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Par

Bong Joon-ho

CrĂ©dit photo : DFree / Shutterstock.com

En seulement sept longs mĂ©trages depuis l’annĂ©e 2000, le cinĂ©aste Bong Joon-ho a su s’imposer comme un des plus importants crĂ©ateurs de ce siĂšcle, posant un regard lucide et ludique sur notre Ă©poque. C’est Ă  travers diffĂ©rents genres cinĂ©matographiques, de la science-fiction au thriller, souvent avec des touches de comĂ©die, que le natif de Daegu en CorĂ©e du Sud a peaufinĂ© son art, tout en conservant un parfait Ă©quilibre entre le divertissement et ses questionnements sur la nature humaine. Avec l’arrivĂ©e de son huitiĂšme film, le trĂšs attendu Mickey 17, revenons sur le parcours exemplaire de ce talentueux scĂ©nariste, rĂ©alisateur et producteur.

Fort d’une formation en sociologie, qui lui permet de bien analyser ses contemporains, Bong Joon-ho tourne son premier court mĂ©trage intitulĂ© White Man Ă  la fin de ses Ă©tudes. Il enchaĂźne ensuite pendant deux ans Ă  l’AcadĂ©mie corĂ©enne du cinĂ©ma oĂč il expĂ©rimentera en rĂ©alisant quelques courts en format 16 mm, dont l’excellent IncohĂ©rence qui sera projetĂ© dans certains festivals internationaux entre 1994 et 1995. AprĂšs plusieurs annĂ©es de vaches maigres, Ă  travailler comme chef Ă©clairagiste, directeur photo et scĂ©nariste sur les projets de ses anciens camarades de classe, Bong Joon-ho propose son premier long mĂ©trage, Barking Dogs Never Bite, en 2000. TournĂ© dans le complexe d’habitation oĂč il rĂ©side, avec trĂšs peu de moyens, son film est sĂ©lectionnĂ© aux prestigieux festivals de San Sebastian en Espagne et Slamdance aux États-Unis. DĂ©jĂ , le sujet rĂ©current du rapport des classes et de son clivage grandissant est bien prĂ©sent, teintĂ© d’un humour noir juste assez dĂ©capant.

C’est avec son solide deuxiĂšme long mĂ©trage, Memories of Murder, que la carriĂšre de Bong Joon-ho prendra son envol, d’abord dans son pays, oĂč le film cumulera plus de 5 millions d’entrĂ©es en salles. Cette histoire du premier tueur en sĂ©rie de la CorĂ©e du Sud a fascinĂ© les CorĂ©ens. Memories of Murder demeure aussi la premiĂšre collaboration du rĂ©alisateur avec son acteur fĂ©tiche, Song Kang-ho, qu’il retrouvera Ă  trois reprises par la suite. Avec The Host en 2006, Bong Joon-ho s’attaque au film de monstre, pour mieux rĂ©flĂ©chir sur les rĂ©percussions de la pollution de notre environnement. Son troisiĂšme long mĂ©trage lui permet de se rendre au Festival de Cannes pour la premiĂšre fois, dans la section la Quinzaine des rĂ©alisateurs, en plus de devenir l’un des plus gros succĂšs du box-office dans l’histoire de la CorĂ©e du Sud. Au-delĂ  de la crĂ©ature, The Host est aussi et surtout un drame sur la famille, autre thĂ©matique chĂšre au cinĂ©aste.

De retour sur la Croisette en 2019 avec sa comĂ©die noire Parasite, Bong Joon-ho ne peut pas encore imaginer qu’il marquera Ă  tout jamais l’histoire du cinĂ©ma.

En 2008, Bong Joon-ho rĂ©alise un des segments du long mĂ©trage collectif Tokyo !, aux cĂŽtĂ©s des Français Leos Carax et Michel
Gondry. Il enchaĂźne l’annĂ©e suivante avec le bien nommĂ© Mother. Pour raconter l’histoire de cette mĂšre prĂȘte Ă  tout pour prouver l’innocence de son fils dans une sordide histoire de meurtre, Bong Joon-ho n’a qu’un souhait : collaborer avec l’actrice Kim Hye-ja, vĂ©ritable icĂŽne nationale en CorĂ©e du Sud, oĂč elle a jouĂ© dans plus de 90 K-drama (nom des drames prĂ©sentĂ©s Ă  la tĂ©lĂ©vision corĂ©enne). AprĂšs un potentiel conflit d’horaire, la comĂ©dienne est disponible. Et sa performance sera bien au-delĂ  des espĂ©rances du rĂ©alisateur. Mother est alors sĂ©lectionnĂ© au Festival de Cannes dans la section Un certain regard, oĂč les Ă©loges pleuvent concernant autant l’interprĂ©tation magistrale de Kim Hye-ja que la rĂ©alisation inspirĂ©e de Bong Joon-ho.

Pour son premier film en langue anglaise, Bong Joon-ho dĂ©cide d’adapter la bande dessinĂ©e française Le Transperceneige, Ɠuvre postapocalyptique du scĂ©nariste Jacques Lob et du dessinateur Jean-Marc Rochette. Avec un imposant casting international, dont Chris Evans et Tilda Swinton, ce film de science-fiction transpose l’échelle sociale Ă  l’horizontale plutĂŽt qu’à la verticale, dans ce train au multiples wagons qui ne doit jamais s’arrĂȘter. Il s’agit d’une puissante mĂ©taphore sur les dĂ©rives possibles de notre sociĂ©tĂ© ultra libĂ©rale, dominĂ©e par quelques milliardaires. Quatre ans plus tard, en 2017, le cinĂ©aste corĂ©en revient Ă  la charge avec Okja, une autre fascinante rĂ©flexion, cette fois-ci sur notre rapport aux viandes que nous consommons en trop grande quantitĂ©. Le dĂ©fi principal pour Bong Joon-ho pour ce long mĂ©trage a Ă©tĂ© de crĂ©er un cochon gĂ©ant Ă  la fois attachant et crĂ©dible. Tour de force rĂ©ussi, alors que son film d’anticipation compĂ©titionne pour la Palme d’Or au Festival de Cannes, la premiĂšre production Netflix Ă  accomplir cet exploit.

De retour sur la Croisette en 2019 avec sa comĂ©die noire Parasite, Bong Joon-ho ne peut pas encore imaginer qu’il marquera Ă  tout jamais l’histoire du cinĂ©ma. Premier film corĂ©en Ă  remporter la Palme d’Or, Parasite raflera pendant les mois suivants plus de 300 prix dans le monde. Et c’est durant la soirĂ©e du 9 fĂ©vrier 2020 au ThĂ©Ăątre Dolby Ă  Los Angeles que culminera la consĂ©cration d’un des plus grands accomplissements cinĂ©matographiques de ce siĂšcle. À la 92e cĂ©rĂ©monie des Oscars, Parasite devient le premier long mĂ©trage dans une autre langue que l’anglais Ă  gagner l’Oscar du meilleur film, un exploit que plusieurs jugeaient impensable. Et ce soir-lĂ , Bong Joon-ho a aussi Ă©galĂ© le record de Walt Disney, en devenant seulement le second artiste Ă  recevoir quatre Oscars Ă  la mĂȘme cĂ©rĂ©monie, soit ceux du meilleur rĂ©alisateur (devant ses idoles Martin Scorsese et Quentin Tarantino), du meilleur scĂ©nario original (en duo avec Han Jin-won), et comme producteur pour les catĂ©gories du meilleur film international et du meilleur film. L’histoire de cette famille de chĂŽmeurs qui s’impose auprĂšs d’un clan trĂšs nanti a assurĂ©ment touchĂ© une corde sensible partout, car le film a cumulĂ© plus de 260 millions de dollars amĂ©ricains sur la planĂšte.

Avec Mickey 17, l’adaptation du roman Mickey 7 de l’auteur amĂ©ricain Edward Ashton, Bong Joon-ho nous amĂšne dans l’espace pour une comĂ©die de science-fiction mettant en vedette plusieurs versions de Robert Pattinson. Un autre avertissement du cinĂ©aste corĂ©en par rapport Ă  nos dĂ©sirs de clonage et de conquĂȘte interplanĂ©taire ? SĂ»rement un autre film que nous n’oublierons pas de sitĂŽt. |

Mickey 17 de Bong Joon-ho est prĂ©sentement Ă  l’affiche.