Image tirĂ©e de l’affiche du film Capitaine Americaâ: Le Meilleur des mondes (2025)
Que le nom de Laura Karpman vous soit inconnu, malgrĂ© une carriĂšre incroyablement prolifique, nâa rien dâĂ©tonnant Ă©tant donnĂ© que celle Ă qui lâon doit la musique du dernier film de la franchise Marvel, Captain America: Brave New World (Capitaine Americaâ: Le Meilleur des mondes), sâest longtemps trouvĂ©e confinĂ©e Ă des crĂ©ations pour la tĂ©lĂ©vision (tĂ©lĂ©films et sĂ©ries). Ce nâest plus le cas dĂ©sormais. LâĂ©ventail des possibilitĂ©s sâoffrant Ă la compositrice sâest en effet considĂ©rablement Ă©largi depuis quâelle a joint les rangs de la prestigieuse liste des collaborateurs du MCU (le Marvel Cinematic Universe ou Univers Marvel).
Dans les salles de concert, on la connaissait dĂ©jĂ bien, notamment pour son album rĂ©cipiendaire dâun Grammy Ask Your Mama, un opĂ©ra multimĂ©dia basĂ© sur lâĆuvre du cĂ©lĂšbre poĂšte, librettiste et dramaturge afro-amĂ©ricain Langston Hughes, Ă©galement militant pour la dĂ©fense des droits civiques. Pour cette commande, venue du Carnegie Hall, la compositrice a collaborĂ© avec la soprano Jessye Norman, avec le groupe de hip-hop The Roots ainsi quâavec la chanteuse de jazz Nnenna Freelon. Ăclectique, dites-vousâ?
Personnellement, je suis fan depuis que jâai entendu la musique dĂ©licieusement jazzĂ©e du remarquĂ© American Fiction (Fiction amĂ©ricaine), que jâavais beaucoup aimĂ©, et pour laquelle Karpman a mĂ©ritĂ© une nomination aux Oscars, en 2024, pour la meilleure musique de film. La consĂ©crationâ! Rappelons quâĂ cette occasion elle affrontait une belle brochette dâadversaires, dont Ludwig Göransson (Oppenheimer), John Williams (Indiana Jones and the Dial of Destiny, ou Indiana Jones et le cadran de la destinĂ©e), Robbie Robertson (Killers of the Flower Moon, ou La Note amĂ©ricaine), et Jerskin Fendrix (Poor Things, ou Pauvres crĂ©atures).
NĂ©e en 1959 Ă Los Angeles, la compositrice californienne, titulaire dâune maĂźtrise et dâun doctorat de la fameuse Julliard School, a signĂ© sa premiĂšre trame musicale en 1989 pour un tĂ©lĂ©film intitulĂ© My Brotherâs Wife (La Femme de mon frĂšre). Une cinquantaine de films plus tard, et aprĂšs de nombreuses nominations aux Emmys, elle se faisait remarquer pour de bon en signant la musique du film The Marvels (Les Marvels), sorti en 2023.
Parce quâau-delĂ de son amour du jazz, la compositrice a toujours Ă©prouvĂ© un penchant particulier pour la musique symphonique ou pour grand orchestre, un genre omniprĂ©sent dans les films de la cĂ©lĂšbre franchise. Elle ne cache dâailleurs pas son enthousiasme face Ă cette palpitante aventure que constitue le fait de travailler pour Marvel Sudiosâ: «âTout le monde ici adore la musique. Elle y est apprĂ©ciĂ©e, elle y est mise de lâavant, elle y est cĂ©lĂ©brĂ©e et câest pourquoi jâadore vraiment travailler pour MCU. Jâai commencĂ© Ă composer dĂšs lâĂąge de sept ans et je fais des musiques de film depuis un bon moment dĂ©jĂ . Mais câest en travaillant sur la musique de The Marvels que jâai rĂ©alisĂ© que, dâune certaine maniĂšre, mĂȘme si je ne le savais pas, câĂ©tait mon rĂȘve depuis le dĂ©butâ», raconte-t-elle.
Captain America: Brave New World est donc sa deuxiĂšme contribution pour grand Ă©cran sous lâĂ©gide des cĂ©lĂšbres studios hĂ©bergĂ©s Ă Burbank. Elle a aussi collaborĂ© Ă la saison 2 de What ifâŠ?, une sĂ©rie dâanimation anthologique disponible sur Disney +, et obtenu, en 2023, deux nominations aux Emmys (Outstanding Music Composition For A Limited Or Anthology Series, Movie Or Special/Original Dramatic Score et Outstanding Original Main Title Theme Music), grĂące au thĂšme et Ă la musique de Ms. Marvel, une minisĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e produite en 2022 et Ă©galement disponible sur Disney +.
«âAvec Marvel et compte tenu de lâĂ©tendue de la palette musicale pour grand orchestre qui sâoffre Ă moi, jâai lâimpression dâavoir remportĂ© le gros lotâ!â» On comprend tout Ă faitâ! «âLa musique est ce que je suisâ», a-t-elle exprimĂ©.
DotĂ©e dâune personnalitĂ© haute en couleur, lâartiste qui a enseignĂ© au Berklee College of Music attire Ă©galement lâattention par sa passion pour les lunettes Ă monture excentrique quâelle affectionne tout particuliĂšrement, remettant au goĂ»t du jour le look du Elton John des annĂ©es 1970-80. Son style vestimentaire est tout aussi fantaisiste, en particulier lors de ses apparitions Ă des Ă©vĂ©nements prestigieux comme la derniĂšre soirĂ©e des Oscars. TrĂȘve de bavardage, ce qui mâa intĂ©ressĂ©e, pour vrai, câest dâapprendre que la compositrice se rĂ©vĂ©lait une fervente dĂ©fenseure non seulement de la DEI (diversitĂ©, Ă©quitĂ© et inclusion) Ă Hollywood, mais aussi de lâavancement du statut des femmes dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, et en particulier dans lâindustrie musicale. Une mission quâelle a brillamment illustrĂ©e Ă travers une Ćuvre intitulĂ©e All American, commandĂ©e pour le Los Angeles Philharmonic, et faisant la lumiĂšre sur la contribution des compositrices dont le nom a Ă©tĂ© oubliĂ© par lâhistoire. On lui doit aussi And Still We Dream, une Ćuvre commandĂ©e par le Lyric Opera de Kansas City, en lâhonneur du centiĂšme anniversaire du droit de vote des femmes lĂ -bas.
TĂ©moignant de son propre long purgatoire en tant quâartiste de sexe fĂ©minin dans un monde oĂč les hommes ont traditionnellement dominĂ©, Karpman ditâ: «âJâai mis longtemps Ă rĂ©aliser que le fait de ne pas obtenir le contrat de mes rĂȘves nâĂ©tait pas ma faute. CâĂ©tait juste du sexisme institutionnalisĂ©, il Ă©tait partout.â» Tiens, tiens⊠Pas Ă©tonnant quâelle ait fondĂ© lâAlliance for Women Film Composers et quâelle ait Ă©tĂ© Ă©lue premiĂšre femme gouverneure de la branche musicale de lâAcademy of Motion Picture Arts and Sciences, oĂč elle a menĂ© de front deux mandats consĂ©cutifs de trois ans. On dit quâelle a effectuĂ© de radicaux changements au sein de lâinstitution, facilitant lâadmission de dizaines de voix jusque-lĂ sous-reprĂ©sentĂ©es et contribuant Ă la crĂ©ation dâun tout nouveau code de conduite. Chapeauâ!
En attendant que ce genre de luttes ne soit plus nĂ©cessaire (on peut toujours rĂȘver), on lui souhaite la meilleure des chances pour la suite.
Laura Karpman fĂȘtera ses 66 ans le 1er mars prochain. Elle rĂ©side toujours Ă Los Angeles avec sa femme, la compositrice Nora Kroll-Rosenbaum, leurs fils et leurs deux chiens.
Que la force soit avec toi, Laura, et quâelle te garde toujours aussi puissante que gĂ©nĂ©reuse face aux dĂ©fis auxquels lâindustrie du film doit continuer de faire face. |
Captain America: Brave New World prendra lâaffiche en fĂ©vrier prochain.