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Joaquin Phoenix

Image tirée du film Joker (2019)

En octobre, quelques jours aprĂšs la sortie mondiale de Joker : Folie Ă  deux, l’acteur amĂ©ricain Joaquin Phoenix soufflera ses 50 bougies. Passer en revue la filmographie impressionnante – pas tant par la quantitĂ©, mais plutĂŽt par la qualitĂ© – de ce comĂ©dien polyvalent, c’est prendre la mesure de sa capacitĂ© unique Ă  s’immerger corps et Ăąme dans des personnages complexes et souvent dĂ©stabilisants, quels que soient le style, le genre et la tonalitĂ© du film. Joaquin Phoenix sait plus que quiconque se les approprier jusqu’à ne plus faire qu’un avec eux. Il n’interprĂšte pas un personnage, il est le personnage.

La frontiĂšre tĂ©nue qui sĂ©pare l’homme et l’acteur trouve des racines Ă©videntes dans sa plus tendre enfance. Car c’est sous une autre identitĂ©, Joaquin Rafael Bottom, qu’il naĂźt le 28 octobre 1974 Ă  Porto Rico. Ses parents sont des missionnaires chrĂ©tiens appartenant Ă  la congrĂ©gation des Enfants de Dieu. ObligĂ©s de les suivre partout oĂč ils se rendent prĂȘcher la bonne parole, Joaquin, ses frĂšres et ses sƓurs connaissent une vie non conventionnelle, faite d’errance et d’incertitude. Lorsqu’il a quatre ans, ses parents quittent le culte, déçus, et retournent s’installer Ă  Los Angeles. Comme pour mieux marquer ce changement radical, ils adoptent le nom de Phoenix, en rĂ©fĂ©rence au mythique oiseau renaissant de ses cendres. En Californie, les enfants dĂ©veloppent des qualitĂ©s artistiques multiples et ne tardent pas Ă  tenter leur chance dans des concours de jeunes talents. DĂšs l’ñge de huit ans, Joaquin, qui avait pris « Leaf » comme prĂ©nom de scĂšne, et son frĂšre aĂźnĂ©, River, font leurs premiers pas dans la publicitĂ©, avant d’apparaĂźtre dans un Ă©pisode de la sĂ©rie Seven Brides for Seven Brothers. En 1986, il dĂ©croche son premier rĂŽle au cinĂ©ma dans SpaceCamp (Cap sur les Ă©toiles), comĂ©die relatant les mĂ©saventures de quatre adolescents envoyĂ©s par erreur dans l’espace. Les regards commencent Ă  se tourner vers lui trois ans plus tard avec Parenthood (Portrait crachĂ© d’une famille modĂšle) de Ron Howard, dans lequel il livre une incarnation convaincante d’un jeune rebelle refusant le mode de vie bourgeois de sa famille.

Joaquin reprend son prĂ©nom d’état civil et s’éloigne des plateaux pour parcourir l’AmĂ©rique du Sud. À son retour, alors qu’il est dans une boĂźte de nuit avec son grand frĂšre River, il assiste, impuissant, Ă  la mort de celui-ci d’une surdose. Cette Ă©preuve qui le marquera Ă  tout jamais a dĂ©jĂ  des impacts visibles deux ans plus tard, lorsqu’il retrouve le grand Ă©cran. C’est en effet dans la peau d’un jeune adulte sombre et mystĂ©rieux, sĂ©duit par une journaliste avide de succĂšs incarnĂ©e par Nicole Kidman, qu’il apparaĂźt dans le satirique To Die For (PrĂȘte Ă  tout) de Gus Van Sant (1995). Sa performance remarquĂ©e lui ouvre les portes de productions importantes, dont U-Turn (Ici commence l’enfer) d’Oliver Stone, 8MM (8 millimĂštres) de Joel Schumacher ou The Yards (Trahison) de James Gray. Il faut attendre Gladiator (Gladiateur) de Ridley Scott (2000) pour qu’il obtienne son premier rĂŽle vĂ©ritablement dĂ©terminant. Pour son incarnation de Commodus, empereur romain froid, sombre et rongĂ© par la jalousie, il est mis en nomination pour l’Oscar du meilleur acteur de soutien. Par la suite, on le verra dans le drame Quills (Quills, la plume et le sang) de Philip Kaufman (2000), la comĂ©die noire Buffalo Soldiers (Soldats sans bataille, 2001) et dans les drames fantastiques Signs (Signes) et The Village (Le Village) de M. Night Shyamalan (2002 et 2004).

Joaquin Phoenix, acteur polyvalent, se fond corps et Ăąme dans des rĂŽles complexes, transformant chaque personnage en une incarnation unique et inoubliable.

AprĂšs ses dĂ©buts tonitruants, Phoenix devient l’un des acteurs les plus demandĂ©s d’Hollywood. Il enchaĂźne les projets (une vingtaine de films en une dĂ©cennie), offrant toujours des compositions intenses et souvent confondantes de rĂ©alisme, Ă  l’image du patron de boĂźte de nuit vĂ©reux qu’il campe dans We Own The Night (La Nuit nous appartient) de James Gray (2007), ou son portrait de Johnny Cash dans le biopic Walk the Line (2005). Pour les besoins de ce rĂŽle exigeant physiquement et psychologiquement, Phoenix passe prĂšs de six mois Ă  apprendre les mimiques et la voix – pourtant si particuliĂšre – de son personnage. Bluffante, la reprĂ©sentation qu’il donne de la star du country lui permet Ă  nouveau d’ĂȘtre finaliste aux Oscars, en plus de lui offrir son premier Golden Globe.

En 2008, Ă  la surprise gĂ©nĂ©rale, Joaquin Phoenix annonce qu’il dĂ©sire quitter le cinĂ©ma pour se lancer dans la musique hip-hop. Ses sorties publiques dĂ©routantes et son comportement erratique laissent en outre planer de sĂ©rieux doutes quant Ă  sa santĂ© mentale. Ce que semble confirmer I’m Still Here, un soi-disant documentaire rĂ©alisĂ© par Casey Affleck qui s’avĂ©rera plus tard ĂȘtre une supercherie montĂ©e de toutes piĂšces. AprĂšs cet Ă©pisode peu glorieux qu’il regrettera sincĂšrement, Phoenix parvient toutefois Ă  rebondir grĂące Ă  The Master (Le MaĂźtre, 2012). Dans ce drame prenant rĂ©alisĂ© par Paul Thomas Anderson, il campe un vĂ©tĂ©ran alcoolique et tourmentĂ©, fascinĂ© par un charismatique gourou religieux. Un rĂŽle proche de sa vie personnelle qui lui vaut une nomination aux Oscars ainsi qu’un prix d’interprĂ©tation au festival de Venise.

Depuis lors, les succĂšs critiques et publics se succĂšdent. Il Ă©meut en Ă©crivain public amoureux d’une entitĂ© dotĂ©e de l’intelligence artificielle (Her ou Elle, Spike Jonze, 2013) et il impressionne par sa retenue dans la peau d’un vĂ©tĂ©ran suicidaire, rĂŽle dĂ©licat qui lui permet de remporter la palme du meilleur acteur Ă  Cannes (You Were Never Really Here ou Tu n’as jamais Ă©tĂ© vraiment lĂ , Lynne Ramsay, 2018). Tout aussi touchante sera son incarnation mĂ©lancolique d’un quadragĂ©naire solitaire rempli d’attention pour son neveu dans C’mon C’mon (L’Instant mĂȘme, Mike Mills, 2021). La consĂ©cration, il l’acquiert avec son incarnation stupĂ©fiante d’Arthur Fleck, acteur aigri se transformant quand bon lui semble en super-vilain machiavĂ©lique, connu de tous sous le nom de Joker. Un autre rĂŽle difficile – pour lequel il avait suivi une cure d’amaigrissement drastique – qui lui vaut son deuxiĂšme Golden Globe et l’Oscar du meilleur acteur. Cinq ans plus tard, le voici donc de retour dans Joker : Folie Ă  deux, mis en scĂšne par Todd Phillips. Et comme si un mĂ©chant ne suffisait pas, l’ennemi jurĂ© de Batman sera affublĂ© d’une alliĂ©e aussi dĂ©rangĂ©e que lui en la personne d’une chanteuse retorse, incarnĂ©e par Lady Gaga. Nul doute que cette suite attendue donnera l’occasion d’admirer une fois de plus ce comĂ©dien sans pareil, que beaucoup considĂšrent comme l’un des plus talentueux de sa gĂ©nĂ©ration. |

Joaquin phoenix partage la vedette avec lady gaga dans le film Joker : Folie à deux qui prendra l’affiche le 4 octobre en salle seulement.