CrĂ©dit Productions douaniĂšre, photographeâ: Laurence Grandbois Bernard
Entrevue avec la rĂ©alisatrice Manon Briand pour la sortie du film Tous toquĂ©sâ!.
Manon Briand est titulaire dâun diplĂŽme de lâUniversitĂ© Concordia en production cinĂ©matographique. En 1988, elle fonde en compagnie de Jeanne CrĂ©peau et de BenoĂźt Pilon le centre dâartistes Les Films de lâautre, un organisme culturel Ă but non lucratif, afin de soutenir la production de films indĂ©pendants. AprĂšs sa collaboration au long mĂ©trage collectif Cosmos (1996), elle scĂ©narise et rĂ©alise son premier filmâ: 2 Secondes (1998). En 2003, La Turbulence des fluides, son deuxiĂšme long mĂ©trage, reçoit quatre nominations, dont celui de meilleur scĂ©nario, aux prix Jutra (maintenant prix Iris). Pour son film Liverpool (2012), elle remporte le prix Women in Film and Television Artistic Merit Award au Festival international du film de Vancouver. AprĂšs une dizaine dâannĂ©es dâabsence, elle nous revient avec la comĂ©die culinaire Tous toquĂ©sâ!.
On vous connaĂźt pour des films plus dramatiques. Quâest-ce qui vous a inspirĂ© cette histoire plus drĂŽleâ?
Jâai poussĂ© plusieurs projets dans les derniĂšres annĂ©es et câest finalement celui-lĂ qui a passĂ© (rire). Il y a plusieurs tiroirs dans le cerveau dâune personne, et quand on se met Ă Ă©crire, on se laisse aller. Mais, jâai toujours caressĂ© la comĂ©die, mĂȘme si jâĂ©tais dans le drame. Jâaime insuffler de la comĂ©die dans ce que je fais. LĂ , jâavais vraiment un dĂ©sir de me divertir en Ă©crivant un scĂ©nario (rire). Jâai fait un film pour me faire plaisir, en espĂ©rant quâil plaise au plus grand nombre aussi. Je voulais donc jouer avec toutes sortes de thĂšmes qui me plaisent en essayant dâen faire quelque chose dâamusant et de divertissant qui laisse un sentiment positif, de feel-good Ă la fin.
Est-ce que la thĂ©matique de la gastronomie est quelque chose qui vous intĂ©ressait Ă la baseâ?
Câest un sujet qui me plaĂźt, mais dont jâavais un peu lâenvie de me moquer. Surtout cet engouement pour les compĂ©titions culinaires, dont je suis moi-mĂȘme une grande fan (rire).
Avez-vous eu Ă faire beaucoup de recherches pour lâĂ©criture de votre scĂ©narioâ?
Quand on aime quelque chose, câest facile (rire)â! Mais oui, jâai dĂ» quand mĂȘme faire pas mal de recherches, mĂȘme si je me gave de ce sujet-lĂ depuis plusieurs annĂ©es. La recherche Ă©tait donc pour pousser un peu plus dans les dĂ©tails. Je touche quand mĂȘme Ă quelque chose de plus pointu, soit la gastronomie française. En fait, lâhistoire aborde deux extrĂȘmesâ: les concours du type minichefs amusants et celui trĂšs sĂ©rieux du Meilleur ouvrier de France, qui est comme les Jeux olympiques de la gastronomie française. Aujourdâhui, ce concours est mondialement reconnu. Il possĂšde des codes extrĂȘmement rigoureux de type militaire. Mais ici, jâavais un peu de misĂšre Ă me faire comprendre, Ă expliquer ma vision. On connaĂźt moins ce type de compĂ©tition. Ce qui mâa sauvĂ© la vie, câest dâĂȘtre tombĂ©e par miracle sur le concours le Bocuse dâOr. Cette compĂ©tition internationale tout aussi importante met en scĂšne des chefs de diffĂ©rents pays. Câest comme ça que jâai entendu parler du chef quĂ©bĂ©cois Samuel Sirois, qui Ă©tait lâun des finalistes. Ă tout hasard, je lui ai envoyĂ© un courriel. Il revenait de la compĂ©tition et vivait encore plein dâĂ©motions, comme sâil Ă©tait tout seul sur son Ăźle aprĂšs plusieurs annĂ©es Ă sâĂȘtre entraĂźnĂ© pour ça. Et lĂ , jâarrive avec mon personnage de chef qui avait passĂ© des annĂ©es de sa vie perdues Ă caresser ce rĂȘve-lĂ . Samuel avait un peu lâimpression que câĂ©tait son histoire (rire). Tout dâun coup, jâavais un interlocuteur qui comprenait non seulement tout ce que je disais, mais en plus, il pouvait faire les plats (rire). Ceux que jâavais Ă©crits dans le scĂ©nario existaient, sauf le dernier, qui est comme le punch du film (rire) que jâavais inventĂ©. Moi, je suis une cinĂ©aste. Jâavais juste besoin que ça ait lâair vrai (rire)â! Le dĂ©fi de Samuel est quâil voulait rĂ©ellement faire ce plat et que ce soit bon (rire). Malheureusement, personne ne va pouvoir lâexpĂ©rimenter au cinĂ©ma, mais câĂ©tait vraiment dĂ©licieux (rire)â! Il a tellement Ă©tĂ© un alliĂ© prĂ©cieux dans lâaventure.
Que voyais-tu en Julie Le Breton et Ădouard Baer pour les personnages de Sonia et Victorâ?
Il fallait trouver un couple crĂ©dible, mais Ă la fois mismatched, mĂȘme si je voulais garder de la distance par rapport Ă la comĂ©die romantique traditionnelle. Ce nâest pas dâemblĂ©e le sujet qui, lui, tourne plutĂŽt autour de cette petite communautĂ© qui va finalement fabriquer quelque chose ensemble Ă la fin. Au dĂ©part, jâai fait mon casting au QuĂ©bec et jâai auditionnĂ© plusieurs comĂ©diennes, et ce, de tous les Ăąges. Julie est une «âmĂ©caniqueâ» extraordinaire. Elle a besoin de trĂšs peu dâindications. Elle bouge dans son corps. Elle peut aller autant dans le drame que la comĂ©die. AprĂšs mâĂȘtre cristallisĂ©e sur le choix de Julie, je me suis tournĂ©e vers la France, mais il nây avait pas tant de comĂ©diens avec qui jâavais le goĂ»t de travailler. Jâai lancĂ© lâinvitation Ă Ădouard en me croisant les doigts, puis il a dit oui tout de suite. JâĂ©tais vraiment ravieâ! En plus, il aime le QuĂ©bec, ce qui aide Ă©normĂ©ment Ă simplifier les rapports. Le dĂ©fi avec Ădouard est quâil sâennuie rapidement. Il nâaime pas dire deux fois la mĂȘme chose. Câest un maĂźtre de lâimprovisation. Il est hallucinant Ă voirâ! Il veut non seulement constamment improviser, mais varier aussi sa maniĂšre de faire, ce qui posait de bons dĂ©fis pour la scripte, pour moi Ă la rĂ©alisation et pour le monteur, tellement il aime essayer de nouvelles affaires (rire).
Ălodie Fontaine fait ses dĂ©buts au cinĂ©ma dans le rĂŽle de Lili-Beth, la fille de Sonia (Julie Le Breton). Que peux-tu nous dire Ă son sujetâ?
Câest le rĂŽle qui a demandĂ© le plus dâefforts pour le casting. On a vu plusieurs enfants de huit Ă onze ans. Puis, Ălodie a finalement obtenu le rĂŽle en troisiĂšme audition. Avec les enfants, câest toujours un coup de dĂ©s, mais elle avait fait quelques publicitĂ©s. Elle sâest avĂ©rĂ©e la rĂ©vĂ©lation pour toute lâĂ©quipe. Elle est devenue meilleure Ă chaque journĂ©e de tournage. Elle est un talent naturel. Elle vibre dĂšs quâelle arrive sur un plateau. Ăâa Ă©tĂ© une belle dĂ©couverte.
Est-ce que le village oĂč se dĂ©roule le film a Ă©tĂ© difficile Ă trouverâ?
Assez, oui (rire)â! Il a fallu Ă mon directeur de location et moi prĂšs dâun an de recherche sur Google Maps afin de trouver un village Ă moins de 300 km de MontrĂ©al avec un casse-croĂ»te sur une rue principale comme je le voulais. Celui que jâai finalement trouvĂ© Ă©tait fermĂ© depuis cinq ans, mais lâaspect extĂ©rieur du restaurant Ă©tait intact. Par contre, lâintĂ©rieur Ă©tait complĂštement vide et lâĂ©quipe de dĂ©corations est entrĂ©e lĂ -dedans pour en refaire un resto. Mais, le village que lâon retrouve Ă lâĂ©cran est Ă©chevelĂ© sur le territoire de plusieurs petites municipalitĂ©s alors quâon sâest promenĂ© pour les diffĂ©rents bĂątiments. On a donnĂ© Ă lâensemble des rĂ©gions (rire)â!
Quel a Ă©tĂ© le plus grand dĂ©fi du filmâ?
Le plus grand dĂ©fi, câest toujours de se battre contre le temps (rire). Je ne vais pas me plaindre, parce quâon a Ă©tĂ© bien financĂ©s, mais on a toujours des ambitions dâimages grandioses. Jâai travaillĂ© avec des gens hypertalentueux et compĂ©tents. Câest toujours une petite frustration autant pour eux que pour moi dâĂȘtre bousculĂ©s par le temps qui vient toujours Ă nous manquer un peu. Mais, je me dis aussi que câest peut-ĂȘtre ce qui fait notre force au QuĂ©bec, cette capacitĂ© Ă pĂ©daler vite (rire). Heureusement, il y a aussi la mĂ©tĂ©o qui a collaborĂ©. Lâhistoire se dĂ©roule en quelques mois, de septembre Ă dĂ©cembre. On a donc tournĂ© tardivement Ă lâautomne et ça aurait pu ĂȘtre un facteur. On a filmĂ© de maniĂšre chronologique le scĂ©nario pour Ă©viter tout problĂšme de raccords. Enfin, je tiens aussi Ă dire merci au public qui se dĂ©place pour voir du cinĂ©ma quĂ©bĂ©cois en salle. Câest une autre expĂ©rience, surtout en ce qui concerne les comĂ©dies parce que le rire est contagieuxâ! |
La comĂ©die Tous toquĂ©sâ! prend lâaffiche le 13 septembre.