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Entrevue avec Denise Robert

Crédit photo : Yanick Déry

Entrevue avec la productrice Denise Robert pour la sortie du film Nos Belles-SƓurs

Originaire d’Ottawa, Denise Robert se passionne dĂšs un jeune Ăąge pour le cinĂ©ma. Elle travaille auprĂšs du producteur Robin Spry avec qui elle apprend le mĂ©tier de productrice. En 1988, en compagnie de Daniel Louis, elle fonde sa sociĂ©tĂ© de production : CinĂ©maginaire. Elle participe Ă  plus de 50 productions, dont plusieurs films Ă  succĂšs tels Le Confessionnal, Nuit de noces, Maurice Richard, De pĂšre en flic et Menteur. Elle produit Ă©galement les films de Denys Arcand depuis Joyeux Calvaire (1996), avec qui elle remporte un Oscar pour Les Invasions barbares en 2004.

Qu’est-ce qui vous attirait dans le milieu du cinĂ©ma ?

L’imaginaire ! La capacitĂ© de mettre Ă  l’écran ce que l’on peut imaginer.

Est-ce que le mĂ©tier de productrice vous a intĂ©ressĂ©e dĂšs le dĂ©part ?

Non. Je ne connaissais pas le mĂ©tier. Je voulais plutĂŽt ĂȘtre comĂ©dienne comme Julie Christie (rire). Plus jeune, je me souviens d’avoir vu le film Le Docteur Jivago et ça avait laissĂ© une grande impression chez moi. Je suis originaire du quartier de Vanier Ă  Ottawa et je n’avais pas accĂšs au monde du cinĂ©ma. J’ai donc dĂ©butĂ© au thĂ©Ăątre, en faisant de la figuration sur scĂšne. Mais rapidement, je me suis rendu compte que j’étais trop gĂȘnĂ©e (rire). J’ai compris que je n’avais pas ce talent (rire).

Vous avez dĂ©butĂ© Ă  une Ă©poque oĂč c’était encore trĂšs rare de voir une femme pratiquer ce mĂ©tier. Avez-vous eu Ă  faire votre place dans un boys club ?

C’était trĂšs dur, oui. Par contre, j’ai eu la chance trĂšs tĂŽt de travailler pour le producteur Robin Spry, qui Ă©tait dĂ©jĂ  un joueur important dans l’industrie. J’étais assoiffĂ©e d’apprendre le mĂ©tier. Éventuellement, nous avons produit ensemble en 1988 le film de LĂ©a Pool À corps perdu.

Comment dĂ©cririez-vous le mĂ©tier de productrice ?

C’est un mĂ©tier qui demande beaucoup d’ouverture. Il faut aussi savoir compter (rire), car on gĂšre des sommes importantes d’argent. On doit donc avoir la capacitĂ© d’aller chercher du financement pour produire un film. C’est pour ça que ce n’est pas un passe-temps, mais bel et bien un mĂ©tier. Il faut savoir s’adapter, car le mĂ©tier est en constant changement Ă  cause de la technologie qui Ă©volue. C’est aussi un privilĂšge d’accompagner un rĂ©alisateur dans son imaginaire.

Au quotidien, qu’est-ce que vous aimez le plus de votre travail ? Le moins ?

Je suis toujours dans la crĂ©ation oĂč je visite diffĂ©rents univers. Je touche aussi Ă  plusieurs corps de mĂ©tier comme les dĂ©cors, la technique, le son, la photo. Mon travail me permet de rencontrer plein de gens passionnĂ©s. Un film, ça ne se fait pas tout seul. Il faut toute une Ă©quipe pour rĂ©ussir Ă  traduire l’imaginaire d’un cinĂ©aste Ă  l’écran. Je trouve toujours ça trĂšs excitant. J’aime tout dans mon travail. Je ne trouve rien d’ennuyant. Au contraire, on apprend toujours des choses intĂ©ressantes (rire).

Que regardez-vous dans un scĂ©nario ?

Je cherche une histoire qui est bien racontĂ©e. Je veux pleurer, rire, ĂȘtre touchĂ©e (rire) ! Si ça me laisse indiffĂ©rente, c’est que je ne suis pas la bonne personne pour le produire.

« Ça fait plusieurs annĂ©es que je cherchais Ă  porter du Michel Tremblay au grand Ă©cran. Je me retrouve dans ses personnages. Il parle de nous. »

Quel film a posĂ© les plus grands dĂ©fis ?

Aucun film ne pose le mĂȘme type de dĂ©fis. Parfois, c’est chercher le financement qui est plus difficile. Parfois, un acteur ne veut plus faire le film ou il tombe malade pendant la production. La tempĂ©rature peut compliquer les choses. Tourner pendant la pandĂ©mie n’était vraiment pas Ă©vident alors qu’on devait parfois arrĂȘter la production. C’est lĂ  qu’il faut se faire confiance et trouver des solutions en Ă©quipe.

Est-ce qu’il y a un compromis que vous regrettez encore à ce jour ?

Non. Chaque film est justement un nouveau dĂ©fi. Il faut voir ça comme un apprentissage plutĂŽt que d’exprimer un regret.

AprĂšs avoir reçu votre Oscar pour Les Invasions barbares (2003), avez-vous eu le dĂ©sir de travailler Ă  Hollywood ?

Un Oscar, c’est un peu la rĂ©compense ultime lĂ -bas. Donc, la grande question que tout le monde te pose c’est : « Qu’est-ce que tu fais aprĂšs (rire) ? »  J’ai rapidement eu ma rĂ©ponse pour la suite. La soirĂ©e mĂȘme, j’ai Ă©tĂ© invitĂ©e au gala de Vanity Fair et je me suis retrouvĂ©e avec plein de vedettes. J’ai compris que j’étais comme une Ă©trangĂšre dans un village, que je n’habitais pas lĂ . C’est un privilĂšge d’avoir une telle reconnaissance, mais c’est chez nous que je suis bien (rire). J’aime faire des films avec des histoires de chez nous, avec des talents d’ici et qui nous parlent davantage. L’occasion s’est prĂ©sentĂ©e, mais je suis heureuse ici (rire).

Vous travaillez sur les films de votre conjoint, Denys Arcand. Est-ce plus facile ou difficile ?

Oui, c’est plus exigeant. Le dĂ©fi que prĂ©sente le fait de produire un film de Denys Arcand est que sur le plateau, je suis prĂ©sente comme productrice et non comme conjointe. La barre est aussi trĂšs haute (rire). Je ne veux pas le dĂ©cevoir.

Est-ce plus facile de faire des films aujourd’hui qu’à l’époque ?

Chaque Ă©poque a ses dĂ©fis. Avant, c’est certain que tourner avec de la pellicule avait un coĂ»t trĂšs Ă©levĂ©. Nous Ă©tions plus limitĂ©s par le temps. Aujourd’hui, les outils technologiques nous permettent d’ĂȘtre plus efficaces et d’avoir plus de temps. Ironiquement, c’est plus facile tourner, mais on a moins de moyens. C’est plus dur d’obtenir du financement. Il faut aussi se battre pour obtenir des Ă©crans.

Qu’est-ce qui vous garde encore passionnĂ©e par votre mĂ©tier aujourd’hui ?

Le talent qu’on a au QuĂ©bec, et ce, Ă  tous les niveaux : l’écriture, les comĂ©diens, la production, la technique, la musique. On n’a vraiment rien Ă  envier Ă  ce qui se fait ailleurs. Ce qu’on fait est aussi bon.

Cet Ă©tĂ©, vous nous prĂ©sentez votre nouvelle production : Nos Belles-SƓurs. Qu’est-ce qui vous attirait dans cette production ?

Ça fait plusieurs annĂ©es que je cherchais Ă  porter du Michel Tremblay au grand Ă©cran. Je me retrouve dans ses personnages. Il parle de nous. Quand j’ai vu la comĂ©die musicale, je trouvais intĂ©ressante la possibilitĂ© de l’adapter pour le cinĂ©ma, car c’est un genre qui est plus rare au QuĂ©bec. J’ai demandĂ© Ă  RenĂ© Richard Cyr s’il Ă©tait intĂ©ressĂ© Ă  rĂ©aliser le film. Il a rapidement acceptĂ©. Mais ça posait un bon dĂ©fi et ça aura pris quand mĂȘme dix ans pour rĂ©ussir Ă  le faire. Il fallait vraiment faire une nouvelle Ă©criture pour le cinĂ©ma, car on ne voulait pas procĂ©der Ă  une captation du spectacle. On a aussi montĂ© un casting extraordinaire.

Il s’agit d’un premier long mĂ©trage pour RenĂ© Richard Cyr. Comment travaille-t-on avec un rĂ©alisateur qui tourne son premier film ?

Mon rĂŽle consistait plus Ă  l’accompagner et Ă  compenser du cĂŽtĂ© technique, des possibilitĂ©s de la camĂ©ra et du montage. De lui faire aussi comprendre les limites technologiques et comment y arriver pour lui permettre de raconter son histoire. Je l’ai donc entourĂ© d’une Ă©quipe exceptionnelle de laquelle il pouvait apprendre (rire). Il faut souligner qu’il a un talent fou pour la direction d’acteurs.

Qu’est-ce qui va nous surprendre le plus en voyant le film ?

Que l’histoire, qui porte sur le bonheur, demeure trùs contemporaine. |

Le film Nos Belles-SƓurs prend l’affiche le 11 juillet.