CrĂ©dit photoâ: Unifrance / Marie Rouge / Philippe Quaisse
Entrevue avec la cinéaste Romain Duris et Guillaume Senez pour la sortie du film Une part manquante.
Le film Nos batailles Ă©tait le premier tournage commun de lâacteur Romain Duris et du cinĂ©aste Guillaume Senez. Sortie en 2018, la comĂ©die dramatique a remportĂ© un grand succĂšs, rĂ©coltant mĂȘme 5 Magritte, lâĂ©quivalent belge des CĂ©sar ou des Oscars, dont celui du meilleur rĂ©alisateur et celui du meilleur film. Leur nouvelle collaboration, Une part manquante, est un drame social qui se dĂ©roule au Japon et qui porte sur la relation entre un pĂšre et sa fille quâil nâa pas vue depuis plusieurs annĂ©es. MonCinĂ© a eu le bonheur de sâentretenir avec le duo.
La genĂšse dâUne part manquante est assez inusitĂ©e, alors que lâhistoire est nĂ©e dâun voyage au Japon lors dâune tournĂ©e mĂ©diatique avec Romain. Comment a-t-elle pris forme plus concrĂštement et quâest-ce qui vous attirait dans le sujetâ?
Guillaume Senezâ: On avait dĂ©jĂ cette envie de refaire un film ensemble et dâĂȘtre Ă Tokyo, ça donnait le goĂ»t de filmer cette ville parce que câest tellement beau. Mais, au-delĂ de ça, câest cette rencontre avec ces expatriĂ©s qui nous ont parlĂ© de cette problĂ©matique dâenlĂšvements dâenfants et de gardes partagĂ©es non respectĂ©es qui nous a touchĂ©s et Ă©mus. Avec ce film, il y avait une continuitĂ© par rapport Ă Nos batailles dans lâexploration de la parentalitĂ© Ă travers le prisme de la paternitĂ©. AprĂšs, on sâest renseignĂ©s en rencontrant plein de parents auprĂšs de qui on a puisĂ© des petites choses dans leurs histoires afin de crĂ©er notre dramaturgie.
Romain Durisâ: JâĂ©tais au point de dĂ©part avec Guillaume au Japon Ă Ă©couter ces tĂ©moignages de pĂšres qui Ă©taient dans ces situations-lĂ . Ensuite, dĂšs que lâon voyait quelque chose dans la presse, on se lâenvoyait. Puis, Guillaume mâa envoyĂ© des versions du scĂ©nario qui a Ă©voluĂ© pas mal au fil du temps. JâĂ©tais impliquĂ© en amont, sans collaborer Ă lâĂ©criture.
Câest votre deuxiĂšme film ensemble. Est-ce que cette premiĂšre collaboration a facilitĂ© cette expĂ©rienceâ? Une expĂ©rience qui a quand mĂȘme dĂ» sâavĂ©rer particuliĂšre, soit de tourner dans un pays avec des codes culturels trĂšs diffĂ©rents de ceux de lâOccident.
Romainâ: Ăâa Ă©tĂ© bien dâavoir fait Nos batailles avant parce que pour aller faire un film au Japon, il faut ĂȘtre solide dans la collaboration. Dâavoir eu ce background ensemble, câĂ©tait bien pour ce projet-lĂ qui nâĂ©tait pas Ă©vident, en raison du thĂšme du film et du fait de devoir travailler en japonais. CâĂ©tait super de se connaĂźtre dĂ©jĂ .
Guillaumeâ: Le film raconte ça aussi, cette diffĂ©rence culturelle. CâĂ©tait donc intĂ©ressant de sây confronter. Au dĂ©but, lâĂ©quipe de cinĂ©ma apprend Ă se connaĂźtre. Les Japonais travaillent assez diffĂ©remment de nous. Il faut trouver une façon de collaborer. AprĂšs, cette complication devient riche et trĂšs enrichissante pour tout le monde. Ăâa Ă©tĂ© une trĂšs belle aventure.
«âAvec ce film, il y avait une continuitĂ© par rapport Ă Nos batailles dans lâexploration de la parentalitĂ© Ă travers le prisme de la paternitĂ©.â»
– Guillaume Senez
Romain, vous pouvez ĂȘtre trĂšs physique dans vos rĂŽles. AprĂšs le diptyque des Trois Mousquetaires, est-ce que ça vous faisait du bien de jouer un rĂŽle plus tranquilleâ?
Romainâ: Ce nâest pas si tranquille, parce que câest trĂšs physique ce qui se passe Ă lâintĂ©rieur de lui (rire). Mais oui, jâai la chance de pouvoir passer dâun univers Ă lâautre. Câest une des choses de ce mĂ©tier que jâadore. Je ne pourrais pas faire que des films psychologiques ou des drames. Câest gĂ©nial de pouvoir passer dâun film de cape et dâĂ©pĂ©e Ă ceux de Guillaume.
Dans le film, vous parlez japonais. Ătait-ce difficile Ă apprendreâ?
Romainâ: Je me suis donnĂ© quatre mois, mais tranquille. Jâai aimĂ© ça. Je ne voulais pas le faire dans la pression. Je mây suis mis en amont et çâa Ă©tĂ© vraiment plaisant.
Quâest-ce qui vous attirait dans ce rĂŽleâ?
Romainâ: Le cĂŽtĂ© Ă©motionnel de ce papa et les consĂ©quences bouleversantes de cette situation qui Ă©taient assez fortes Ă jouer. Jâai aimĂ© avoir toutes ces Ă©motions douloureuses en moi et, comme un robinet, de pouvoir les ouvrir et les doser. Et puis, conduire un taxi Ă Tokyo (rire)â!
Vous conduisiez rĂ©ellement la voitureâ?
Romainâ: Ah oui (rire)â!
Guillaumeâ: Pas de ça chez moi, dâaccord (rire)â! Tout est vrai (rire)â! Quand vous voyez Romain et Mei dans la voiture, ils sont en fait cinq avec la directrice photo et son assistante et le rĂ©gisseur de son qui, lui, est dans le coffre. Avec Romain qui conduit, câest un peu le bordel (rire)â!
Quelle scĂšne reprĂ©sentait le plus grand dĂ©fi pour chacun de vousâ?
Romainâ: Le coup de tĂ©lĂ©phone que je fais en japonais. CâĂ©tait au dĂ©but du tournage et ça reprĂ©sentait un bon dĂ©fi. AprĂšs, un dĂ©fi moins solitaire, câĂ©tait avec Mei Cirne-Masuki, qui joue ma fille Lily, quand on sort de Tokyo et quâon a une parenthĂšse de retrouvailles au bord de la mer. Il y avait le dĂ©fi dâĂȘtre ensemble avec cette fille que je ne connais pas bien. Il ne fallait pas se tromper dans le ton sur ce moment.
Guillaumeâ: Pour moi, câest un peu la mĂȘme chose. Il fallait trouver comment filmer cette relation-lĂ . Il ne sâagit pas juste de les filmer tous les deux. Il y avait cet enjeu autour de leur relation et de comment la faire Ă©voluer, de celle dâun chauffeur de taxi et sa cliente vers un pĂšre et sa fille. CâĂ©tait un dĂ©fi, car on nâavait pas Ă©normĂ©ment de temps et il sâagissait aussi dâune premiĂšre expĂ©rience de tournage pour Mei. Je dirais que câĂ©tait lâenjeu le plus difficile. On a eu de la chance de la dĂ©couvrir Ă Paris. Nous avons rencontrĂ© trois comĂ©diennes pour le rĂŽle de Lily, Ă qui nous avons fait passer des tests avec Romain. Tout de suite, il y a eu une chimie entre Mei et Romain qui fonctionnait bien.
Puisque le film se passe entiĂšrement dans un autre pays, est-ce que vous avez effectuĂ© beaucoup de recherches sur place en amont du tournageâ?
Guillaumeâ: JâĂ©tais sur place pour terminer lâĂ©criture du scĂ©nario. CâĂ©tait pendant la pandĂ©mie, alors jâai eu la chance dâobtenir un visa professionnel pour y aller, parce que le Japon nâautorisait pas encore lâentrĂ©e de touristes. Sur place, on a rencontrĂ© non seulement des expatriĂ©s français, mais aussi des Japonais qui souffrent de cette situation «âdâenlĂšvement familialâ» par lâun des parents. Il y a aussi eu un sĂ©jour de deux semaines avant dâamorcer le tournage pour des repĂ©rages et du casting local. Le tournage a durĂ© trois mois, mais je dirais quâau total, jâai Ă©tĂ© quatre mois sur place.
Finalement, Romain, comment Ă©tait-ce de tourner avec un capucinâ?
Romainâ: CâĂ©tait gĂ©nial parce que câest un singe qui vit la nuit. Le jour, il Ă©tait tout doux. Il fallait vraiment ĂȘtre dans un calme absolu pour quâil puisse nous donner des choses. Et il Ă©tait trĂšs susceptibleâ! Si tu ne respectais pas ça, il pouvait se fermer et ne pas du tout vouloir jouer (rire). Par rapport aux tumultes intĂ©rieurs de mon personnage, le contraste avec le singe Ă©tait assez fabuleux. Il Ă©tait un bon partenaire. |
Le drame Une part manquante est Ă lâaffiche le 11 avril.
