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Le Magicien d’OZ : la route ardue pavée de briques jaunes

Image tirée du film Le Magicien d’Oz (1939)

Le long-métrage de 1939 de Victor Fleming est considéré comme l’une des œuvres les plus aimées du cinéma populaire américain. Mais saviez-vous qu’il existe une adaptation du roman de Frank L. Baum qui date de 1925 ? Celle-ci est une version muette qui, curieusement, remplace une grande partie des éléments fantaisistes de l’intrigue du livre. Pour la nouvelle version que la MGM s’apprête à mettre en chantier en 1938, on se questionne également sur la place du fantastique dans le scénario. Au box-office, le genre n’attire pas vraiment les spectateurs. Mais le succès du long-métrage d’animation de Disney Blanche-Neige et les sept nains (Snow White and the Seven Dwarfs), sorti un an plus tôt, donne confiance aux producteurs qu’un film familial fantaisiste peut trouver son public.

Pour le scénario, la production embauche différents auteurs en même temps, une pratique courante à l’époque. Ceux-ci écrivent indépendamment leur version sans se consulter. Un script éditeur est ensuite chargé d’en prendre les meilleures scènes afin d’en faire un scénario cohérent et satisfaisant. Au total, 11 scénaristes auraient contribué au film ! Un changement majeur est cependant apporté au roman. Craintif que les spectateurs n’acceptent pas l’existence réelle du monde d’Oz, cette portion de l’histoire est transformée en rêve que fera le personnage de Dorothy.

Pour incarner la jeune adolescente, les producteurs désirent Judy Garland, l’une des enfants-stars des années 1930. Toutefois, le grand patron de la MGM songe également à la plus populaire, et plus jeune, Shirley Temple. Âgée de 10 ans, elle est l’une des grandes vedettes d’Hollywood, mais puisqu’elle est sous contrat avec un autre studio, la 20th Century Fox, son cachet risque d’être trop élevé. Pour Garland, qui a 16 ans au moment du tournage, le rôle sera une arme à double tranchant. Même si le film remporte un succès modeste aux guichets, il fait de la jeune comédienne une star. Elle reçoit même en 1939 un Academy Awards juvénile, le seul Oscar de sa carrière. Par contre, cette plus grande célébrité ne fait qu’accroître son anxiété et ses problèmes de santé mentale. Elle lutte contre son image corporelle, malheureusement encouragée par les dirigeants du studio qui la poussent à des diètes néfastes. Malgré sa longue carrière, l’actrice sera toujours associée au rôle de Dorothy.

C’est la comédienne Gale Sondergaard qui hérite d’abord du rôle de la Méchante sorcière de l’Ouest, l’ennemie de Dorothy. Contrariée par d’éventuels changements apportés à son personnage dans le scénario, comme le fait que la sorcière soit maintenant laide, l’actrice quitte la production quelques jours avant le début du tournage. On se tourne alors vers une comédienne de métier, Margaret Hamilton, sous contrat avec la MGM. Parmi la longue série de problèmes vécus par la production, Hamilton souffre de brûlures au troisième degré au visage à cause d’un accident de pyrotechnie. En plus d’être hospitalisée, elle doit s’absenter du plateau pendant plusieurs semaines afin de guérir de ses blessures.

La MGM a longtemps songé à couper la scène de la chanson Over the Rainbow au montage, trouvant qu’elle ralentissait le rythme de la séquence sur la ferme. Le réalisateur Victor Fleming et les producteurs se sont battus pour qu’elle soit conservée.

Les drames ne se déroulent pas que devant la caméra. Le siège du réalisateur est également éjectable. Le premier réalisateur, Richard Thorpe, est renvoyé après deux semaines de tournage. Sa vision ne concorde pas avec celle du studio, surtout concernant le ton du personnage de Dorothy. Thorpe fait porter à Garland une perruque blonde et beaucoup trop de maquillage en plus de la faire surjouer. Le studio fait appel au cinéaste George Cuckor pour ses conseils, mais ce dernier ne peut prendre la relève alors qu’il doit sous peu réaliser Gone With the Wind (Autant en emporte le vent) pour la même MGM. Il est responsable du nouveau look de Garland pour le film et c’est à sa suggestion qu’on embauche Jack Haley pour le personnage de l’Homme de fer-blanc. Le rôle a dû être réattribué après que le comédien original, Buddy Ebsen, a été gravement empoisonné par son maquillage à base d’aluminium !

Finalement, c’est Victor Fleming qui tourne toutes les séquences en Technicolor, en plus de celles de Thorpe qui doivent être reprises, ce qui cause d’énormes défis. Les maquillages sont plus complexes à créer pour ce procédé, et l’éclairage nécessaire s’avère très intense et il fait parfois grimper la température sur le plateau à 40° Celsius ! Les coûts d’électricité explosent. Ironiquement, Fleming doit quitter la production quelques jours avant la fin du tournage. Le studio l’envoie remplacer Cuckor qui éprouve des difficultés sur Gone With the Wind. Le vétéran King Vidor vient alors compléter le film, tournant les séquences d’ouverture et de fin en noir et blanc qui se déroulent au Kansas, à la ferme où vit Dorothy. C’est Vidor qui filme la célèbre scène de la chanson Over the Rainbow. Ironiquement, la MGM a longtemps songé à couper la scène au montage, trouvant qu’elle ralentissait le rythme de la séquence sur la ferme. Fleming et les producteurs se sont battus pour qu’elle soit conservée.

D’ailleurs, malgré toutes les prouesses technologiques du film, The Wizard of Oz est beaucoup apprécié pour sa musique et ses chansons. Le duo d’Harold Arlen et Yip Harburg a même reçu un Oscar pour la chanson Over the Rainbow, l’une des plus populaires de l’histoire du cinéma. Quant au compositeur Herbert Stothart, il reçoit également un Academy Award pour sa trame sonore.

Malgré d’excellentes critiques, The Wizard of Oz ne génère pas de profits à sa sortie originale en salle en 1939. Bien qu’il ne soit pas le premier film à utiliser de la couleur, il devient représentatif des possibilités techniques de cette époque. Si une nouvelle sortie sur les écrans en 1949 connaît encore plus de succès, c’est surtout ses télédiffusions à la fin des années 1950 qui contribuent à cimenter le film dans la culture populaire.

Au fil du temps, plusieurs films se déroulant dans le monde d’Oz ont vu le jour, dont The Wiz (Le Magicien, 1978). Cette relecture contemporaine avec des personnages afro-américains mettait en vedette Diana Ross, Richard Pryor et Michael Jackson. Il y a aussi eu la suite, Return to Oz (Oz, un monde extraordinaire) en 1985 et un antépisode réalisé par Sam Raimi : Oz the Great and Powerful (Oz, le magnifique, 2013). Inspiré du roman de Gregory Maguire puis de son adaptation en comédie musicale en 2003, le film Wicked raconte en deux parties l’ascension et la chute de la Méchante sorcière de l’Ouest, désormais baptisée Elphaba. |

Wicked : pour de bon sortira au cinéma le 21 novembre.