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En seulement sept longs mĂ©trages depuis lâannĂ©e 2000, le cinĂ©aste Bong Joon-ho a su sâimposer comme un des plus importants crĂ©ateurs de ce siĂšcle, posant un regard lucide et ludique sur notre Ă©poque. Câest Ă travers diffĂ©rents genres cinĂ©matographiques, de la science-fiction au thriller, souvent avec des touches de comĂ©die, que le natif de Daegu en CorĂ©e du Sud a peaufinĂ© son art, tout en conservant un parfait Ă©quilibre entre le divertissement et ses questionnements sur la nature humaine. Avec lâarrivĂ©e de son huitiĂšme film, le trĂšs attendu Mickey 17, revenons sur le parcours exemplaire de ce talentueux scĂ©nariste, rĂ©alisateur et producteur.
Fort dâune formation en sociologie, qui lui permet de bien analyser ses contemporains, Bong Joon-ho tourne son premier court mĂ©trage intitulĂ© White Man Ă la fin de ses Ă©tudes. Il enchaĂźne ensuite pendant deux ans Ă lâAcadĂ©mie corĂ©enne du cinĂ©ma oĂč il expĂ©rimentera en rĂ©alisant quelques courts en format 16 mm, dont lâexcellent IncohĂ©rence qui sera projetĂ© dans certains festivals internationaux entre 1994 et 1995. AprĂšs plusieurs annĂ©es de vaches maigres, Ă travailler comme chef Ă©clairagiste, directeur photo et scĂ©nariste sur les projets de ses anciens camarades de classe, Bong Joon-ho propose son premier long mĂ©trage, Barking Dogs Never Bite, en 2000. TournĂ© dans le complexe dâhabitation oĂč il rĂ©side, avec trĂšs peu de moyens, son film est sĂ©lectionnĂ© aux prestigieux festivals de San Sebastian en Espagne et Slamdance aux Ătats-Unis. DĂ©jĂ , le sujet rĂ©current du rapport des classes et de son clivage grandissant est bien prĂ©sent, teintĂ© dâun humour noir juste assez dĂ©capant.
Câest avec son solide deuxiĂšme long mĂ©trage, Memories of Murder, que la carriĂšre de Bong Joon-ho prendra son envol, dâabord dans son pays, oĂč le film cumulera plus de 5 millions dâentrĂ©es en salles. Cette histoire du premier tueur en sĂ©rie de la CorĂ©e du Sud a fascinĂ© les CorĂ©ens. Memories of Murder demeure aussi la premiĂšre collaboration du rĂ©alisateur avec son acteur fĂ©tiche, Song Kang-ho, quâil retrouvera Ă trois reprises par la suite. Avec The Host en 2006, Bong Joon-ho sâattaque au film de monstre, pour mieux rĂ©flĂ©chir sur les rĂ©percussions de la pollution de notre environnement. Son troisiĂšme long mĂ©trage lui permet de se rendre au Festival de Cannes pour la premiĂšre fois, dans la section la Quinzaine des rĂ©alisateurs, en plus de devenir lâun des plus gros succĂšs du box-office dans lâhistoire de la CorĂ©e du Sud. Au-delĂ de la crĂ©ature, The Host est aussi et surtout un drame sur la famille, autre thĂ©matique chĂšre au cinĂ©aste.
De retour sur la Croisette en 2019 avec sa comĂ©die noire Parasite, Bong Joon-ho ne peut pas encore imaginer quâil marquera Ă tout jamais lâhistoire du cinĂ©ma.
En 2008, Bong Joon-ho rĂ©alise un des segments du long mĂ©trage collectif Tokyoâ!, aux cĂŽtĂ©s des Français Leos Carax et Michel
Gondry. Il enchaĂźne lâannĂ©e suivante avec le bien nommĂ© Mother. Pour raconter lâhistoire de cette mĂšre prĂȘte Ă tout pour prouver lâinnocence de son fils dans une sordide histoire de meurtre, Bong Joon-ho nâa quâun souhaitâ: collaborer avec lâactrice Kim Hye-ja, vĂ©ritable icĂŽne nationale en CorĂ©e du Sud, oĂč elle a jouĂ© dans plus de 90 K-drama (nom des drames prĂ©sentĂ©s Ă la tĂ©lĂ©vision corĂ©enne). AprĂšs un potentiel conflit dâhoraire, la comĂ©dienne est disponible. Et sa performance sera bien au-delĂ des espĂ©rances du rĂ©alisateur. Mother est alors sĂ©lectionnĂ© au Festival de Cannes dans la section Un certain regard, oĂč les Ă©loges pleuvent concernant autant lâinterprĂ©tation magistrale de Kim Hye-ja que la rĂ©alisation inspirĂ©e de Bong Joon-ho.
Pour son premier film en langue anglaise, Bong Joon-ho dĂ©cide dâadapter la bande dessinĂ©e française Le Transperceneige, Ćuvre postapocalyptique du scĂ©nariste Jacques Lob et du dessinateur Jean-Marc Rochette. Avec un imposant casting international, dont Chris Evans et Tilda Swinton, ce film de science-fiction transpose lâĂ©chelle sociale Ă lâhorizontale plutĂŽt quâĂ la verticale, dans ce train au multiples wagons qui ne doit jamais sâarrĂȘter. Il sâagit dâune puissante mĂ©taphore sur les dĂ©rives possibles de notre sociĂ©tĂ© ultra libĂ©rale, dominĂ©e par quelques milliardaires. Quatre ans plus tard, en 2017, le cinĂ©aste corĂ©en revient Ă la charge avec Okja, une autre fascinante rĂ©flexion, cette fois-ci sur notre rapport aux viandes que nous consommons en trop grande quantitĂ©. Le dĂ©fi principal pour Bong Joon-ho pour ce long mĂ©trage a Ă©tĂ© de crĂ©er un cochon gĂ©ant Ă la fois attachant et crĂ©dible. Tour de force rĂ©ussi, alors que son film dâanticipation compĂ©titionne pour la Palme dâOr au Festival de Cannes, la premiĂšre production Netflix Ă accomplir cet exploit.
De retour sur la Croisette en 2019 avec sa comĂ©die noire Parasite, Bong Joon-ho ne peut pas encore imaginer quâil marquera Ă tout jamais lâhistoire du cinĂ©ma. Premier film corĂ©en Ă remporter la Palme dâOr, Parasite raflera pendant les mois suivants plus de 300 prix dans le monde. Et câest durant la soirĂ©e du 9 fĂ©vrier 2020 au ThĂ©Ăątre Dolby Ă Los Angeles que culminera la consĂ©cration dâun des plus grands accomplissements cinĂ©matographiques de ce siĂšcle. Ă la 92e cĂ©rĂ©monie des Oscars, Parasite devient le premier long mĂ©trage dans une autre langue que lâanglais Ă gagner lâOscar du meilleur film, un exploit que plusieurs jugeaient impensable. Et ce soir-lĂ , Bong Joon-ho a aussi Ă©galĂ© le record de Walt Disney, en devenant seulement le second artiste Ă recevoir quatre Oscars Ă la mĂȘme cĂ©rĂ©monie, soit ceux du meilleur rĂ©alisateur (devant ses idoles Martin Scorsese et Quentin Tarantino), du meilleur scĂ©nario original (en duo avec Han Jin-won), et comme producteur pour les catĂ©gories du meilleur film international et du meilleur film. Lâhistoire de cette famille de chĂŽmeurs qui sâimpose auprĂšs dâun clan trĂšs nanti a assurĂ©ment touchĂ© une corde sensible partout, car le film a cumulĂ© plus de 260 millions de dollars amĂ©ricains sur la planĂšte.
Avec Mickey 17, lâadaptation du roman Mickeyâ7 de lâauteur amĂ©ricain Edward Ashton, Bong Joon-ho nous amĂšne dans lâespace pour une comĂ©die de science-fiction mettant en vedette plusieurs versions de Robert Pattinson. Un autre avertissement du cinĂ©aste corĂ©en par rapport Ă nos dĂ©sirs de clonage et de conquĂȘte interplanĂ©taireâ? SĂ»rement un autre film que nous nâoublierons pas de sitĂŽt. |
Mickey 17 de Bong Joon-ho est prĂ©sentement Ă lâaffiche.