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Entrevue avec Patrick Boivin

Crédit photo : Filmoption International

Entrevue avec le réalisateur Patrick Boivin pour la sortie du film Echo à Delta

NĂ© en 1975 Ă  QuĂ©bec, Patrick Boivin est un artiste autodidacte qui s’est fait connaĂźtre grĂące au collectif culte de vidĂ©astes PhylactĂšre Cola. En plus d’y participer comme scĂ©nariste et comĂ©dien, il a rĂ©alisĂ© les Ă©pisodes de la sĂ©rie humoristique, d’abord diffusĂ©e en 1995 sur la chaĂźne communautaire TĂ©lĂ© Comm 9 (aujourd’hui MaTV), puis en 2002 Ă  TĂ©lĂ©-QuĂ©bec. Boivin continue de faire sa marque dans le milieu du court mĂ©trage, alors que ses crĂ©ations se distinguent dans plusieurs festivals de films internationaux. AprĂšs Enfin l’automne (2011) et Bunker (2014), Echo Ă  Delta est son troisiĂšme long mĂ©trage et premier film familial.

Ton dernier film, Bunker, remonte à 10 ans déjà. Pourquoi as-tu choisi Echo à Delta pour ton troisiÚme long métrage ?

Jean-Daniel Desroches, le scĂ©nariste, m’avait approchĂ© avec son histoire il y a une dizaine d’annĂ©es. Mais elle Ă©tait diffĂ©rente. Il s’agissait plutĂŽt d’un adulte qui se souvenait d’un drame vĂ©cu pendant son enfance. Je trouvais plus intĂ©ressant de montrer l’évĂ©nement qu’il avait subi Ă  cet Ăąge. Jean-Daniel a donc retravaillĂ© le scĂ©nario. Ensuite, si ç’a Ă©tĂ© long, c’est une question de financement. Pendant des annĂ©es, on a eu plusieurs refus (rire). Je comprends le systĂšme et le fait qu’il faut accepter la game. Je dois quand mĂȘme dire que ça s’est avĂ©rĂ© positif de retravailler l’histoire au fil des demandes. Je crois que cette version du scĂ©nario, que j’ai tournĂ©e, est la meilleure et j’en suis trĂšs fier.

Qu’est-ce qui t’a intĂ©ressĂ© dans le scĂ©nario ?

Je trouve qu’on ne parle presque jamais de la mort d’un enfant. J’ai Ă©tĂ© marquĂ© par un film que j’avais Ă©coutĂ© avec mes jeunes enfants : Big Hero Six. Dans le film, le jeune frĂšre du personnage principal meurt, mais c’est amenĂ© d’une façon qui est trĂšs facile Ă  digĂ©rer pour les enfants. C’est un sujet qui les intĂ©resse. J’avais donc le goĂ»t de l’explorer et, je l’espĂšre, de provoquer des discussions familiales.

Vu le sujet délicat, est-ce que les éléments fantaisistes étaient présents dÚs le départ dans le
scénario ?

Jean-Simon m’avait proposĂ© son histoire connaissant mon coffre Ă  outils (rire). Il savait de quoi j’étais capable visuellement. Les Ă©lĂ©ments fantaisistes Ă©taient un moyen de transmettre l’imaginaire des enfants.

« Je trouve qu’on ne parle presque jamais de la mort d’un enfant (dans les films). C’est un sujet qui les intĂ©resse. J’avais donc le goĂ»t de l’explorer et, je l’espĂšre, de provoquer des discussions familiales. »

Comment as-tu trouvĂ© tes deux formidables jeunes comĂ©diens ? As-tu passĂ© beaucoup d’enfants en audition ?

Oui, mais j’ai une histoire cruelle Ă  ce propos. En fait, on a obtenu le financement juste avant l’arrivĂ©e de la COVID. On devait donc tourner Ă  l’étĂ© 2020 oĂč tout a finalement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©. Quand on a pu reprendre, les jeunes avaient trop vieilli. Ç’a Ă©tĂ© tout un drame de leur annoncer qu’ils ne pouvaient plus faire le film. On a dĂ» retourner en casting. Et lĂ , je cherchais un autre jeune qui ressemblait Ă  celui que j’avais choisi (rire). Le critĂšre principal Ă©tait qu’il devait avoir l’air assez jeune, mais qu’il soit aussi grand et autonome pour qu’il puisse partir tout seul avec sa bande. Mais je n’arrivais pas Ă  le trouver. J’étais dĂ©couragĂ© (rire). Le comĂ©dien Martin Dubreuil, qui joue dans le film, m’avait dit que le fils d’un de ses amis Ă©tait intĂ©ressĂ© Ă  venir auditionner. On l’avait dĂ©jĂ  passĂ© en audition, mais comme c’est toujours un peu dĂ©licat ce genre de situation, je ne m’étais peut-ĂȘtre pas assez attardĂ© sur celle-ci. En rĂ©Ă©coutant les auditions, je suis retombĂ© sur la sienne et je sentais finalement que j’avais trouvĂ© mon nouvel Étienne. Isak Guinard Butt possĂšde une authenticitĂ© et un petit cĂŽtĂ© bum qui me plaĂźt (rire). Il possĂ©dait aucune expĂ©rience, mais je le sentais game et que ça pouvait fonctionner. J’ai voulu crĂ©er un rapport entre lui et moi pour le mettre en confiance. J’ai tournĂ© quelques sĂ©quences avec lui afin de trouver le bon ton et le dĂ©gĂȘner un peu (rire). Je voulais aussi que les enfants se sentent en confiance sur le plateau en crĂ©ant une ambiance relaxe. Pour le rĂŽle du jeune frĂšre, David, on cherchait un jeune qui nous donnerait le goĂ»t de le croquer (rire). Et nous sommes tombĂ©s sous le charme d’Elliot Cormier, par son visage et sa voix. On croyait rĂ©aliste que ces deux jeunes soient frĂšres.

Si je ne me trompe pas, on peut ressentir un certain hommage Ă  Steven Spielberg et sa pĂ©riode des productions de sa sociĂ©tĂ© Amblin’ des annĂ©es 1980. Quels sont tes liens avec cette Ă©poque du cinĂ©ma amĂ©ricain ?

Les films de Spielberg ont façonnĂ© ma maniĂšre de raconter une histoire. Bien qu’il ne soit pas de cette pĂ©riode, Jaws (1975) demeure mon film prĂ©fĂ©rĂ©. Ce que j’aime des films de cette Ă©poque, c’est l’utilisation des longs plans. Les scĂšnes peuvent parfois durer plusieurs minutes. À mes dĂ©buts, je crĂ©ais beaucoup au montage en tournant beaucoup. Maintenant, j’essaie d’y aller plus avec cette approche.

Vu ton passé de bédéiste, quelle attention portes-tu à la préproduction du visuel et de tes cadrages ?

J’y accorde Ă©normĂ©ment de temps. En fait, tout le film est dĂ©jĂ  dĂ©coupĂ© sous forme de storyboard. J’ai cette facilitĂ© de raconter en dessin. Je vois donc le film dans ma tĂȘte avant qu’il soit tournĂ© (rire). Ça me permet d’ĂȘtre plus efficace et tout ce que je tourne ou presque se trouve Ă  l’écran. Ça Ă©vite de gaspiller de l’argent (rire).

Quels étaient les défis pour créer les effets visuels ?

Je voulais que les effets visuels soient inspirĂ©s du monde autour d’Étienne. Pour les rĂ©aliser, je faisais dĂ©jĂ  du stop-motion. Ce n’est pas quelque chose que j’adore faire, mais je le maĂźtrise bien (rire). Surtout, je suis trĂšs fier des trucages que je n’avais jamais rĂ©alisĂ©s auparavant et qu’on a faits pour les scĂšnes avec Étienne dans sa chambre, soit celle de l’envol et l’autre oĂč il se retrouve en apesanteur. Ils ont Ă©tĂ© accomplis avec de simples trucages physiques.

Aprùs Bunker, tu retrouves à nouveau Martin Dubreuil. Qu’est-ce que tu aimes chez lui en tant qu’acteur ?

Il est authentique et je pense qu’on s’identifie Ă  son cĂŽtĂ© un peu bum (rire). Surtout, c’est plaisant de travailler avec lui. Il est trĂšs enthousiaste et adore le cinĂ©ma. Il a jouĂ© dans plusieurs courts mĂ©trages parce qu’il veut tourner. Il amĂšne une belle Ă©nergie sur le plateau. Je prendrais toujours Martin dans mes films (rire). |