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Entrevue avec Grand Corps Malade et Mehdi Idir

Crédit photo : Unifrance

Entrevue avec les cinéastes Grand Corps Malade et Mehdi Idir pour la sortie du film Monsieur Aznavour.

Après Patients (2017) et La Vie scolaire (2019), Monsieur Aznavour est le troisième long métrage du duo Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Dans le cadre de la sortie du film, MonCiné a pu s’entretenir avec les cinéastes.

Qu’est-ce qui vous interpellait dans l’idée de porter l’histoire de Charles Aznavour au grand écran ?

Grand Corps Malade : Déjà, on a eu la chance de connaître personnellement Charles Aznavour. On l’a côtoyé grâce à Jean-Rachid, notre producteur, qui est aussi son gendre. J’ai aussi eu la chance de chanter en duo avec Charles. Du coup, cet ultime honneur de raconter sa vie au cinéma nous est pratiquement tombé dessus. C’est Charles qui avait évoqué avec Jean-Rachid la possibilité d’adapter sa biographie au cinéma en voulant que ce soit lui qui le produise. Jean-Rachid avait auparavant produit notre premier film, Patients (2017). Il nous a proposés comme réalisateurs à Charles et, puisqu’il avait aimé notre film, il a validé ce choix. Du coup, tout ça aide à rentrer dans le projet. Pour lui, la portion la plus importante de l’histoire, c’était la partie avant son succès. Nous devions tourner à la fin 2018, puis Charles est décédé en octobre. Par respect, on a laissé le projet de côté. Quelques années plus tard, quand nous avons eu le goût de le faire et sachant que la famille était dernière nous aussi, on a eu la force de s’y mettre.

Décider de raconter la vie d’Aznavour ne doit pas être une tâche mince alors que plusieurs possibilités existent sur le plan narratif. Comment avez-vous travaillé la construction du récit et l’écriture du scénario ?

Mehdi Idir : D’abord, il fallait tout connaître de Charles. Ça impliquait donc qu’il fallait tout lire, tout écouter et tout regarder. Nous avons eu aussi la chance d’avoir accès à ses archives personnelles. Il fallait ingurgiter le maximum d’informations et, dans un premier temps, écrire la ligne du temps de sa vie : de la naissance à sa mort avec les éléments importants. De ce travail, petit à petit, s’en sont dégagées cinq parties. Notre première version du scénario faisait 220 pages, ce qui est très long. Le plus gros boulot a été d’élaguer, de polir et de peaufiner. On a aussi enlevé des choses en préproduction, en tournage et, surtout, au montage alors que la première version du film dépassait légèrement les trois heures. Donc, c’était ça le plus gros du boulot, retirer des choses pour en arriver à un film de moins de deux heures trente minutes.

Combien de temps avez-vous passé pour la portion de vos recherches ?

Mehdi : C’est difficile à quantifier, car au travers de tout ça, Fabien (Grand Corps Malade) et moi faisions aussi autre chose. Donc, on n’était jamais à temps plein sur ce projet. En gros, le processus d’écriture a dû prendre un an, mais pas à temps plein, sauf les derniers mois.

Réaliser un film historique qui se déroule sur différentes époques ne doit pas être évident. Quelle était votre plus grande crainte ? Quels étaient les plus grands défis liés à sa production ?

Grand Corps Malade : Il y en avait pas mal, des craintes, pas qu’une (rire) ! Déjà, il y avait tout cet enjeu de film d’époque, ce qui était nouveau pour nous. Mais c’était aussi très excitant ! Nous avons fait des recherches sur comment étaient les rues à Paris dans les années 30, les coiffures des dames dans les années 50, voilà deux exemples parmi des dizaines et des dizaines. Un film d’époque, il faut que ça sonne vrai. Un des premiers enjeux a été d’avoir une cohérence au fil de l’évolution des époques, qui est aussi l’évolution de Charles Aznavour. Il fallait lier le tout avec ses costumes, son apparence physique comme son opération au nez, son changement de style, puisque petit à petit, il trouve son personnage et la formule Aznavour dans ses chansons. Il y avait donc plusieurs craintes et enjeux vu que le film se déroule sur plusieurs décennies.

« Un des premiers enjeux a été d’avoir une cohérence au fil de l’évolution des époques, qui est aussi l’évolution de Charles Aznavour. Il fallait lier le tout avec ses costumes, son apparence physique comme son opération au nez, son changement de style, puisque petit à petit, il trouve son personnage et la formule Aznavour dans ses chansons. »

– Grand Corps Malade

Comment avez-vous arrêté votre choix sur Tahar Rahim pour incarner Aznavour ?

Mehdi : Ce qui nous a convaincus, c’est Tahar (rire) ! Mais nous n’avions pas pensé à lui au début. On se demande encore pourquoi (rire) ! C’est notre directeur de casting qui nous a fait la suggestion. On a appelé Tahar un vendredi pour lui parler de ça, ce à quoi il a très gentiment et très poliment répondu : « Mais, vous êtes des ouf quoi (rire) ! » Il nous a rappelés le lundi en nous disant qu’il avait passé tout le week-end à regarder des documentaires sur Charles et qu’il croyait finalement pouvoir le faire. C’est comme ça que nous sommes partis avec lui.

La découverte du film est probablement Marie-Julie Baup, qui interprète Édith Piaf. Un petit mot à son sujet ?

Grand Corps Malade : On ne la connaissait absolument pas. Elle a passé tous les tours de casting. Dès la première fois qu’elle a passé le casting, on s’est dit qu’elle avait quelque chose. Elle avait joué le jeu en venant avec une petite robe noire pour nous montrer ce que ça pouvait donner. Elle a tout de suite senti la voix de Piaf et aussi ce que nous voulions mettre dans le personnage qui n’est peut-être pas trop connu du public et qui n’est pas vraiment traité dans le film La Môme (2007), c’est-à-dire la Piaf vanneuse et rigolote. Évidemment, elle demeure la cheffe de troupe avec son côté tortionnaire, mais on a axé le scénario sur cet autre aspect d’elle tel que nous l’avait raconté Charles. Il nous avait dit : « Piaf, bien sûr elle était dure, des fois on l’aimait et on la détestait, mais surtout, il n’y avait pas un jour où on ne se marrait pas avec elle. Elle était très drôle. » Donc, Marie-Julie a senti ça dans le scénario. C’est une comédienne de très grand talent. C’est elle qui chante aussi dans le film. On sent qu’elle aussi a étudié Piaf dans ses moindres gestes et détails. Nous avons vraiment adoré bosser avec elle.

Après Patients et La Vie scolaire, c’est le troisième film que vous coréalisez ensemble. Comment est née cette association ?

Grand Corps Malade : À la base, on est des potes. On se connaît depuis très longtemps. On a monté plusieurs projets de spectacles ensemble.

Mehdi : On vient de la même ville où nous étions voisins.

Grand Corps Malade : On a grandi ensemble et Medhi a réalisé pratiquement tous mes clips musicaux. La collaboration en tant que réalisateurs est venue sur le film Patients. J’avais écrit le scénario, mais je ne voulais pas le réaliser. Puisque c’était quand même mon histoire, je ne voulais pas le donner à n’importe qui et qu’il parte faire son film. J’ai finalement développé l’envie de le réaliser, mais je ne voulais pas le faire seul, car je ne connaissais rien à tout ça. J’ai donc demandé à Mehdi s’il sentait qu’on réalise le film ensemble même s’il n’avait pas d’expérience dans le long métrage. On s’est lancés les deux dans ce premier film et puisque la collaboration fonctionne bien et qu’on est toujours aussi potes après deux films, on s’est dit que ça serait évident de continuer pour Monsieur Aznavour (rire).

Comment partagez-vous le travail ?

Mehdi : Ça vient de manière naturelle. On ne se divise rien. Avant de rentrer en préparation avec nos équipes, on se fait des mises à jour tous les deux où l’on discute de tous les sujets possibles de chaque scène : que doivent porter les personnages, qu’est-ce qu’ils doivent dire, les plans que l’on va faire, la déco, etc. Du coup, ça nous permet tous de parler le même langage et d’être d’accord sur tout, enfin à 95 %.

Grand Corps Malade : À 94 % (rire).

Mehdi : À 94 %. C’est le chiffre officiel (rire). Les acteurs et les techniciens confirment que nous sommes presque toujours d’accord sur le plateau, ils disent même que nous avons un cerveau pour deux. Du coup, on parle d’une même voix et si on n’est pas d’accord, on tourne les deux versions. Il y a toujours un moment où l’un de nous deux dit à l’autre qu’il avait finalement raison (rire). On s’entend très bien, non ?

Grand Corps Malade : Oui, c’est vrai (rire). |

Le drame biographique Monsieur Aznavour est présentement à l’affiche.