistes avaient crĂ©Ă© ces Ćuvres afin de nous faire vivre des Ă©motions intenses. Ăa mâa donnĂ© le goĂ»t, moi aussi, de faire des films. Ăgalement, la culture populaire est tellement ancrĂ©e chez les jeunes et dans notre quotidien quâen voyant les films que mes amis citaient, je pigeais les rĂ©fĂ©rences tout en comprenant leur impact significatif sur les gens.
Donc, depuis un jeune Ăąge, tu rĂȘvais de faire des films?
Câest la seule et unique chose que je veux faire (rire)!
Quel film tâa le plus influencĂ©?
Sans contredit Jaws. Câest le film que jâai le plus Ă©coutĂ© et analysĂ©. Je lâĂ©coute encore rĂ©guliĂšrement. Câest une Ćuvre sans faille oĂč tout a sa raison dâĂȘtre.
Tu es dâorigine indienne. Pour ce premier long mĂ©trage, It Lives Inside, Ă quel point Ă©tait-ce important dây montrer tes racines, dây intĂ©grer ta culture?
Je savais quâau dĂ©part, je voulais faire un film dâhorreur. Lors de la conception de lâhistoire, je tentais de crĂ©er un personnage rĂ©el, auquel on pourrait sâidentifier. Et, rapidement, jâai voulu intĂ©grer les lĂ©gendes quâon me racontait enfant. Je cherchais Ă crĂ©er cette rencontre entre lâEst et lâOuest dans les codes du genre de cinĂ©ma dâhorreur.
Est-ce que le processus dâĂ©criture a Ă©tĂ© long afin dâaboutir Ă un premier jet de scĂ©nario?
Jâai travaillĂ© avec un collaborateur extraordinaire, Ashish Mehta, afin de mettre en place toute lâhistoire, les personnages et la dynamique entre eux. Ensuite, jâai procĂ©dĂ© Ă lâĂ©criture mĂȘme du scĂ©nario. Le jour oĂč jâai fini le premier jet, jâai reçu un appel de mes producteurs qui me demandaient des nouvelles du projet dont je leur avais dĂ©jĂ parlĂ©. Je leur ai dit : «âVoici! Jâai justement terminĂ© la premiĂšre version du scĂ©nario.â» (rire) Puis, ensemble, nous lâavons retravaillĂ© pendant quelques mois afin de le prĂ©senter Ă Neon, qui a acceptĂ© de cofinancer le film et de le distribuer. Au total, jâai passĂ© prĂšs de deux ans sur le scĂ©nario. Et la version finale ressemble pas mal Ă ma premiĂšre version. Le processus de rĂ©Ă©criture sert surtout Ă clarifier certaines choses et Ă en peaufiner dâautres. Le scĂ©nario est en Ă©volution constante. Câest quelque chose que jâai beaucoup appris en tant que scĂ©nariste et rĂ©alisateur dâun premier film (rire).
Parfois, au montage, on en profite pour effectuer certains changements au film. Est-ce que çâa Ă©tĂ© le cas pour It Lives Inside?
Pas nĂ©cessairement au montage du film lui-mĂȘme. La structure est toujours demeurĂ©e la mĂȘme. Mais aprĂšs les premiers visionnements devant public, jâen ai profitĂ© pour effectuer quelques changements subtils. Parfois, câest juste une courte rĂ©action ou une information donnĂ©e qui donne plus de punch Ă une scĂšne si elles sont devancĂ©es ou retardĂ©es dâun petit moment. Il nây a rien comme prendre le pouls des spectateurs pendant un visionnement. On voit rapidement sâils sâennuient lors de certaines scĂšnes (rire). Jâadore le montage et ça ne me dĂ©range pas du tout de rejouer avec le film mĂȘme quand on pense quâon a fini (rire).
Comment as-tu réussi à obtenir la participation de deux des producteurs de Get Out, Sean McKittrick et Raymond Mansfield, pour ton film?
Jâai eu la chance de faire quelques courts mĂ©trages, mais ça ne se compare pas du tout Ă tourner un long (rire)! Jâai eu le loisir de les rencontrer et je leur ai tout simplement parlĂ© de cette idĂ©e qui allait devenir It Lives Inside. Ils aimaient bien le concept et, six mois plus tard, ils mâont demandĂ© si jâavais eu le temps de lâĂ©crire. Ce que jâapprĂ©cie chez eux, câest que lâhistoire est toujours au cĆur de leurs projets. Et ils soutiennent pleinement la vision des cinĂ©astes. Dans mon cas, ils ont compris rapidement ce que je voulais raconter et comment je dĂ©sirais que le public se sente en voyant le film. Ils ont tellement Ă©tĂ© dâune aide prĂ©cieuse!
Que peux-tu nous dire Ă propos de ta comĂ©dienne, Megan Suri? Pourquoi lâavoir choisie?
Elle est juste incroyable et une vedette en devenir. En fait, câest la premiĂšre comĂ©dienne que jâai rencontrĂ©e pour le rĂŽle. Et mĂȘme si jâai auditionnĂ© plusieurs adolescentes pour le rĂŽle de Sam, je pensais constamment Ă elle. Elle Ă©tait crĂ©dible en cette gentille adolescente naĂŻve au dĂ©but du film, mais je la voyais aussi vers la fin capable dâincarner une badass du type Ripley dans Alien (rire). Je croyais quâelle pouvait botter le derriĂšre Ă ce dĂ©mon (rire).
Justement, est-ce que çâa Ă©tĂ© compliquĂ© de crĂ©er la crĂ©ature du film? De trouver une proposition originale?
Jâadore les monstres (rire)! Pour mon film, jâai eu le privilĂšge de travailler avec Todd Masters, qui a prĂšs de 40 ans de mĂ©tier. Nous avons Ă©changĂ© plus dâune centaine dâillustrations, discutant de chacune des parties de lâanatomie de la crĂ©ature. En mĂȘme temps, jâai conçu les mouvements du dĂ©mon dâaprĂšs la gestuelle dâune amie qui pratique le skateboard. Elle peut bouger de maniĂšre assez originale (rire). DĂšs le dĂ©part, je voulais quâelle incarne ce dĂ©mon Ă la dĂ©marche et gestuelle disloquĂ©es. Je dĂ©sirais que cette crĂ©ature exhibe la haine pure.
Est-ce que le démon était un effet mécanique?
Absolument! CâĂ©tait important pour moi dâavoir quelquâun maquillĂ© et non des effets numĂ©riques. Dâune part, en hommage aux films dâhorreur de lâĂ©poque que jâadore, et dâautre part pour que nous puissions sentir sa prĂ©sence sur le plateau (rire).
Comment sâest dĂ©roulĂ©e la projection de la premiĂšre au festival South by Southwest Ă Austin au Texas?
Ăâa Ă©tĂ© un moment inoubliable. Quelques semaines avant, jâavais organisĂ© une projection devant public et, dans les deux cas, les gens riaient au dĂ©but. Ăa me rendait trĂšs nerveux. Je me disais «âoh, non, câest nul!â» (rire). Mais jâai vite compris que câĂ©tait des rires un peu nerveux, que le public sâamusait sachant ce qui sâen venait. Puis, câĂ©tait tellement agrĂ©able de les entendre crier aux bons moments (rire). Câest la raison pour laquelle on fait des films : pour crĂ©er une interaction avec le public et le faire rĂ©agir.
Que veux-tu que le public retire de lâexpĂ©rience de voir It Lives Inside?
Dâabord, jâaimerais donner aux ados le mĂȘme type dâexpĂ©rience que jâai vĂ©cu quand je suis allĂ© voir pour la premiĂšre fois des films comme Paranormal Activity (ActivitĂ© paranormale) ou The Conjuring (La Conjuration). Il y a quelque chose dâintoxiquant Ă ĂȘtre dans une salle commune avec des Ă©trangers et de se retrouver Ă crier ou rire en mĂȘme temps (rire). Je pense que câest un rituel important vers le passage adulte que dâaller voir ce type de film avec des amis ou lors dâun rendez-vous amoureux. JâespĂšre aussi les surprendre par cette reprĂ©sentation de lâadolescence. Jâaime bien penser quâelle est crĂ©dible et empathique. Je ne cherchais pas Ă la regarder de haut. Si je rĂ©ussis sur ces deux aspects, je serai comblĂ©! |