Crédit photo : Magali Bragard
Entrevue avec le réalisateur et comédien Nicolas Bedos pour la sortie du film Mascarade
Nicolas Bedos sâest fait connaĂźtre en France grĂące Ă ses chroniques humoristiques et vitrioliques, prĂ©sentĂ©es notamment Ă lâĂ©mission On nâest pas couchĂ©. Aussi connu comme acteur, il sâest lancĂ© dans la rĂ©alisation en 2017 aux cĂŽtĂ©s de sa compagne de lâĂ©poque, Doria Tillier, avec Monsieur & Madame Adelman. Bedos est de retour cette annĂ©e avec un quatriĂšme long mĂ©trage intitulĂ© MASCARADE. Alors quâil avait touchĂ© Ă la romance nostalgique avec La Belle Ăpoque et Ă la comĂ©die dâespionnage avec OSS 117â: alerte rouge en Afrique noire, le cinĂ©aste nous offre cette fois-ci un suspense colorĂ©, un polar noir divertissant que nâaurait pas reniĂ© Patricia Highsmith. Pierre Niney, Isabelle Adjani, Marine Vacth et François Cluzet incarnent les personnages principaux de son film campĂ© sous le soleil de Nice et relatant le parcours dâAdrien, lâamant de Martha, qui tombe amoureux de Margot avec laquelle il manigance un plan pour arnaquer Simon, un riche courtier immobilier. Voici ce que Nicolas Bedos avait Ă dire sur son nouveau long mĂ©trage, et aussi sur lui-mĂȘme puisquâil adore ĂȘtre le centre dâattention.
MASCARADE, câest dâabord un projet de roman, le vĂŽtre, restĂ© inachevĂ©. En vous lançant dans la production du film, Ă Nice, toutes les images devaient dĂ©jĂ ĂȘtre dans votre tĂȘte puisque vous y avez habitĂ©?
Ăvidemment, je connais trĂšs bien Nice et jâai bien sĂ»r participĂ© aux repĂ©rages des lieux de tournage. Jâai tendance Ă vouloir parler des choses que je connais, des endroits que je frĂ©quente comme câest le cas pour la cĂŽte dâAzur.
Ces dĂ©cors dans MASCARADE, luxueux, rutilants, font rĂȘver et nous aident Ă cerner les diffĂ©rents personnages du film, que ce soit Cluzet en courtier immobilier ou Adjani en star sur le dĂ©clin vivant dans lâopulence.
Oui, et jâai beau avoir de lâimagination, avant tout jâavoue que je mâinspire de gens qui existent, que jâai croisĂ©s, dont jâai entendu parler. Je pourrais faire la liste de qui est qui dans MASCARADE, car ce sont des gens avec qui jâai dĂźnĂ©, chez qui jâai dormi, avec lesquels je me suis engueulĂ© ou qui mâont fascinĂ©.
MĂȘme si Pierre Niney et François Cluzet ont des rĂŽles majeurs, votre long mĂ©trage est portĂ© par le talent et la prĂ©sence de Marine Vacth et dâIsabelle Adjani.
Tout Ă fait. Jâaime Ă©crire pour les femmes. Dâailleurs, elles sont toujours au centre de mes films. Je suis fĂ©ministe mĂȘme si on mâa accusĂ© de misogynie. JâĂ©cris pour les femmes que je frĂ©quente, celles qui partagent ma vie, celles dont je suis amoureux. Les femmes me donnent envie dâĂ©crire et de tourner, comme pour mon premier film avec Doria, puis La Belle Ăpoque rĂ©alisĂ© pour ma mĂšre (JoĂ«lle Bercot, dramaturge) Ă partir de ce quâont vĂ©cu mes parents. Bref, je fais des films pour des femmes, avec des femmes, au sujet des femmes.
Et OSS 117 lui?
OSS, non, euh⊠câest lâexception. Je ne lâai pas Ă©crit non plus. Câest une parenthĂšse un peu Ă part dans ma vie. Ăa ne rĂ©pond pas Ă la mĂȘme dĂ©marche crĂ©ative que mes autres films, disons.
Isabelle Adjani se fait rare au cinéma. Son personnage de grande actrice sur le déclin rappelle Gloria Swanson dans Sunset Boulevard. Il y a quelque chose de pathétique chez Martha. Elle a embrassé ce rÎle dÚs le départ?
Isabelle avait surtout trĂšs envie de travailler avec moi. Ăa mâa flattĂ©. Pour le personnage, elle a entretenu au dĂ©but des rapports ambivalents pour finir par beaucoup sâamuser. Je portais sur elle un regard cruel tout en la filmant pour quâelle ait lâair belle, folle et touchante Ă la fois.
Votre film a quelque chose qui rappelle lâunivers de lâĂ©crivaine de romans noirs Patricia Highsmith, non?
On me lâa dĂ©jĂ dit, mais jâavoue nâavoir jamais lu un traĂźtre roman dâelle. Jâai vu des adaptations, dont celles rĂ©alisĂ©es par Chabrol et qui mâinspirent cette satire de la bourgeoisie, cette acrimonie qui accable les riches qui sâemmerdent. On peut aussi penser Ă Plein soleil et son adaptation amĂ©ricaine, The Talented Mr. Ripley. Le principe du polar noir, je lâai toujours compris. En France, la SĂ©rie noire dâoĂč viennent des auteurs comme Echenoz,
Dantec ou Pierre LemaĂźtre, câest le mĂȘme principe, soit de raconter lâĂȘtre humain avec une histoire qui va plaire au public. Une dĂ©marche modeste quâutilisait brillamment Simenon.
Avec vos nombreuses annĂ©es de mĂ©tier, avez-vous rĂ©ussi mĂ©diatiquement, en France, Ă vous affranchir de lâaura de votre dĂ©funt pĂšre Guy Bedos?
Cette aura mâa surtout amenĂ© Ă travailler davantage pour mâĂ©loigner dâune certaine presse qui mâemmerdait en me ramenant toujours Ă mon pĂšre. En fait, si jâavais eu un autre nom de famille, les critiques sur mes premiers films auraient Ă©tĂ© plus clĂ©mentes. Le mĂ©tier de mes parents a eu cet avantage de me faire rencontrer plein de gens inspirants. Je ne peux le nier. Mais en mĂȘme temps, câest fatigant, car on se ditâ: «âAh bien oui, tout est facile pour luiâ». Mon histoire est plus compliquĂ©e quâon ne le pense et pas trĂšs Ă la mode. Je viens dâun milieu favorisĂ©, avec un pĂšre cĂ©lĂšbre et je suis vu comme un mec sĂ©ducteur, hĂ©tĂ©rosexuel. Tout ça, ce nâest pas gĂ©nial aujourdâhui. Si jâavais pu choisir, jâaurais vĂ©cu autrement, fait semblant mĂȘme dâĂȘtre hĂ©roĂŻnomane ou homosexuel.
Oui, mais Ă la blague on dira que pour lâun et pour lâautre, il y avait dĂ©jĂ BenoĂźt Magimel et Guillaume Gallienne.
Ha! Ha! Oui, mais Guillaume se croit hĂ©tĂ©ro et de mon cĂŽtĂ©, je pense que je vais vous avoir Ă lâusure pour me dĂ©tacher de cette image de mec. Je viens de lâĂ©poque de mon pĂšre, de Sagan, de Desproges, avec de lâironie, de lâhumour. LâĂ©poque actuelle, pour des gens comme moi, est la pire quâon puisse imaginer. Oui, elle fait Ă©voluer des causes, mais ça mâemmerde parce que câest fait de façon autoritaire, presque fascisante, sur ce quâon doit ou peut dire. Câest un petit cauchemar. Mais je continue, car je nâai pas envie de mâĂ©teindre.
En terminant, que pouvez-vous dire sur Alphonse avec Jean Dujardin, sĂ©rie qui se retrouvera sur Amazon Prime Ă lâautomne et qui met aussi en vedette Charlotte Gainsbourg et Nicole Garcia?
Jâai terminĂ© le tournage en dĂ©cembre, tournage qui a durĂ© des mois et lĂ je commence le montage. Cette sĂ©rie va faire du bruit. Câest une comĂ©die, fĂ©ministe, Ă©videmment, mais vu que je la rĂ©alise, on dira que câest une honte, comme pour MASCARADE. |
Cette entrevue a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans le cadre des Rendez-vous du cinĂ©ma 2023 dâUniFrance.