|

Par

Entrevue avec Arnaud et Jean-Marie Larrieu et Karim Leklou

Crédit photo : Marie Rouge / Philippe Quaisse / Unifrance

Entrevue avec les cinĂ©aste Arnaud et Jean-Marie Larrieu et l’acteur Karim Leklou pour la sortie du film Le Roman de Jim.

Le Roman de Jim, adaptation du roman de Pierric Bailly, est le neuviĂšme long mĂ©trage des frĂšres Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Il a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans la section « Cannes PremiĂšre » au Festival de Cannes 2024. À l’occasion de la sortie du film, MonCinĂ© a pu s’entretenir avec les cinĂ©astes en plus de l’acteur principal, Karim Leklou.

Que perceviez-vous dans le roman de Pierric Bailly qui vous permettrait d’en tirer un film ?

Jean-Marie Larrieu : Je me souviens que nous avions beaucoup aimĂ© la sĂ©quence de la fin, celle de la grande nuit de musique Ă©lectro, qui Ă©tait presque la seule Ă©crite comme celle d’un film d’ailleurs. Que la vĂ©ritĂ© soit dite dans un endroit qui ne s’y prĂȘte pas du tout nous avait beaucoup plu. Les personnages nous Ă©taient aussi un peu familiers. Ces personnes qui avancent dans la nuit sans trop de projets dĂ©finis et qui tentent de s’en tirer. Puis, l’histoire de l’enfant et le rapport Ă  l’adoption. Enfin, de dĂ©couvrir le Jura, une rĂ©gion que nous ne connaissions pas. Plusieurs critiques Ă©voquaient aussi que le livre ferait un super mĂ©lodrame, ce qui nous Ă©tonnait. On se disait : « Il va falloir Ă©normĂ©ment travailler pour y arriver (rire) ! » Finalement, on a Ă©tĂ© portĂ©s un peu par Pierric, car c’est l’écrivain qui nous a choisis. Il avait une assurance qui nous convainquait que ce film Ă©tait pour nous.

Est-ce que le processus d’adaptation du roman sous forme de scĂ©nario a Ă©tĂ© long ?

Jean-Marie : On essaye toujours d’aller plus vite dans l’écriture d’une adaptation qu’un scĂ©nario original, mais en vĂ©ritĂ© c’est faux (rire). On a peut-ĂȘtre gagnĂ© deux ou trois mois d’écriture. Le scĂ©nario a Ă©tĂ© Ă©crit en environ neuf mois. Nous travaillons toujours avec un consultant lorsque nos scĂ©narios commencent Ă  avoir une premiĂšre version. D’ailleurs, c’est un Suisse que nous avons rencontrĂ© ici au QuĂ©bec il y a plusieurs annĂ©es Ă  l’Atelier Grand Nord (un forum unique de rencontres sur la scĂ©narisation de longs mĂ©trages de fiction en langue française). Il n’avait pas lu le roman, donc son regard extĂ©rieur a Ă©tĂ© prĂ©cieux. Nous savions qu’à la derniĂšre version du scĂ©nario, nous tenions quasiment le film. Mais on s’est quand mĂȘme un peu bagarrĂ©s, Arnaud et moi, pour le scĂ©nario (rire). On a finalement terminĂ© l’écriture dans un festival de cinĂ©ma en SlovĂ©nie alors qu’on s’était enfermĂ©s dans la mĂȘme chambre. On a fini par y parvenir (rire).

Qu’est-ce qui vous a sĂ©duit chez Karim pour le rĂŽle d’Aymeric ?

Arnaud Larrieu : Pour Karim, ça s’est jouĂ© Ă  notre premiĂšre rencontre physique. Il avait lu le scĂ©nario et nous avons bu un cafĂ© dans Montmartre et ça s’est passĂ© lĂ  (rire).

Jean-Marie : Il faut dire que nous l’avons rencontrĂ© tardivement. On avait discutĂ© avec plusieurs comĂ©diens, mais on n’arrivait pas Ă  trouver.

Arnaud : Le cinĂ©ma est avant tout fait d’images. On pourrait croire qu’il est facile de faire des choix en regardant des photos puisque les comĂ©diens vont finir en image, mais en rĂ©alitĂ©, ce n’est pas vrai du tout. L’ñme d’un personnage, c’est aussi l’acteur. Ça se fait aussi par des rencontres physiques.

Karim, pourquoi ce dĂ©sir de jouer ce personnage et quels dĂ©fis reprĂ©sentait-il pour vous ?

Karim Leklou : PremiĂšrement, le scĂ©nario m’a vraiment touchĂ©. J’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©mu Ă  sa lecture. J’aimais aussi beaucoup l’idĂ©e de ce personnage masculin doux qui n’est pas trĂšs souvent reprĂ©sentĂ© au cinĂ©ma. J’aimais ce qu’il racontait sur sa vie, sur la nature humaine. Je trouvais aussi le point de vue sur la paternitĂ© trĂšs original parce que ce n’est pas quelqu’un qui la veut, mais qui finit par dĂ©velopper ce dĂ©sir. Le film est une Ă©popĂ©e romanesque du quotidien d’un personnage (rire).

« J’aimais aussi beaucoup l’idĂ©e de ce personnage masculin doux qui n’est pas trĂšs souvent reprĂ©sentĂ© au cinĂ©ma. Je trouvais aussi le point de vue sur la paternitĂ© trĂšs original parce que ce n’est pas quelqu’un qui la veut, mais qui finit par dĂ©velopper ce dĂ©sir. »

– Karim Leklou

Vous partagez de trĂšs belles scĂšnes avec le jeune comĂ©dien Eol Personne, qui incarne Jim enfant. Comment avez-vous travaillĂ© ensemble pour dĂ©velopper cette belle complicité ?

Karim : Le premier Jim avec qui j’ai tournĂ© est celui dans la vingtaine jouĂ© par le comĂ©dien Andranic Manet. Nous avons commencĂ© le tournage par la fin du film, ce qui n’est jamais Ă©vident. Heureusement, nous avions fait une sĂ©ance de travail avant, ce qui faisait qu’il n’y avait pas cette forme de pudeur entre nous. Nous n’étions pas dans cette phase d’apprendre Ă  se connaĂźtre, ce qui Ă©tait hyper important. DĂšs le premier jour, c’était une scĂšne d’un grand enjeu pour le film. Pour Eol, ils ont fait un casting d’enfants auquel j’ai assistĂ©. Parfois, il peut y avoir des difficultĂ©s pour les enfants Ă  rester dans le texte et quand ça ne marchait pas, ils changeaient la chose. Ils y allaient plus avec son regard. Mais ça s’est super bien passĂ© avec Eol. Et je pense que notre diffĂ©rence physique fonctionne : le petit blond avec quelqu’un qui n’était pas blond, quoi (rire). Ce que j’ai adorĂ© sur le plateau, c’est qu’ils le considĂ©raient comme un enfant et non pas comme un acteur professionnel.

Jean-Marie : Parfois le danger avec les enfants, c’est qu’ils peuvent ĂȘtre trop scolaires. Ce n’est pas qu’ils ne connaissent pas bien leurs textes, mais qu’ils veulent trop bien faire. Ici, l’idĂ©e Ă©tait de le laisser un peu vivre. On l’avait choisi au casting Ă  cause de son regard et de son rapport Ă  la vĂ©ritĂ©.

Dans votre film, vous abordez un thĂšme, que je pense qu’on peut considĂ©rer comme encore tabou, celui de la nuditĂ© et de la sexualitĂ© d’une femme enceinte. Comment avez-vous abordĂ© cette scĂšne, qui est trĂšs belle par ailleurs ?

Jean-Marie : D’abord, on y tenait. Ce moment est dans le livre, bien qu’il se passe au fil des jours. Nous, on voulait qu’il y ait une scĂšne fondatrice. C’était hyper important, car c’est la premiĂšre apparition de Jim mĂȘme s’il est dans le ventre. Le ventre est donc le sujet de la sĂ©quence. Sur le plan technique, il a fallu concevoir un faux ventre et de faux seins. Ils sont trĂšs bien faits, mais ç’a un coĂ»t. Ça prenait quatre heures pour maquiller LĂŠtitia Dosch. Elle Ă©tait trĂšs Ă  l’aise avec son corps, mĂȘme si c’était une sorte de dĂ©guisement. Karim n’aime pas les scĂšnes de nuditĂ©, donc il nous offrait que le torse (Karim se met Ă  rire). Quand on les a mis sur ce lit, il n’y avait que trois positions possibles qu’on pouvait filmer avec la camĂ©ra (rire).

Karim : Elle est chouette. Il y a beaucoup de douceur qu’on retrouvait aussi sur le plateau.

En terminant, un petit mot sur la sĂ©quence de la falaise et du pont suspendu. Karim, Ă©tiez-vous rĂ©ellement aussi terrifiĂ© que vous en aviez l’air ?

Karim : J’ai complĂštement jouĂ© ça (rire) ! DĂšs le dĂ©part, je leur avais dit que j’ai le vertige. Ils ont donc amenĂ© un guide de montagne, PĂ©pĂ©, avec qui je me suis entraĂźnĂ©. Pour cette sĂ©quence oĂč je monte cette Ă©chelle sur la falaise, c’est lui qui me dirigeait Ă  la voix. Il n’y avait plus d’acteur. J’étais dans une situation de dĂ©tresse (rire). Comme mon personnage, j’ai Ă©tĂ© super fier de rĂ©ussir Ă  le faire. C’était complĂštement irrationnel comme moment (rire). En plus, il faisait hyper soleil et il n’y avait pas de nuages dans le ciel, j’avais l’impression de monter vers le paradis. Je crois que c’est une des choses que j’ai prĂ©fĂ©rĂ©es. Sans PĂ©pĂ©, je n’y serais jamais arrivĂ© (rire). |

Le drame Le Roman de Jim est prĂ©sentement Ă  l’affiche.