CrĂ©dit photoâ: Marie Rouge / Unifrance
Entrevue avec la cinéaste Patricia Mazuy pour la sortie du film La PrisonniÚre de Bordeaux.
Patricia Mazuy est une scĂ©nariste et rĂ©alisatrice française. Pour son septiĂšme long-mĂ©trage, le drame La PrisonniĂšre de Bordeaux, elle renoue avec lâactrice Isabelle Huppert, qui tenait la tĂȘte dâaffiche du film Saint-Cyr (2000), laurĂ©at du Prix de la jeunesse au Festival de Cannes. La cinĂ©aste est retournĂ©e sur la Croisette en mai 2024, alors que La prisonniĂšre de Bordeaux faisait partie de la sĂ©lection de la Quinzaine des cinĂ©astes. Le drame raconte lâamitiĂ© improbable entre deux femmes qui ont organisĂ© leur vie autour de lâabsence de leurs maris dĂ©tenus au mĂȘme endroit.
La PrisonniĂšre de Bordeaux a dâabord Ă©tĂ© inspirĂ© par un autre scĂ©nario qui vous avait Ă©tĂ© offert. Quâest-ce qui vous avait plu dans le sujet initial et quâavez-vous retravaillĂ©â?
Le film originel Ă©tait purement social. CâĂ©tait un film de dialogues entre une femme riche et une femme pauvre qui nouaient une amitiĂ© improbable, mais les discussions se dĂ©roulaient dans la maison dâaccueil. Potentiellement, câĂ©tait trĂšs bien, mais moi, je ne sais pas faire des films quâavec des dialogues. Il nây avait pas dâhistoire. Quand on me lâa proposĂ©, jâai dit OK, mais jâai retravaillĂ© le tout avec François BĂ©gaudeau, le scĂ©nariste, pendant deux ans. AprĂšs, jâai fini lâĂ©criture toute seule. Jâai voulu aller vers le mĂ©lodrame avec des bases sociales trĂšs fortes. On parle de racisme, mais ce nâest pas un film dossier. Jâai fait lâhistoire dâamour du personnage de Mina (Hafsia Herzi) et la fin de celle du personnage dâAlma (Isabelle Huppert). Il y a aussi le paradoxe de la mauvaise action de Mina qui, mĂȘme si ça part dâune belle intention, a de graves consĂ©quences.
Vous retrouvez Isabelle Huppert vingt-cinq ans aprĂšs Saint-Cyr. Ce choix sâest-il imposĂ© dâemblĂ©eâ?
En 2021, il y avait Ă peu prĂšs cette histoire du film, mais câest quand jâai eu les deux actrices, Isabelle et Hafsia, que jâai pu complexifier les personnages. La production nâavançait pas. Je voyais de temps en temps Isabelle au théùtre et elle me disait toujours que ce serait bien quâon fasse un film ensemble. Je me suis ditâ: «âPourquoi je ne lui propose pas?â» AprĂšs, les autres versions Ă©taient vraiment faites en pensant Ă elle, qui nâa pas peur de cette autodĂ©rision et de cette lĂ©gĂšretĂ© tout en Ă©tant perchĂ©e dans le vide de sa vie parce que son personnage est tragique et vertigineux. Elle ne sait plus oĂč elle est du tout (rire)â! Mais, en mĂȘme temps, elle est drĂŽle. Son humour la protĂšge de trop de souffrances. En ce qui concerne Hafsia, je lui envoyĂ© le scĂ©nario aprĂšs avoir vu son film Tu mĂ©rites un amour (2019). Jâavais donc le OK des deux actrices en 2021, mais on a finalement tournĂ© fin 2023.
«âJâai voulu aller vers le mĂ©lodrame avec des bases sociales trĂšs fortes. On parle de racisme, mais ce nâest pas un film dossier.â»
La mĂȘme annĂ©e que votre film, on retrouve les deux comĂ©diennes dans Les Gens dâĂ cĂŽtĂ© dâAndrĂ© TĂ©chinĂ©. Est-ce quâelles venaient dĂ©jĂ de tourner ensemble ou ce film est venu aprĂšs le vĂŽtreâ?
Ăa, ça mâa bien Ă©nervĂ©e (rire)â! Elles ont Ă©tĂ© contactĂ©es aprĂšs mon film, mais elles ont finalement tournĂ© avant moi. Mais bon, ça va.
Quelles ont Ă©tĂ© les principales contraintes de tournageâ?
On tournait dans un dĂ©sordre absolu Ă cause des conditions mĂ©tĂ©o. Quand on Ă©tait dans la maison, on Ă©clairait par dehors malgrĂ© le fait quâil pleuvait des cordes. On avait des coupes dâĂ©lectricitĂ©â! Jâai fait le film en 32 jours, ce qui nâest pas beaucoup.
La maison est trĂšs centrale Ă lâintrigue. Elle devient presque un personnage. A-t-elle Ă©tĂ© dure Ă trouver ou est-ce un dĂ©corâ?
Câest une vraie maison et elle a Ă©tĂ© trĂšs dure Ă trouver. Je cherche le film en cherchant le dĂ©cor. Souvent, ce sont les circonstances qui font une partie du travail. Vous savez que vous avez Isabelle Huppert. Donc, avec le directeur de la photo, nous nous Ă©tions dit quâil ne fallait pas de murs blancs parce que ce serait trop dur comme lumiĂšre crue. Du coup, trouver une maison riche Ă Bordeaux qui nâa pas de murs blancs, eh bien, câest trĂšs trĂšs dur (rire). Une amie dâIsabelle qui a une maison Ă Bordeaux mâa dit : «âPourquoi vous ne venez pas chez moi?â» Donc, câest sa maison. On a tout vidĂ© et remeublĂ©, changĂ© les rideaux, mais on nâa pas touchĂ© aux murs. La maison a vachement influencĂ© plein de trucs. Elle a ce cĂŽtĂ© sublime, mais trĂšs pesant. Ăa tranchait avec les couleurs primaires des murs des parloirs et de la prison.
QuâespĂ©rez-vous que les gens retiennent du filmâ?
Pour le personnage de Mina, ça dit que câest plus facile dâĂȘtre libre quand on est riche que quand on est pauvre. Ce qui nâest pas une dĂ©couverte, mais elle a au moins lâamour (rire). Elle retourne au point zĂ©ro, mais lâhistoire avec Alma va la nourrir le restant de sa vie. |
Le drame psychologique La PrisonniĂšre de Bordeaux est prĂ©sentement Ă lâaffiche.
