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Entrevue avec James Huth

Image tirée du film Le Nouveau jouet (2023)

Entrevue avec James Huth pour la sortie du film Le Nouveau jouet

L’humoriste et comĂ©dien Jamel Debbouze reprend, 46 ans plus tard, le rĂŽle jouĂ© par Pierre Richard dans Le Jouet de Francis Veber (Le DĂźner de cons). DirigĂ© ici par le cinĂ©aste James Huth, bien connu pour son travail sur Brice de Nice et Brice 3, l’acteur interprĂšte Sami, un homme qui peine Ă  trouver un emploi stable et bien rĂ©munĂ©rĂ© et qui, par surcroĂźt, s’interroge sur sa fibre paternelle puisque sa compagne vient de lui apprendre qu’elle est enceinte. Au grand magasin oĂč il travaille comme agent de sĂ©curitĂ©, Sami se fera « acheter » par Alexandre, un enfant gĂątĂ© Ă  qui on ne peut rien refuser, fils d’un richissime veuf jouĂ© par Daniel Auteuil. Le rĂ©alisateur du Nouveau Jouet nous parle des risques lorsqu’on s’applique Ă  rĂ©inventer une comĂ©die devenue culte et sur la façon dont on peut mettre en relief les grandes qualitĂ©s du scĂ©nario original dans le contexte d’aujourd’hui.

Dans les annĂ©es 70, au QuĂ©bec, on passait rĂ©guliĂšrement Ă  la tĂ©lĂ© les comĂ©dies françaises mettant en vedette Louis de FunĂšs et Pierre Richard. Le Jouet est rapidement devenu un classique du genre, voire un film culte pour certains parce qu’il apportait une dimension humaine Ă  travers le genre de la comĂ©die burlesque. Est-ce cela qui a vous intĂ©ressĂ© dans ce projet de relecture du Jouet de Francis Veber datant de 1976?

Au dĂ©part, comme vous, j’ai vu Le Jouet Ă©tant mĂŽme et Ă  l’époque j’étais fascinĂ© par la chambre de ce gamin dĂ©corĂ©e avec tous ces super-hĂ©ros Marvel grandeur nature en carton. C’était un truc de fou et un fort beau souvenir de jeunesse. Puis, rĂ©cemment, mon producteur m’a proposĂ© d’en faire un remake et j’ai rĂ©pondu : « Mais tu es complĂštement fou! » Ha! ha! J’ai ensuite pris le temps de revoir le film avec mes yeux d’adulte. Et lĂ , j’ai redĂ©couvert une vĂ©ritable satire au vitriol de la sociĂ©tĂ© avec un regard trĂšs dur sur les riches et les pauvres qui, eux, peinent Ă  s’en sortir. Du coup, j’ai su qu’il y avait de la place pour une nouvelle proposition. Mais refaire le film pour en refaire un Ă  l’identique, ça n’a aucun sens. L’absence d’humanitĂ© au cƓur de l’original pouvait ĂȘtre davantage explorĂ©e. Le rapport pĂšre-fils pouvait Ă©galement ĂȘtre approfondi.

Les thĂšmes et sous-thĂšmes du Jouet sont encore trĂšs actuels.

Je dirais mĂȘme qu’ils sont d’ailleurs beaucoup plus adaptĂ©s Ă  notre Ă©poque qu’à ceux des annĂ©es 70. Ils sont plus actuels. La fracture sociale, le manque de communication, l’enfant roi dont le terme n’existait mĂȘme pas, tout ça nous mĂšne vers une excellente comĂ©die prenant place en 2022, Ă  Paris.

Le dĂ©fi pour Jamel Debbouze, c’était de jouer un rĂŽle principal sexuĂ© qui assume d’ĂȘtre un pĂšre et un amoureux. C’était une premiĂšre pour lui Ă  l’écran.

Rapidement, Jamel s’est imposĂ© pour jouer le premier rĂŽle, celui de Sami?

Lors de l’écriture du scĂ©nario, dĂ©jĂ  j’avais Jamel en tĂȘte, mais on a d’abord contactĂ© Daniel Auteuil qui, lui, se demandait qui allait lui donner la rĂ©plique. Quand on lui a soufflĂ© le nom de Jamel, il a rĂ©pondu qu’ils Ă©taient voisins Ă  Paris, Ă  Avignon et en Corse oĂč ils ont des rĂ©sidences. Ils sont donc triplement voisins et de plus ils s’entendent bien, quel hasard quand mĂȘme. Ils n’avaient jamais jouĂ© ensemble et sont totalement diffĂ©rents comme acteurs. L’occasion de les rĂ©unir Ă©tait idĂ©ale.

Incarnant Philippe Étienne, Daniel Auteuil reprend le rîle tenu par Michel Bouquet, ce pùre de famille et homme d’affaires trùs riche, froid et distant. Auteuil, comme dans Un cƓur en hiver de Sautet, peut facilement jouer tout en retenue.

Oui, mais Ă  la diffĂ©rence de Bouquet, Daniel, mĂȘme si physiquement il est entiĂšrement fixe, il transpire de l’émotion, et ce, sans bouger un cil, rĂ©ussissant Ă  faire passer sa fĂȘlure tout naturellement. Ici, il est un handicapĂ© des relations humaines qui ne peut acheter le temps qu’il n’a pu passer avec ceux qu’il aime, sa femme dĂ©cĂ©dĂ©e ou son fils, car il est dĂ©jĂ  trop tard. Et comme Sami, tous deux sont incapables de gĂ©rer leurs Ă©motions, car terrifiĂ©s Ă  l’idĂ©e d’ĂȘtre pĂšre ou d’assumer leur rĂŽle de pĂšre. Ils doivent apprendre chacun Ă  apprivoiser la paternitĂ©.

Simon Faliu personnifie Alexandre, l’enfant gĂątĂ© malheureux comme les pierres dans cet univers d’opulence hermĂ©tique.

Oui et je m’estime chanceux d’ĂȘtre tombĂ© sur lui. J’ai vu 150 enfants pour le rĂŽle d’Alexandre et Simon m’a eu dans la scĂšne de l’arbre, une scĂšne Ă©motive dans laquelle il s’est imposĂ© Ă  la camĂ©ra. Il y avait une telle maturitĂ© chez cet enfant de onze ans, cette capacitĂ© Ă  jouer Ă  la fois Harry Potter et Voldemort. C’était important de bien choisir l’acteur, car tout tourne autour de ce mĂŽme insupportable qui Ă  la fin gagne notre cƓur.

Vous le disiez en dĂ©but d’entrevue, jeune, en regardant Le Jouet de Veber, on Ă©tait fascinĂ© par tous les jouets qui meublaient la chambre de cet enfant. Aujourd’hui en 2023, il y a sĂ»rement un dĂ©fi de dĂ©corateur et d’accessoiriste pour illustrer Ă  l’écran l’environnement d’un enfant qui a tout ce qu’un jeune peut dĂ©sirer?

C’est devenu le dĂ©fi majeur du film. Comment faire sourire les jeunes quand ils verront ce qui constitue la chambre d’Alexandre et donner envie Ă  tous d’y habiter? Aujourd’hui, les super-hĂ©ros en carton et les tables de babyfoot, ça n’impressionne plus personne. Donc, on a pensĂ© aux mangas, aux figurines d’animation japonaises pour la modernitĂ© de l’ensemble tout en ajoutant la salle de jeu au deuxiĂšme niveau et un lit robotisĂ© pour nous faire basculer dans un monde parallĂšle, spatial ou de fond marin, bref pour avoir l’impression d’ĂȘtre dans une rĂ©alitĂ© virtuelle. On s’est bien amusĂ© Ă  construire le tout.

L’image publique que projette Jamel Debbouze pouvait-elle nuire Ă  son interprĂ©tation et l’emporter sur le personnage qu’il devait interprĂ©ter. Il y avait lĂ  un danger, non?

Oui, bravo! Le dĂ©fi pour Jamel, c’était de jouer un rĂŽle principal sexuĂ© qui assume d’ĂȘtre un pĂšre et un amoureux. C’était une premiĂšre pour lui Ă  l’écran. Je crois qu’il y a un lĂącher-prise chez lui dans le film, car il est dans l’émotion. Jamel se faisait rare au grand Ă©cran ces derniĂšres annĂ©es et ce retour Ă©tait important pour lui. Il croyait en ce film! |

Cette entrevue a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans le cadre des Rendez-vous du cinĂ©ma 2022 d’UniFrance.