Crédit photo : Marie Rouge / Unifrance
Entrevue avec les cinéastes Charlotte Le Bon et Céline Sallette pour la sortie du film Niki.
Avec Niki, lâactrice CĂ©line Sallette signe son premier long mĂ©trage. Câest la comĂ©dienne quĂ©bĂ©coise Charlotte Le Bon qui incarne lâartiste iconoclaste Niki de Saint-Phalle. Pour la sortie du film, MonCinĂ© a eu lâoccasion de sâentretenir avec le duo.
CĂ©line, quâest-ce qui vous a donnĂ© le goĂ»t de faire un film sur Niki de Saint-Phalleâ?
CĂ©line Salletteâ: La grande modernitĂ© de son parcours. Aujourdâhui, on comprend que ce quâelle a traversĂ©, câest une normalitĂ© comme traumatisme (le viol par son pĂšre). Avant, on croyait que ces personnes Ă©taient tout simplement malades. Maintenant, 80 % des victimes dâinceste prĂ©sentent des problĂšmes de psychiatrie ou sont suicidaires. Câest Ă©norme quand mĂȘmeâ! Câest donc normal dâĂȘtre proche de lâabyme quand on traverse ça. Ce qui me bouleverse dans ce moment de sa vie oĂč elle est internĂ©e, câest comment elle se transforme en lâartiste quâelle deviendra plus tard. Câest une chose que jâavais Ă cĆur de partagerâ: comment on peut devenir soi. Comment on peut accĂ©der Ă sa puissance. Comment on peut transformer son destin.
Que voyiez-vous en Charlotte Le Bon pour lui confier le rĂŽle de Nikiâ?
CĂ©lineâ: Absolument toutâ! Ăvidemment, jâĂ©tais frappĂ© par sa ressemblance physique quand je lâai rencontrĂ©e pour la premiĂšre fois, mais aussi de son parcours de mannequin jusquâĂ celui de metteure en scĂšne il y a quelques annĂ©es, avec son film Falcon Lake. Je trouvais quâelle nâavait pas encore eu le rĂŽle qui lui permettrait dâatteindre toute sa grandeur dâactrice. Je croyais donc quâelle Ă©tait la personne idĂ©ale pour interprĂ©ter Niki.
Charlotte, vous gravitez aussi dans le monde des arts visuels par vos illustrations, peintures et photographies. Connaissiez-vous lâĆuvre et lâhistoire de Niki de Saint-Phalleâ?
Charlotte Le Bonâ: Je la connaissais vaguement artistiquement, mais pas tout son parcours ni lâhistoire de la femme. Heureusement, jâai pu creuser en amont du film.
Quâest-ce qui vous intĂ©ressait dans ce rĂŽleâ?
Charlotteâ: Dans la vie dâune interprĂšte, ce genre de proposition nâarrive pas souvent. Je lâai vraiment prise comme un cadeau. CâĂ©tait un dĂ©fi Ă la fois enthousiasmant et terrifiant, parce quâĂ©videmment câest la plus grande partition en tant quâactrice que jâai eu Ă jouer depuis le dĂ©but de ma carriĂšre. Je me sentais bien accompagnĂ©e par CĂ©line qui faisait son premier film, alors que moi, je sortais du mien. Je sentais quâil y avait une ouverture de collaboration entiĂšre de son cĂŽtĂ© et quâon allait travailler ensemble pour essayer de raconter la meilleure histoire possible.
CĂ©line est une comĂ©dienne accomplie. Comment est-ce pour une actrice dâĂȘtre dirigĂ©e par une autreâ?
Charlotteâ: Je me suis sentie trĂšs aimĂ©e. CĂ©line comprend bien la vulnĂ©rabilitĂ© de lâacteur, notre fragilitĂ©. Elle comprend aussi ce qui peut nous entraver dans notre jeu. Elle Ă©tait vraiment comme une super cheffe dâorchestre.
CĂ©lineâ: Comme acteur, tu sais que tu ne diriges pas vraiment un autre acteur. Câest comme un athlĂšte qui fait une course et qui, Ă un moment, est confrontĂ© Ă une canette sur la piste et que tu enlĂšves. Mon rĂŽle est de lâaider Ă courir dans la bonne direction (rire).
Pour la production du film, vous avez tenu un plateau de tournage trĂšs minimaliste avec peu de techniciens. Pourquoi cette approcheâ?
CĂ©lineâ: Comme le sujet du film, je cherchais Ă tourner avec une certaine libertĂ©. Il faut dire que nous possĂ©dions un budget de 400 000 euros, ce qui nâest pas Ă©norme pour un film dâĂ©poque. En enlevant quelques postes, je savais que je pouvais gagner du temps. Il faut dire quâau cinĂ©ma, on se fait bouffer par les machines, quoi (rire)â! On est moins aussi dans lâinertie, Ă attendre que tout soit installĂ©.
Quelle scĂšne a reprĂ©sentĂ© le plus grand dĂ©fi pour chacune de vousâ?
Charlotteâ: Pour moi, il y avait des dĂ©fis de jeu tous les jours. Il nây a eu aucun jour oĂč je suis arrivĂ©e dĂ©contractĂ©e sur le plateau. Je ne lâai pas vĂ©cu comme un fardeau, mais il nây avait aucune journĂ©e lĂ©gĂšre de scĂšnes Ă tourner. Mais lĂ oĂč nous avons eu peut-ĂȘtre notre plus belle surprise, câest la scĂšne dans laquelle je peins le portrait de mon amant. Sur le papier, câĂ©tait plus une scĂšne de lâordre de lâeuphorie oĂč elle trouve lâidĂ©e et elle veut rapidement la crĂ©er. Au moment du tournage, la scĂšne sâest transformĂ©e en quelque chose de plus dense, de plus cathartique pour le personnage. Je suis allĂ©e dans des endroits que je ne soupçonnais pas. Câest quelque chose qui est montĂ© en moi et jâai juste dĂ©cidĂ© de lâembrasser alors que CĂ©line mâencourageait Ă y aller. Pour moi, câest un de mes plus beaux souvenirs de tournage.
CĂ©lineâ: Câest vrai que pour tourner cette scĂšne, nous avions louĂ© un appartement. Donc il ne fallait pas le salir. Charlotte faisait de gros gestes oĂč elle lançait la peinture. Nous avions donc des draps et des dispositifs de rĂ©cupĂ©ration de peinture sur le plateau. CâĂ©tait un vrai bazar (rire)â!
Charlotte, votre personnage est au cĆur dâune scĂšne assez brusque. Comment se prĂ©pare-t-on en tant quâactrice pour la jouerâ?
Charlotteâ: HonnĂȘtement, ces scĂšnes-lĂ sont peut-ĂȘtre les moins dures Ă faire. Tout est chorĂ©graphiĂ©. Et on a visitĂ© la scĂšne plusieurs fois avant de la jouer. Pour moi, la scĂšne la plus difficile Ă faire est probablement la scĂšne oĂč je confronte le docteur quand je reviens Ă la clinique et que je lui demande ses excuses. Je ne sais pas pourquoi, mais on nâarrivait pas Ă la trouver.
CĂ©lineâ: Je crois que je ne lâavais pas bien Ă©crite (rire). On a tout inversĂ© au montage. Pour moi, elle demeurait une scĂšne clĂ© et, finalement, elle nâa rien eu Ă voir avec comment je lâavais tournĂ©e.
Lâacteur amĂ©ricain John Robinson sâexprime trĂšs bien en français. Est-ce quâil a suivi des cours pour le filmâ?
Charlotteâ: Il vit en France depuis plusieurs annĂ©es. Il avait quittĂ© Hollywood parce quâil ne se sentait pas trop Ă sa place lĂ -bas. Il vit en campagne avec sa famille. Il parle donc trĂšs bien français. |
Le drame historique Niki est prĂ©sentement Ă l’affiche.