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Entrevue avec Robert Guédiguian

CrĂ©dit photo : Marie Rouge

Entrevue avec le cinéaste Robert Guédiguian pour la sortie du film La Pie voleuse.

NĂ© Ă  Marseille, Robert GuĂ©diguian est un rĂ©alisateur, producteur et scĂ©nariste qui jouit d’une carriĂšre de plus de 40 ans au cinĂ©ma. En 1997, le cinĂ©aste remporte le prix Un certain regard au Festival de Cannes 1997 pour son film Marius et Jeannette. Au travers de son Ɠuvre, il met en scĂšne les gens de Marseille et plus particuliĂšrement de L’Estaque, le quartier ouvrier dont il est originaire. La Pie voleuse raconte l’histoire d’une aide Ă  domicile qui, tirant le diable par la queue, vole quelques euros aux braves gens dont elle s’occupe avec une dĂ©votion extrĂȘme. Ces gestes resteront-ils sans consĂ©quences ?

Qu’est-ce qui vous a inspirĂ© cette histoire ?

Il est arrivĂ© une chose un petit peu Ă©quivalente au monteur de mes films, un bon ami depuis 30 ans. Nous montions mon film prĂ©cĂ©dent, Et la fĂȘte continue !, lorsqu’il a reçu un coup de fil du commissariat lui demandant s’il faisait confiance Ă  la personne qui s’occupait de sa mĂšre, car la police avait reçu des plaintes Ă  son sujet Ă  propos de trucs qui n’étaient pas clairs. Il a Ă©tĂ© trĂšs surpris. Ça m’a donc donnĂ© l’idĂ©e de cette aide Ă  domicile, qui est une pie voleuse, mais trĂšs consciencieuse (rire). Avec mon scĂ©nariste, nous avons travaillĂ© pour essayer de montrer comment, parfois, on peut voler de maniĂšre juste, moralement. Évidemment, c’est un paradoxe et c’est rĂ©prĂ©hensible. Mais ma pie voleuse prend exactement ce dont elle a besoin. Elle ne lĂšse jamais ces gens-lĂ  et elle s’en occupe magnifiquement bien. Finalement, elle se paye ses heures supplĂ©mentaires que personne ne veut lui payer. Dans le fond, mon film est une fable lĂ©gĂšre un peu anarchiste (rire) sur l’idĂ©e qui m’est trĂšs chĂšre de la rĂ©partition de la richesse. Il y a une approche un peu espiĂšgle dans ma dĂ©marche (rire).

C’est le quatriĂšme film que vous coscĂ©narisez avec Serge Valletti. Comment travaillez-vous ensemble ?

D’abord, Serge est un grand ami qui Ă©crit beaucoup pour le théùtre. Quand je le rencontre, j’ai toujours le sujet. Ensuite, on bavarde et on cherche la construction du rĂ©cit. Ici, on voulait que la mĂ©canique soit trĂšs fluide. C’est pour ça que nous sommes partis de ce hold-up au dĂ©but du film, qui lui est un vol mĂ©chant, Ă  une mĂ©canique oĂč l’on pouvait faire circuler du dĂ©sir, de l’inattendu, de la surprise et de l’amour. AprĂšs, on se voit un petit peu moins. On travaille seuls et on se renvoie les textes. J’écris en rouge et lui en vert (rire). AprĂšs, on met les couches communes. GĂ©nĂ©ralement, ça va trĂšs vite.

« Mon film est une fable lĂ©gĂšre un peu anarchiste (rire) sur l’idĂ©e qui m’est trĂšs chĂšre de la rĂ©partition de la richesse. Il y a une approche un peu espiĂšgle dans ma dĂ©marche (rire). »

Quelle vision vouliez-vous amener en tant que rĂ©alisateur pour La Pie voleuse ?

Pour moi, c’était de retrouver la lĂ©gĂšretĂ© comme espĂšce d’innocence de croyance dans le cinĂ©ma. J’avais cette idĂ©e de faire quelque chose d’aĂ©rien. Je retourne aussi sur le lieu de mes propres origines. Ce quartier est comme un village dans la ville de Marseille. J’aime y retourner Ă  tous les cinq ou six films.

Vous travaillez depuis vos dĂ©buts avec les comĂ©diens Ariane Ascaride, GĂ©rard Meylan et Jean-Pierre Darroussin. Comment votre relation a Ă©volué ?

On a tous le mĂȘme Ăąge. Nous sommes trĂšs proches. On a commencĂ© ensemble Ă  faire du cinĂ©ma qui n’était pas Ă  la mode Ă  ce moment-lĂ  (rire). C’était notre formation Ă  tous. Nous sommes tous des gens qui ont appartenu Ă  l’histoire du mouvement ouvrier. Nous Ă©tions des jeunes qui voulaient parler de ça. Nous venions de la rue et ce n’était pas si facile. On a Ă©tĂ© tenaces, car nous Ă©tions sĂ»rs que ce que nous faisions Ă©tait trĂšs bien. Je ne dis pas trĂšs bien au niveau artistique, mais moralement (rire). On s’est tenu les coudes et on a grandi ensemble. Dans ce film, les personnages principaux ont notre Ăąge. Donc, je connais leurs problĂ©matiques trĂšs bien, puisque ce sont aussi les miennes.

Ariane Ascaride est votre conjointe. Comment est-ce de travailler avec elle ?

D’abord, elle peut tout faire (rire). Une chose qui est sĂ»re est notre affection. À partir de lĂ , je dirais que tout est permis. On peut dire des bĂȘtises et ce n’est pas trĂšs grave (rire). Au niveau du jeu et de la mise en scĂšne, puisque nous sommes entre nous, on prend des risques. On voit si ça marche ou pas et on recommence.

Qu’aviez-vous vu en elle pour le rîle de Maria ?

Elle a un petit grain de folie (rire) ! C’est sa fantaisie. Elle peut jouer des choses tragiques et graves. Le personnage de Maria est un peu dĂ©calĂ© avec ses huĂźtres et son obsession du pianiste Arthur Rubinstein et je crois qu’Ariane a un peu ça dans la vie (rire).

Tout au long du film, on trouve des plans de cette piscine vide du couple de Maria et Bruno. Un symbole de leur Ă©chec ?

Oui. C’est l’échec de la vision fantasmĂ©e de la rĂ©ussite qu’ils ont eue il y a quelques annĂ©es avec cette sociĂ©tĂ© de consommation. Comme leur fille dit : « Ils ont achetĂ© ça Ă  crĂ©dit. Ils auraient trĂšs bien pu ne pas avoir de piscine. » Cette espĂšce de dĂ©pense inutile a peut-ĂȘtre collaborĂ© Ă  leur dĂ©clin. Ça symbolise leur mauvais choix de vie. |

Le drame La Pie voleuse est prĂ©sentement Ă  l’affiche.